Chapitre III

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  Entre l'appartement d'Agony et la poste, il y avait dix arrêts de métro. Dix arrêts pendant lesquels elle garda quasiment le silence. Dix arrêts pendant lesquels elle apprit que la jeune fille qui l'accompagnait s'appelait Ecstasy, qu'elle avait bien dix-huit ans, qu'elle était suédoise et issue d'une famille artiste de cirque. Elle avait quitté le cirque familial et elle était en Angleterre depuis trois mois en tant que jeune fille au pair. Elle jouait du violoncelle, son idole absolue était Emilie Autumn et elle parlait vraiment, vraiment beaucoup.

  Cela gênait Agony d'une certaine manière, mas d'une autre, elle était plutôt contente de qu'elle comble le vide. Chez elle, ses parents avaient depuis bien trop longtemps cessé d'essayer de lui faire la conversation. Alors avoir quelqu'un à côté d'elle qui ne cessait de parler, ça la distrayait de cette sensation d'inexistence et d'inutilité. C'était un sentiment nouveau pour elle. Même Paulina ne lui faisait pas ressentir ce genre de chose. En réalité, elle se contentait surtout de l'écouter parler si elle en avait besoin, ou juste d'être là, à côté d'elle, ou au bout du fil, ce qui rassurait Agony. Mais au fond, elles parlaient rarement d'autre chose que de sa maladie.
  Lorsqu'elles arrivèrent à l'arrêt de la poste, Ecstasy lui demanda :

« Et toi, comment tu t'appelles ?
- Agony.
- Et tu viens d'où ?
- De nulle part en particulier. Juste de Londres. J'ai pas grand-chose d'intéressant à te dire.
- Waouh, je rêve ou tu viens de construire trois phrases entières ?
- Ta gueule. »

  Mais Ecstasy, malgré son sarcasme, souriait de façon bienveillante. Elle avait l'air vraiment adorable.

« Bon, je viens avec toi jusqu'à la poste ?
- Tu peux plus te passer de moi ?
- Et t'as le sens de l'humour en plus.
- Quand je veux bien.
- Quel dommage que tu ne laisses pas entendre le son de ta voix plus souvent.
- Tu peux te sentir privilégiée. »  

  Elles arrivèrent devant le bâtiment. Nouvelle montée d'angoisse pour la jeune femme. Mais elle n'était pas seule. Elle ne voulait pas qu'on la voie dans cet état. Encore moins quelqu'un qu'elle venait de rencontrer.

  Mais c'était tellement plus fort qu'elle. Elle ne pouvait rien y faire. Elle commença à suffoquer.
Ecstasy, paniquée, la força à s'asseoir.

  Mais cette fois, la crise était plus forte que les autres. Ca lui faisait mal. Elle pleurait. Sa tête se mit à tourner violemment.

  Et elle perdit connaissance.  

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