Chapitre 17 - Lucioles

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Ce n'est même plus drôle. Ce jeu a assez duré. Perdue en pleine végétation, privée de tous mes repaires, j'ignore totalement où je me dirige. L'infinie masse verdoyante dans laquelle je me suis égarée n'en fini jamais, happée dans l'inconnu. Le jour tombe progressivement, et je ne souhaite vraiment pas passer une autre nuit à l'extérieur.

Dans un endroit que je ne connais absolument pas.

Seule, isolée de tout, j'arpente les sentiers boisés, criant le nom de la fugitive à m'en faire saigner la gorge, à m'en briser la voix et le cœur.

Je retourne les alentours, fouille les moindres recoins que j'explore, m'égare un peu plus, et laisse mes yeux s'habituer à l'obscurité qui tombe lentement sur les feuillages me couvrant de la lumière. Un frisson de terreur me parcourt l'échine, j'ai beau retourner sur mes pas, je ne parviens plus à retrouver mon chemin. Une vague de désespoir s'échoue en moi. Peut être ne la retrouverais-je jamais, il se pourrait même qu'à l'heure actuelle elle ne soit plus de ce monde.

- Mina ?

Je l'appelle encore, abattue, la gorge en feu et les yeux humides. Depuis combien de temps suis-je ici, à errer dans l'inconnu, la cherchant sans relâche ? Je l'ignore. Ma raison me pousse à abandonner mes recherches et à me concentrer sur le chemin du retour, mais l'inquiétude me broie, comme brisée dans ma culpabilité je continue de répéter encore une fois la même erreur, celle de céder à mes sentiments. Imbécile qui n'apprend jamais rien.

Mais désormais la noirceur du bois me ronge, faible silhouette noyée dans l'océan de pins. Bientôt je n'y vois presque plus rien, plongée dans la nuit d'asphalte. Quelques larmes se forment aux coins de mes yeux, paniquée, j'accélère mes pas au même rythme que ma fréquence cardiaque, change de direction, marche sans me soucier des herbes folles et des ronces qui me fouettent les chevilles, me réoriente une énième fois, avant de me perdre, encore et encore, au milieu du paysage nocturne.

- Que quelqu'un me vienne en aide.. 

Ma voix se brise.

- S'il vous plait..

Écrasée de fatigue, je me laisse chuter au sol, ma masse s'effondre dans les feuilles humides de rosée, autour de moi tourbillonnent les bruits de la nuit, grillons et autres divers insectes semblent chanter mon désespoir. Incapable de me relever, je lève les yeux en l'air et parcours du regard le ciel épuré. Sans étoiles, nuages ou divers astres pour l'orner, la voûte céleste transparaît, vide. 

- Mina ?

Toujours aucune présence, aucune réponse. Je me frotte vivement les épaules, tentative désespérée de réchauffer mon corps frigorifié. Figée, comme hors du temps, je cherche une quelconque issue pour m'en sortir, mais bien vite la réalité me rattrape. 

La fatigue m'empêche d'aller plus loin.

Doucement je m'allonge, bien trop exténuée pour tenir assise, et laisse ma tête rencontrer la végétation fraîche. Mes paupières menacent de se fermer, m'attirant vers le vide, je veux résister, je dois résister, je ne peux pas résister. Je n'en suis plus capable.

Et alors que le sommeil vient me cueillir, me laissant céder à l'épuisement, un faible point doré retient soudain mon attention, me faisant ouvrir les yeux subitement. Non loin de moi, une minuscule lumière isolée scintille, son éclat discret presque invisible pique ma curiosité. En un rien de temps je suis redressée, et me rapproche lentement de cette étrange lueur. De plus prêt je peu observer un minuscule insecte à la source de ce scintillement.

Une luciole.

J'esquisse un sourire sans joie, presque rassurée d'avoir trouvé une quelconque compagnie en cette nuit impitoyable. J'attrape l'insecte et le pose dans ma main, légèrement consolée par ce compagnon solitaire qui tente de fuir les larmes s'écrasant au creux de ma paume. 

Tsumi 罪 • Twice (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant