Paradis Secret (Tome 1) © [TRILOGIE SOUS CONTRAT D'ÉDITION]

Chapitre 3 Elena

Je me tenais sur l'un des fauteuils du bureau de mon psychologue, le Dr Webber. Il était assis droit sur sa chaise et me scrutait à travers ses lunettes, chose qu'il faisait depuis désormais deux ans.

Il savait des choses sur moi que personne d'autre dans cette ville ne se douterait. Bien évidemment si je lui racontais toute ma vie, c'était parce que je savais qu'il ne pouvait en parler à personne sous peine de violer la clause de confidentialité médecin-patient.

Je regardai le néant et écoutai le mouvement des aiguilles de la montre qui chronométrait notre séance.

— Il est normal que tu te sentes ainsi Elena, déclara-t-il dès que je finis de vider mon sac.

J'avais l'impression de ne pas du tout avoir progressé en deux ans de thérapie avec lui, en étant toujours au même point.

— Je devrais pourtant avoir effacé ce moment de ma mémoire, vous ne croyez pas ?

Ce que j'aimais bien avec le Dr Webber, c'était qu'il ne me prenait pas avec des pincettes. Il me disait les choses telles qu'elles étaient.

— Ce que tu as vécu est très dur à surmonter Elena, dit-il calmement, en se penchant en avant. Même avec le temps, une agression sexuelle reste une agression sexuelle.

Les larmes envahirent mes yeux et je serrai les dents.

— Cet incident a bouleversé toute ta vie ainsi que celle de ta famille. Mais tu n'as plus à avoir peur, celui qui t'a fait du mal, ne pourra plus t'en refaire, me certifia-t-il.

Certes, à moi plus jamais... mais et s'il s'en prenait à une autre jeune fille innocente ? Après tout, il n'était pas derrière les barreaux et j'étais certaine de ne pas avoir été ni la première, ni la dernière.

— J'avais quinze ans, murmurai-je. J'avais trouvé flatteur qu'un garçon de dix-sept ans m'invite à sortir. Je n'imaginais pas du tout ce qu'il avait derrière la tête. Si seulement j'avais...

Je me tus, ma voix se brisant sous le coup de l'émotion. J'avais ce rendez-vous deux fois par semaine et à chaque séance nous reparlions de ce qui me terrifiait, de ce que je craignais le plus au monde. De ce qui avait détruit ma vie deux ans plus tôt. C'était le seul moment où je me permettais d'en parler à vive voix. Avec mes parents, il s'agissait d'un sujet tabou, c'était quelque chose de bien trop honteux pour en parler, alors heureusement que le Dr Webber était là.

— Ce n'est pas ta faute Elena, soupira-t-il.

Certes, il devait en avoir marre de répéter sans cesse la même rengaine. Que ce n'était pas ma faute, que l'on ne pouvait rien prévoir face à ce genre de prédateurs... Mais cela me faisait du bien de l'entendre, car ce n'était pas quelque chose que l'on me disait souvent.

— Mais le fait de rester écartée du reste du monde ne t'aidera pas à oublier et à avancer. Au contraire, cela te sera d'autant plus difficile. Si tu es heureuse, alors tu pourras oublier et tu arriveras à te pardonner et à accepter que tu sois innocente, que tu n'as rien fait pour justifier un tel acte abject envers ta personne.

À chaque séance, il me disait toujours de sortir, de me faire des amis et jusqu'à même de sortir avec des garçons... de me trouver un petit ami. Mais je n'y arrivais pas et ... j'avais terriblement peur d'être blessée comme je l'avais été par ceux que je croyais être mes amis. Et j'avais surtout peur de retomber sur un gars comme Jackson.

— C'est le meilleur conseil que je puisse te donner : tant que tu ne t'ouvriras pas au monde à nouveau, cela n'ira pas mieux. Tu continueras à voir le visage de ce garçon dans tes cauchemars et il te hantera jusqu'à la fin de tes jours. Lâche prise Elena. N'essaie pas de tout contrôler.