Chapitre 5

214 21 19
                                    

     Sans réfléchir, elle balança son poing dans la tête du jeune homme. Il chancèla d'abord, avant de gémir de douleur et de s'effondrer par terre. Sa main en compresse sur son front, il appuya de toute ses forces dans le but de retenir le sang.

     Je crois que j'y suis allé en peu fort, songea Karma, pas le moindre de monde embêtée. Mais en même temps ça va pas de me surprendre comme ça aussi ! Il a rien dans le crâne ou quoi ?

     Ses réflexions se firent interrompre par l'arrivée du médecin sifflotant joyeusement. Il tenait quelques flacons à la main, qu'il lâcha soudainement à la vue de son apprenti prostré au sol. Sans un mot, Karma les rattrapa par télékinésie, pendant que le Boobrie se précipitait vers Laze.

     — Qu'est-ce qui s'est passé ici ? demanda-t-il, avec tout le calme de quelqu'un qui est dans le métier depuis un petit bout de temps.

     — Elle m'a frappée, se plaignit le dénommé Laze en se frottant le front.

     Pour toute réponse Karma haussa les épaules et s'assit sur le lit de fortune. Quand le médecin la jugea avec son regard qui impénétrable, elle lâcha un faible :

     — Il m'a surprise.

     Ce fut sa seule explication.

     Le Boobrie soupira à voix haute, avant de se diriger vers la apprenti pour lui penser rapidement le front, et lui donner un flacon trouvé sur une étagère. Quant à Karma, il lui remis ses remèdes et lui expliqua comment les prendre, avant de la faire assoir sur le lit en lui disant qu'elle avait besoin de repos.

     — Vous vous foutez de moi ? Les elfes n'ont pas besoin de « repos », moi encore moins. De toutes façons, vos fioles, là, vos trucs, ils sont bidons ! J'en suis sûre qu'ils marchent pas en vrai !

     Faisant la sourde oreille, le médecin sortit de la tente pour en informer l'Instructrice dirigeante, Rohanna. Karma souffla de mécontentement. Non seulement elle était assignée au lit – et ne pouvait donc plus concourir –, mais transgresser les indications était également impossible, car si Rohanna l'apprenait, elle risquerait de ne pas lui donner son perle quotidienne. Ce n'était pas la première fois qu'elle l'en menaçait, aussi Karma l'en savait-elle parfaitement capable. Or Exillium était sa maison, son chez-elle. Ne plus pouvoir y retourner serait un vrai calvaire.

     Sur le lit d'en face, Laze, assis en tailleur, lui tournait la tête de façon à ce qu'elle ne puisse apercevoir qu'un côté de son visage. Karma soupira longuement. Ça allait pas être facile. Mais elle aussi pouvait bouder si elle le voulait. Ce n'était qu'une petite droite, pas de quoi en faire tout un foin !

     Les minutes s'égrènent en silence, les deux adolescents se faisant toujours la tête. L'indocile, n'y tenant plus, se risqua à poser la question fatidique :

     — Pourquoi ils t'ont banni ?

     Le jeune homme se retourna en sursaut. Sa surprise dit rire Karma. Chacun son tour, après tout. Puis il lui fit face et pivota à droite et à gauche pour vérifier que c'était bien à lui qu'elle parlait.

     — J'ai... J'ai pas eu d'assez bons résultats à FoxFire, il souffla.

     Karma, d'abord ahurie, se pu s'empêcher d'exploser de rire. Le renvoi ? Sérieusement ? Il n'y avait rien de plus humiliant pour tous les élèves d'Exillium. Ici, chacun s'arrangeait pour avoir l'histoire la plus sombre, la plus effrayante de toute l'école. Sans quoi, personne ne vous prend au sérieux. Ou bien s'y rendre par choix, par haine de la société. Sans quoi, on était nécessairement mal vu par les autres. Et lui, avec sa petite bouille d'ange, il allait pas faire long feu.

     — C'est la vérité ! se récria-t-il avec toute la naïveté et l'innocence du monde.

     Ce qui, contre toutes attentes, fit encore plus rire Karma.

     — Ouais, ouais. Et c'est aussi parce que t'es fragile qu'on a obligé à rester ici ? Apprenti mon œil... C'est juste que t'as peur d'affronter les autres.

     Semblant comprendre qu'on se moquait de lui, l'« apprenti » se renfrogna.

    — On m'a proposé ce poste car j'aime soigner les gens, et j'aimerais en faire mon métier. Je sais que je n'ai pas forcément le pouvoir le plus approprié pour cela. (Karma avisa son badge sur son torse, un dessin d'un spectre resplendissants de mille couleurs ; l'emblème des Éclipseurs.) Pourtant, c'est ma passion, ma raison de vivre. Je me rends bien compte que tu trouves ça drôle, que tu te dis que je suis niais, et puis bon, qui a envie d'être ami avec un niais ? Personne. Mais si tu pars dans cet état d'esprit là, des amis, tu n'en auras jamais, fit-il avec toute la rancœur et l'amertume du monde.

     Et elle a beau dire le contraire, ces mots la frappèrent en plein cœur.

• • •

Vous vous attendiez à cette réaction ? Moi je l'aime bien Laze, il est si... idiot.

Karma va-t-elle vouloir se racheter ?

Laze va-t-il comprendre que le monde est plus dur qu'il ne le pense ? (Pauvre chou.)

     

Exillium | L'école des bannisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant