La jeune fille était solitaire de nature. Son père disait souvent que ce trait de caractère venait de lui mais elle avait une autre théorie. Elle a toujours cru qu'elle s'était habituée à la solitude à cause de ses deux sœurs ainées qui, de son point de vue, avaient toujours passées le plus claire de leur temps ensemble. Elle s'est fréquemment sentie mise à l'écart, d'autant plus en grandissant alors que leur âge d'écart avec la cadette se faisait de plus en plus ressentir et que ses ainées la rejetaient alors qu'elle tentait de venir passer du temps avec elles.
« Tu ne comprendrais pas. »
« Tu es trop petite. »
« Arrête de nous embêter, vas t'amuser dans ta chambre. »
Enfant, elle pouvait s'amuser d'un rien en réponse à cette solitude. Il y eu même un matin, lorsqu'elle s'était réveillée aux aurores sans le vouloir après avoir dormi chez sa meilleure amie, où elle est allée s'assoir sur le canapé du salon pour jouer avec ses doigts le temps que quelqu'un se réveille dans la maison de ses hôtes. Plusieurs heures se sont écoulées avant que la mère de son amie ne la retrouve seule, pas le moins du monde prise par l'ennui, toujours en train de jouer avec ses doigts.
Elle avait également une sorte d'ami imaginaire. Elle savait qu'il n'existait pas mais elle s'en moquait. A vrai dire, elle ne lui a jamais donnée de forme visuelle, seule une sensation de présence suffisait pour la réconforter. Elle l'appelait « Dieu ». Ce n'est certainement pas parce qu'elle croyait en une quelconque transcendance mais plutôt parce que l'idée d'avoir un ami qui avait réponse à tout lui plaisait bien. Pour tout vous dire, cette idée lui est venu après la rencontre d'une fille à l'école qui suivait des cours de catholicisme. Elle adorait écouter les histoires que son amie apprenait à ces cours même si elle n'a jamais osé lui dire qu'elle n'en croyait pas un mot. Elle passait une grande partie de son temps à la maison à parler à l'entité imaginaire. Elle lui racontait sa vie, ses peines d'enfants et lui demandait toujours des conseils pour y faire face mais surtout pour comprendre sa situation. Dans les souvenirs de la jeune fille, bien que complètement subjectifs, les réponses de cet ami l'aidaient toujours à mieux appréhender les mauvaises passes par lesquelles elle passait.
Avec les années, ce « Dieu » dont elle avait imaginé la présence à ses côtés s'est peu à peu évincé de lui-même, jusqu'au jour où elle n'avait plus systématiquement besoin de s'imaginer un interlocuteur pour pouvoir exprimer ce qu'elle ressentait à elle-même. Cependant, elle continuait malgré tout à murmurer toute seule dans son coin tout ce qu'elle avait sur le cœur, comme si ses mots était une prière. La réelle raison du bas volume de ses paroles était simple : elle ne voulait pas que quiconque de sa famille puisse entendre ses tourments et ses joies les plus intimes. Elle a toujours été très discrète vis-à-vis de sa famille à propos de ses réelles souffrances. Elle meublait ses moments passés avec eux en leur racontant toutes les bonnes choses qui lui arrivaient ou en leur montrant ses derniers petits exploits en dessin. Mais cette part d'ombre n'était pas seulement caché aux yeux de sa famille. A vrai dire, cela concernait tout son entourage.
Aujourd'hui encore elle ignore si à cette époque c'était par réelle manque d'envie ou si c'était parce qu'elle était tout simplement incapable d'exprimer ses pensées profondes. Mais les faits restaient les mêmes : elle avait irrévocablement besoin que cela sorte d'une façon ou d'une autre. C'est pour cette raison que parler toute seule lui faisait du bien. Cela lui permettait d'une part de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait et d'autre part d'avoir le sentiment de vider son sac en transformant ses pensées en paroles orales. C'était suffisant la plupart du temps et lorsqu'elle ressentait le besoin de se sentir écouter, elle s'imaginait simplement parler à quelqu'un en particulier ou à quelqu'un d'imaginaire dans une situation donnée. A elle-seule, elle s'est créé tout un univers où elle ne se sentait plus invisible aux yeux des autres. Un monde dans lequel elle rêvait d'évoluer.
Cette habitude ne l'a jamais quitté. A dix-huit ans encore elle ressent ce besoin pesant de s'exprimer dans son coin, faute de ne pouvoir exprimer ce qu'elle ressent vraiment à qui que ce soit.
![](https://img.wattpad.com/cover/143003796-288-k100776.jpg)
YOU ARE READING
La Beauté des Sentiments
Historia CortaCette histoire n'est pas une histoire vraie mais cette histoire n'est en rien une invention. Le récit que vous vous apprêtez à découvrir relate l'histoire d'une vie. Une vie insignifiante, une goutte d'eau dans un océan, une étoile dans l'univers. C...