Chapitre XI

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Il fallut du temps à Agony pour s'accoutumer à la présence de Nelly. Elle passait ses journées au travail. Vingt jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait commencé, et Paulina constatait de jour en jour ses progrès. Elle ne reconnaissant plus la boule d'angoisse qu'elle avait rencontrée quelques années auparavant. Alors bien sûr, Agony était loin d'être débarrassées desdites angoisses, mais elle apprenait petit à petit à les maîtriser et surtout, à les cacher. Elle apprit à faire semblant de sourire. Elle apprit à enfiler un masque tous les jours à 9h et à le retirer tous les soirs à 19h. Elle n'était peut-être pas guérie, mais au moins elle était capable de donner le change.


  Mais elle se sentait vide. Elle se sentait seule. Et même si elle ne voulait pas se l'avouer, au fond d'elle, elle savait très bien pourquoi.

  Alors le vingtième soir, alors qu'elle était à table avec ses parents et Nelly, elle fondit en larmes. Incontrôlablement. Ses parents ne surent pas comment réagir. Nelly, elle, la prit par la main, l'emmena dans sa chambre et ferma la porte. Elle la prit dans ses bras et attendit que les sanglots se calment. Puis elle lui demanda :


« Est-ce que tu as besoin d'en parler ?
- Je ne sais pas. Je crois que oui.
- Dans ce cas, je t'écoute.
- Mais je ne voudrais pas... Enfin, tu as tes propres problèmes, y a pas que moi...
- Justement, ça me fera du bien de penser à autre chose, et puis peut-être que je pourrai t'aider.
- Oui... »


Elle hésita, longuement, et commença à se livrer. Elle raconta tout, de sa maladie à sa rencontre avec Ecstasy, de son aide jusqu'à sa dernière révélation.


« Et je ne sais pas quoi faire de ça.
- Mais elle te manque, non ?
- Oui. Beaucoup.
- Alors pourquoi tu ne l'appelles pas ?
- Je sais pas. J'ai peur. Peur de lui faire du mal, peur de ne pas être assez bien pour elle. Peur de ses sentiments, peur de ne pas les partager. Je suis tellement... Etrange. Je lui ferai du mal.
- Pourquoi tu lui ferais du mal ? A l'évidence, elle trouve un équilibre dans ta présence, autant que toi dans la sienne. On a tous nos blessures. Peut-être que votre relation, quelle que soit sa nature, ne sera pas parfaite, mais quoiqu'il en soit vous avez des choses à vous apporter et ça serait dommage de passer à côté.
- Mais je ne sais même pas si je l'aime...
- Tu viens de fondre en larmes parce qu'elle te manquait. Tu penses beaucoup à elle, non ? Tu as envie d'être avec elle ?
- Tout le temps.
- Est-ce que tu vois ta vie sans elle ?
- Non.
- Alors arrête de te poser des questions. Quoiqu'il se passe, tu ne peux pas vous laisser dans cette situation. Essaye juste d'être heureuse pour une fois, ok ?
- Ok. »

  Agony avait les larmes au bord des yeux. Elle enlaça Nelly. Elle avait raison. Quoiqu'il y avait à vivre, il fallait le vivre. Elles avaient autant besoin l'une de l'autre. Elle ne pouvait pas gâcher ça juste parce qu'elle avait peur.


  Elle attrapa sa veste, son sac et claqua la porte. Elle n'aperçut même pas l'horloge qui indiquait plus de minuit. Elle fit à peine attention à la bouffée d'angoisse qui monta dans sa gorge. Ce soir-là, pour la première fois, ce n'étaient pas ses angoisses qui dictaient ses agissements, mais bien son coeur.


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