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Quand j'ai posé le plat avec mes tartelettes spéciales banane-chocolat blanc, les filles ont fait « AAAAAH ! ». Faut dire que mes tartelettes spéciales, c'est LA recette avec laquelle j'en mets plein la vue, étant donné qu'elles sont vraiment délicieuses ; et je ne dis pas ça pour me vanter.

Enfin bref, si on s'était réunies dans mon pavillon, c'était pas juste pour la pâtisserie, mais parce que j'étais la seule du groupe à pouvoir faire rentrer douze personnes dans mon salon ; et aussi parce que j'étais la plus motivée par le projet – après Lou bien sûr.

Le projet... Nul n'osait l'évoquer pour l'instant, vu qu'on avait toutes un peu peur, alors on se contentait de se concentrer sur les gâteaux. Une chose à la fois, hein ?

C'est Betty, la plus gourmande – et la plus replète – qui a ouvert les hostilités en se servant plusieurs tartelettes. Les filles ont suivi et ça a commencé à détendre l'atmosphère.

J'ai pris une assiette que j'ai remplie pour l'amener à Gertrude. Elle s'était assise en arrivant parce que son dos la faisait souffrir.

Gertrude, elle avait cinquante-neuf ans, dont quarante-quatre de turbin. Les milliers d'heures penchée sur la machine, à répéter inlassablement les mêmes gestes, lui avaient usé les articulations et grippé le dos.

— Je peux pas participer à votre truc, qu'elle m'avait dit quand je lui avais parlé du projet. Tu m'as vue, franchement ? Vieille, moche, tordue de partout...

— Mais non, que j'ai répondu. Euh...

J'avoue, la répartie c'est pas mon truc, et je peinais à trouver des arguments pour la convaincre. Heureusement, Lou est venue à mon secours.

— Faut venir Gertrude. T'es la plus ancienne de l'usine et du syndicat. T'es un symbole, une icône. Ça aura une résonance incroyable si tu es là.

Gertrude avait fait la moue, réfléchi quelques minutes et, finalement, accepté.

Sacré Lou ! Personne ne lui résistait. Faut dire que du haut de ses vingt ans elle nous foutait à toutes un coup de vieux. Certes, je n'avais que quarante-six ans, mais parfois il me semblait en avoir mille. Vingt-cinq ans d'usine, ça laisse des traces. J'avais du mal à croire que j'avais été comme Lou à une époque... et ça m'attristait de penser qu'elle serait comme moi un jour.

Enfin bref, je me suis servie à mon tour une de mes tartelettes spéciales et j'ai observé notre petite troupe. Douze copines de l'usine réunies pour mener à bien le projet lancé par Lou : le calendrier des ouvrières nues !

Le calendrier [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant