Rancune ~ {01.07.2018 - 21h à 21h45}

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- Je vais te le faire payer.

- Essaie un peu pour voir Mauviette.

- Crois-moi, tu ne gagneras pas la guerre.

Je serre les poings de frustration. Je suis faible, voilà la vérité. Je me suis toujours vanté d'être fort mais je sais depuis longtemps que je suis faible. Je me targue de pouvoir briser le mental, de pouvoir détruire un cœur. Mes muscles se contractent, ma respiration se fait plus rapide. La colère commence à prendre peu à peu le dessus sur toute trace de raison, l'adrénaline pulse dans mes veines. Mes mâchoires sont si contractées que mes dents en grincent.

- Bah alors Mauviette, tu t'énerves ? Tu ne peux rien faire contre moi.

Il a raison et c'est bien ce qui m'enrage. Je suis fin, il est musclé. Un véritable mur et pourtant il ne me fait pas peur. J'ai tellement subi ses brimades, j'ai trop encaissé ses remarques, je me suis fait racketter. Je n'en peux plus.

Non, ça suffit. Je ne peux plus me permettre d'endurer encore tout cela.

Les battements de mon cœur s'accélèrent et pourtant ma respiration se fait plus profonde. Le calme m'envahit soudain. Je peux sentir le goût de la vengeance sur mon palais. Un goût terriblement amer malgré une pointe de sucré. Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres.

- Pourquoi tu souris Mauviette ? T'essaies de m'attendrir ? se moque-t-il.

Mon sourire se fait de plus en plus mauvais, je sais qu'une lueur sinistre éclaire mon regard. Je dois sûrement avoir une tête de psychopathe à cet instant précis. Il le remarque et devient livide. Je ne suis peut-être pas très imposant physiquement mais mon aura noire gonfle de plus en plus, il la ressent, j'en suis convaincu. Mon cœur ralentit sa cadence, l'adrénaline commence à me quitter progressivement et cela me va.

Je ressens cette sensation m'envahir, je ne pense plus à rien hormis à ma future vengeance. Mon regard se porte sur ses yeux et tout devient flou autour. Plus rien ne compte que ce visage pâle. Je veux voir la tristesse imprégner ces yeux, cette bouche. Je veux voir le désespoir déferler en lui, dévastant tout sur son passage. Je veux ressentir sa peine aussi immense et intense soit-elle.

La colère est devenue froide, que dis-je, glacée. La haine que j'éprouvais auparavant s'est transformée en pierre. Froide et dévastatrice. Le besoin de me défouler a mué en un besoin de destruction la plus totale.

- Toi. Oui toi. Tu n'aurais pas du faire tout ce que tu m'as fait subir, je vais à présent te faire regretter toutes ces années de souffrance.

Ma voix s'est faite plus grave, posée mais plus menaçante. Je m'approche de mon tyran et le pousse de manière à le faire s'asseoir sur le muret, derrière lui, pouvant ainsi le dominer de ma hauteur. Le silence est absolu, je sais que beaucoup d'élèves sont rassemblés autour de nous mais aucun son n'émane d'eux. La surprise est palpable dans l'air, je sens leurs auras jaunes poussin se déployer et caresser la mienne, abyssale. Je ne fais plus attention à eux, ils m'importent peu à ce moment précis où je m'apprête à déchaîner les flammes de l'Enfer. Une déflagration de haine à l'état pur.

Je sais que mes pupilles sont dilatées, ne laissant apparaître qu'un mince trait bleu marine provenant de mes iris. Mais je n'ai pas qu'une paire de pupilles, j'en ai deux. Mes quatre pupilles, deux par œil sont dilatées à leur maximum.

Ma colère atteint à ce moment son paroxysme et explose.

- Je suis atteint d'une maladie rare, la polycorie ou plutôt, la diplocorie. Je n'y peux rien si j'ai une double pupille c'est compris ? Je ne suis ni un demeuré, ni un tocard, ni un attardé mental. Je peux voir ton aura, une aura grise, mauvaise mais surtout teintée de peur. Je suis aussi synesthète, je peux voir la couleur de ta voix, rouge comme la méchanceté et aussi sombre que le sang que tu as versé.

Je prends une profonde inspiration, m'apprêtant à lâcher les pires démons.

- Je sais que tu as baisé une fille, qu'elle a été enceinte et que tu l’a lâchée avec le futur gosse pour pas avoir à assumer vos actes, tes actes. Tu sais où elle a fini? Dans un hôpital pour cause de dépression sévère, crachais-je. Le gros dur n'est en fait qu'un fragile! Je peux voir dans tes yeux que tu l'aimais mais en fait, t'es qu'un gros connard!

Ses yeux s'écarquillent, ma voix se fait encore plus grave, je suis comme possédé par mon besoin de vendetta.

- Oups! J'ai vraiment dit ça devant tout le lycée?

Son visage se décompose laissant apparaître cette peine. Je dirige tout ma rancœur contre lui. Je prononce des paroles dignes de lui, cependant je ne m'abaisse pas à son niveau. J’enchaîne, encore et encore, déballant toute la rage qui s'était accumulée, son visage devenant de plus en plus pâle.

Cette sensation de n'avoir aucun cœur m'avait manqué. Je me défoule avec les mots. Je lui inflige le double de tout ce qu'il m'a fait durant ces trois dernières années avec de simples mots. Cette arme est deux fois plus puissante que des coups.

Je vois à son regard que je viens de briser son cœur. Je le sens.

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