Atypique [ Tome 1 ] Nos Rêves

Chapitre 20 : la nuit

Point de vue de Nicolas :

Tandis que les couloirs de l'école se vidaient peu à peu et que les élèves rentraient chez eux réveillonner, je décidais de rester ici. Nous étions le soir de Noël, il se faisait tard pourtant, School of Arts était le seul endroit sur terre où j'avais envie d'être en ce moment. 

Peu importe l'époque de l'année,  le jour et l'heure, les portes de l'établissements restaient  toujours grandes ouvertes.  Les élèves pouvaient venir à n'importe quelle heure répéter ou tout simplement chercher une source d'inspiration. Même si peu de gens osaient venir s'aventurer ici la nuit, affirmant que le lieu devenait trop lugubre une fois le soleil couché, j'adorais vagabonder dans les longs couloirs déserts et prendre le temps de souffler quelques minutes, comme si j'étais seul au monde. Oui, School of Arts offrait une facette complètement différente la nuit. La salle des profs était vide. Plus aucun élève dans les salles de classe ni de musique. Le calme s'appropriait les lieux. Même la salle de danse pourtant animée par le bruit des ballerines frappant sur le sol retrouvait soudain sa tranquillité. 

Beaucoup de gens pensent que la nuit est faire pour dormir. Pourtant, la nuit offre des trésors cachés que l'on ne voit pas forcément de jour. C'est aussi à ce moment que l'inspiration devient la plus forte. La ville s'endort, les lumières s'éteignent et l'imagination s'éveille doucement. Lorsque le sommeil peine à venir, on pense à des tas de trucs et les idées viennent d'elles-mêmes. 

Je déambulais doucement dans les couloirs en respirant profondément. Je ne voulais pas que l'on me voit ici. Si tel était le cas, les gens se poseraient beaucoup trop de questions. A Los-Angeles, les gens avaient cette fâcheuse manie de vouloir toujours être au courant de la vie des autres. Pour beaucoup, j'étais le garçon populaire et parfait. Celui dont la vie chic et luxueuse en faisait rêver plus d'un. Mais, ce qu'ils ignoraient, c'était que moi aussi je me sentais souvent très seul. Avant que le jour ne se lève et que la vie reprenne, je savourais cet instant de sérénité dans une école déserte.  Un sentiment de liberté grandissait à chacun de mes pas. Puis, en passant devant le tableau des anciens élèves situé le long du couloirs, mes yeux se mirent à briller. La plupart d'entre eux étaient devenus très connus. Du jour au lendemain, leur carrière avait décollée même si pour certains, ce n'était pas gagné. Je m'imaginais à leur place, pensant qu'un jour, ce serait peut-être moi qui aurait ma photo accrochée sur ce tableau. Perdu dans mes pensées, je sentais soudain mon téléphone vibrer dans ma poche. 

[ 4 appels manqués. 6 messages non lus. ] 

Rentre à la maison tout de suite ! On t'attend pour réveillonner. Indiquait le message inscrit sur l'écran d'accueil. 

Je rangeais le téléphone en soupirant. Il fallait que je rentre à la maison avant que mon absence ne crée trop d'histoires. Mais, tandis que je tentais de regagner la sortie, une lumière allumée près de l'escalier retint mon attention.  J'aperçus une ombre. Monsieur McCartney était assis sur les marches, le dos collé contre le mur et une cigarette à la bouche. 

_ Que faites vous ici à une heure pareille ? Demanda le prof en détectant ma présence. 

Il fit sortir de la fumée de sa bouche. 

_ Et vous ? Retorquais-je en lui renvoyant aussitôt la question.

J'avais du mal à croire ce que je voyais. Cet homme d'habitude si sérieux semblait totalement transformé. Sa barbe grise recouvrait son visage et son bonnet laissait à peine paraître une mèche de cheveux . Difficile de reconnaître mon prof de musique dans cet accoutrement, lui qui se comportait toujours de façon exemplaire devant ses élèves ! Où étaient donc passées ses bonnes manières ? McCartney était tout simplement méconnaissable. La tête fixée au mur, il portait un regard désespéré dans le vide. Il enleva la cigarette de sa bouche et écrasa les cendres en mille morceaux dans un cendrier.