-Chapitre 2-

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Ce fut une main douce qui secoua Senia pour la réveiller. Sous ses paupières, qu'elle garda un instant closes, elle se remémora ce qu'il s'était produit la veille. Ses parents étaient morts. Elle n'avait pas vu leurs corps, mais les gardes l'avaient dit. Elle n'était pas vraiment triste... On ne pouvait pas dire que ses parents l'aimaient beaucoup. Ils la considéraient plus comme un poids mort ou un sac de frappe, que comme le fruit de leur amour. Il n'y avait jamais eu entre eux la moindre tendresse, ni même de sourires. Mais elle ressentit un curieux vide au fond de son estomac, comme si une partie d'elle s'était évaporée. Elle avait perdu tout ce qui lui était familier pour foncer tête baissée vers l'inconnu. Maintenant, elle devait affronter cette mystérieuse vie qui commençait.

Ainsi ouvrit-elle les yeux sur Aesia. Elle s'était attendue à voir Veomian, puisque sa femme ne lui avait témoigné aucune tendresse la veille. Mais ce fut bien elle qui lui adressa un sourire à la fois triste et délicat, âpre mais bienveillant. Un sourire tout aussi curieux que celui de Veomian, bien qu'il n'était pas tordu.

— Bonjour, Senia... commença la Privilégiée. Veomian a dû se rendre plus tôt que prévu au palais de justice, il m'a donc demandé de prendre soin de toi et de t'y accompagner à sa place. Le petit déjeuner est sur la table, mange autant que tu le souhaites. Je t'ai posé une bassine d'eau sur la table basse avec un pain de savon et de nouveaux vêtements, pour que tu puisses faire un brin de toilette et t'habiller convenablement pour le palais. Nous partons dans une demi-heure.

Senia la regarda s'éloigner et commencer à nettoyer des plats dans la cuisine. Elle ne savait pas si elle aimait Aesia ou non, et les sentiments de la femme envers elle étaient trop ambigus pour qu'elle les comprenne. La fillette ne s'attarda pourtant pas là-dessus, ayant déjà compris qu'elle ne resterait pas longtemps dans cette demeure. Elle alla s'asseoir à la table à manger pour déguster avec délice du pain noir frais, couvert d'une sorte de compote de fruits qu'Aesia appelait confiture.

La fillette profita de son petit déjeuner pour mieux étudier la maisonnette. La lumière du jour la transformait totalement, créant une atmosphère douce et chaleureuse. Contre le mur de la cuisine-salle à manger, se tenait un poêle en fer plus petit que celui du salon : un poêle de cuisine. Senia n'en avait jamais vu : c'était un luxe d'en posséder un chez les Poussières ! Ses parents à elle chauffaient les plats dans la cheminée, donnant à la nourriture un goût de bois et de cendre. À côté s'étendait un long plan de travail en pierre et en bois, contenant un évier et quelques rangements. Enfin, au-dessus de tout étaient creusés, à même le mur en pierre, des placards pour garder les ingrédients au frais et les conserver le mieux possible. Dans un coin, un escalier menait à l'étage, certainement à la chambre des deux Privilégiés puisque Senia avait vu Aesia y grimper. Enfin, près du poêle, se tenait une petite porte qui piquait la curiosité de la fillette. Avaient-ils un jardin ? Cultivaient-ils des plantes ? Ou mieux, possédaient-ils un bassin comme elle avait pu le voir sur une des rares peintures que contenait son ancienne école ?

La tête pleine de questions sans réponses, Senia se dirigea le ventre plein et les papilles ravies vers la bassine qu'Aesia avait posée sur la table du salon. Sans pudeur, elle enleva les guenilles qui lui servaient de vêtements, se passa un linge humide sur le visage, les bras, les aisselles et sa partie intime, se savonna rapidement et se sécha à l'aide d'un linge sec. Elle s'habilla ensuite avec les vêtements propres qui étaient posés sur le côté. Ils n'étaient pas neufs, mais d'une jolie couleur brune, et surtout sans trous, ce qui constitua immédiatement le bien le plus onéreux que Senia eut jamais porté. D'ailleurs, elle ne s'était jamais sentie aussi reposée ! Sa peau ne grattait plus, elle n'avait presque plus de courbatures, son ventre ne se tordait pas de faim et son dos avait arrêté de la tirailler. Une nouvelle énergie coulant dans ses veines, elle se saisit de la bassine qui contenait désormais une eau noire de crasse, les linges et le pain de savon, avant de se diriger vers Aesia.

La Cité des Sang-Pur [Publié] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant