-Chapitre 3-

1.8K 279 110
                                    

— Décline ton identité.

— Je m'appelle Senia et... Et j'ai... J'ai dix ans.

— Que faisais-tu hier soir, aux alentours de neuf heures ?

— Je ne sais pas... On est trop loin pour entendre les coups du clocher...

— Très bien. Raconte-moi ce qu'il s'est passé hier soir.

Senia prit une grande inspiration, surtout pour se donner du courage, et tenta de répondre du mieux qu'elle put. Elle résuma ce qu'elle avait entendu, vu et même deviné. Non, elle ne savait rien des activités de ses parents, mais avait deviné qu'ils vendaient des ingrédients alchimiques. Non, elle ne connaissait pas les invités, ses parents fermant la porte de la pièce principale dès qu'ils n'étaient plus seuls. Oui, elle avait distingué des cris, mais n'avait pas réussi à saisir entièrement la conversation. Oui, les hommes l'avaient cherchée pour la tuer, sans qu'elle sache pourquoi. Non, elle n'avait reconnu aucune voix, mais peut-être que si elle les entendait, elle pourrait désigner le coupable.

Veomian termina rapidement l'interrogatoire. Il lui était devenu évident que la petite ne savait presque rien des activités de ses parents, ni de ce que cherchaient les personnes venues chez elle. Il lui demanda donc de le suivre, la faisant sortir de la pièce par la porte qu'il avait empruntée. Derrière se trouvait une autre pièce où se tenaient deux Privilégiés. Ils regardaient le mur en face d'eux, qui permettait de voir la salle d'interrogatoire à travers la vitre noire qui, de ce côté, était totalement transparente. Elle trouva ce système ingénieux, mais perturbant. Comment du verre pouvait-il être opaque d'un côté et transparent de l'autre ?

— Demande permission de garder le témoin à résidence en attendant le verdict, dit alors Veomian de sa voix froide, en s'adressant aux deux Privilégiés. Le témoin ne peut se débrouiller seule dans les bas quartiers, et la mettre dans nos geôles est inapproprié.

Les deux Privilégiés jetèrent un coup d'œil à Senia qui, aussitôt, détourna le regard dans une attitude soumise. C'est ainsi qu'elle avait appris à se comporter face à un sang supérieur au sien.

— Demande acceptée. Elle devra rester sous votre protection ou celle du palais de justice tant que l'affaire ne sera pas close.

Veomian hocha la tête et prit la main de Senia pour la faire sortir. Les couloirs, qui n'en finissaient plus d'être longs, défilèrent sans qu'elle ne les reconnaisse. Elle n'y trouva qu'un nombre incalculable de portes closes, de personnes en toge et de gardes. Enfin, Veomian ouvrit une porte qui était en tout point identique aux autres.

La fillette retint un hoquet de stupeur. La pièce n'était pas très grande, mais comportait des étagères qui partaient du sol et s'élevaient jusqu'au plafond. Et sur ces étagères, des livres... Des centaines, peut-être des milliers de livres ! Senia n'en croyait pas ses yeux. Elle en avait vu quelques-uns, mais uniquement à l'école, et dont les pages étaient si fragiles que seuls les professeurs les manipulaient avec de grandes précautions. Ici, exit les pages gondolées par l'humidité, les taches ou encore l'odeur de moisi ! Au lieu de ça, elle découvrit des livres aux tranches colorées, des pages d'une agréable couleur crème, des effluves de cuir et de bois qui donnaient envie de s'enfoncer dans un fauteuil et de lire jusqu'à la nuit tombée !

— Voici la bibliothèque du palais de justice. Les livres parlent essentiellement d'histoire, de lois et d'enquêtes connues et tordues, mais tu peux en emprunter un si tu le souhaites. Tu sais lire ? demanda Veomian, avec une voix douce.

Senia hocha la tête de haut en bas. Elle savait décrypter les mots... Pas assez pour avoir une lecture fluide, mais suffisamment pour saisir ce qu'un livre racontait.

La Cité des Sang-Pur [Publié] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant