III

21 1 0
                                    

          Depuis ses neuf ou dix ans, la jeune fille était sujet à un phénomène étrange. Vous rappelez-vous de ses peurs enfantines ? Celles où elle se voyait tuée par un assassin, par une bombe dans la nuit et où un de ses proches mourrait ? En soit, ces sortes de « visions » n'ont jamais cessé. Au départ, ça n'avait lieu que la nuit à la lumière éteinte. Puis les images violentes commencèrent à apparaître le jour. Les médecins les ont désignés comme des « idées noires ». L'adolescente, elle, les appelle des « absences morbides ».

Dans les faits, ce sont des moments d'absence d'une à quelques secondes maximums où elle est « témoin » d'une scène. Une scène morbide. Une scène où elle se voit blessée ou tuée. Quelques secondes de flottement...puis le retour à la réalité. Un accident de voiture, une agression dans la rue, un suicide. Un bras coupé, un corps transpercé, une jambe broyée. Durant ces quelques secondes ressenties comme des heures, elle ne voyait qu'effusion de sang, n'entendait que le bruit de son corps qui se meurtri et ne sentais que la douleur de ses blessures pourtant factices. Puis, lors du retour à la réalité, le choc de la scène pouvait être d'une telle violence qu'elle avait besoin d'un certain temps pour s'assurer que ce n'était qu'une illusion.

La fréquence de ses absences morbides avait augmenté progressivement au fil des années. Au début, ce n'était qu'une fois tous les mois, puis une fois par semaine, une fois par jour. Jusqu'à ce qu'à l'âge de quinze ans, le niveau fut élevé à plus d'une dizaine par jour. C'était d'ailleurs à ce moment là que la jeune fille commençait à ne plus en pouvoir, torturée par ces visions d'horreurs.

Ce fut lors de sa première année au lycée qu'elle en parla pour la première fois avec sa meilleure amie de l'époque, près de six ans après le début de ses absences morbides. Mais cette amie était à ce moment-là a l'étranger dans le cadre d'un échange scolaire. Malgré le soutient moral dont elle tentait de faire preuve, la distance se faisait atrocement ressentir pour notre jeune héroïne même si elle avait conscience que c'était la seule chose que son amie pouvait faire. Quelques semaines plus tard, il y eu un jour où une de ces absences arriva en plein cours. Elle avait été d'une telle violence que l'étudiante s'était mise à pleurer discrètement entre ses bras repliés sur sa table, faisant croire qu'elle ne faisait que dormir. Mais elle se sentait étouffée. L'air semblait lui manquer. Elle devait sortir de cette salle se disait-elle et c'est ce qu'elle fit. D'une rapidité lui permettant de ne laisser personne voir son visage défiguré par la souffrance, elle s'extirpa de l'espace clôt où elle se sentait suffoquer. Le professeur alarmé par son comportement inhabituel ne trouva aucune autre réaction que de l'envoyer chez la CPE de l'établissement pour expliquer les motivations de son départ précipité. Au moment de rentrer dans le bureau, la jeune fille s'est naïvement dit que c'était peut-être l'occasion ou jamais de saisir sa chance pour obtenir de l'aide. Ce fut alors la seconde fois de sa vie qu'elle se confia sur le sujet.  Quand la femme qui lui faisait face comprit que le problème en question n'était pas de son domaine, elle envoya l'adolescente auprès de l'infirmière qui, après avoir écouté son récit, appela sa mère. Elle allait aller à l'hôpital. Dans la même journée, elle expliqua de nouveau son problème au médecin qui l'a pris en charge sur place. Sa mère pleurait. Elle ne comprenait pas comment sa fille pouvait vivre ça sans qu'elle n'ai jamais rien remarqué depuis tout ce temps. Avec son accord, elle s'apprêtait à passer une semaine internée dans le service pédiatrie avec le suivit d'un psychologue. Le but de cet hospitalisation d'après le spécialiste était de la "narcissiser" en l'isolant de son environnement habituel pour quelle se concentre uniquement sur son mal-être. Ce vendredi soir même, elle dormi dans une chambre aussi impersonnelle que ce qu'elle avait imaginé d'un séjour à l'hôpital. Si au départ, l'idée d'être hospitalisé lui faisait peur, elle avait finit par accepter malgré les remarques incessantes que son père avait émit lorsqu'il est rentré du travail après l'appel en pleure de sa femme. Elle s'est convaincue que si c'était sa seule chance de pouvoir mettre fin à son calvaire, elle devait le faire sans se poser de question.

Aucune séance avec les psychologues n'était possible le week-end car ils ne travaillaient qu'en semaine. Elle devait donc attendre le lundi suivant pour commencer à travailler sérieusement sur le sujet. Cependant, pendant les deux jours d'attente, son père est venu la voir pour discuter. Pardonnez la mégarde, mais "discuter" n'est peut-être pas le terme exact pour décrire les visites qu'il rendait à son enfant. Il ne faisait que parler de son ton habituellement calme, ne laissant que rarement à l'adolescente perdue l'occasion de s'exprimer. Il lui reprochait dans cesse son choix et lui répétait que ce genre de chose devait "se résoudre en famille" comme il disait. Elle n'en croyait pas un mot. Si elle aimait, malgré elle parfois, ses parents, elle savait parfaitement que la communication et la confiance était ce qui leur faisait le plus défaut dans leur relation. Il n'y avait qu'à voir la façon dont il lui coupait la parole à chaque fois qu'elle voulait dire quelque chose dans ce genre de discussion pour en avoir la preuve. Les conversations sérieuses étaient toujours guidé par deux choses avec ses parents: écouter ce qu'ils disent et faire ce qu'ils disent. Point à la ligne. Ils étaient dans l'idée qu'en tant que parents, ils avaient toujours raison sur leurs enfants. 

Pour en revenir sur les entrevues de son père, un point revenait tout le temps. Elle devait accepter de revenir à la maison. Si au début elle refusait de négocier, ne voulant pas rater cette occasion de mettre fin à ses tourments, elle finit par laisser son père la sortir de l'hôpital. Ne vous méprenez pas, ce n'était pas les discours de son géniteur qui eurent raison d'elle mais plutôt de voir sa mère incapable de rester dans la même pièce que sa fille plus d'une minute ou de ne serait-ce que la regarder dans les yeux sous peine de pleurer de plus belle. C'est ainsi que le lundi suivant, après une seule entrevue avec un psychologue elle répartit, accompagnée de ses deux parents.

Cependant, quelque chose d'important sauta aux yeux de la jeune fille. Durant ces trois jours enfermée à l'hôpital, pas une seule absence morbide n'était venue la troubler. Trois petits jours où le calme s'est imposée à elle comme une période de paix avant que la guerre n'éclate. C'était la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité que la jeune fille connu une aussi longue période sans absences morbides. Période qui fut coupé court sur le chemin retour par les cris de son père envers elle pour lui exprimer à quel point elle avait été un véritable "boulet" par ce qu'elle avait fait et qu'elle les avait bien fait "chier". Par la culpabilité et tout le mal que lui causait ces mots, la jeune fille se vit pendant ces quelques secondes d'absence sortir de la voiture toujours en pleine vitesse, se fracturant les os et recouverte de plaies béantes.

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Dec 17, 2018 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

La Beauté des SentimentsWhere stories live. Discover now