À mes amours

Valentin

Cher Valentin,

Aussi longtemps que je puisse m'en rappeler, j'ai l'impression que nous nous sommes toujours connus. Nous avions pratiquement grandi ensemble, nous étions inséparables. Tu as été mon premier tout: mon premier meilleur ami, mon premier baiser raté mais tu as surtout été mon premier amour.

En y repensant, c'est marrant de se dire que mon premier amour portait le prénom de cette fameuse fête des amoureux.

Je me souviens de nous deux, cueillant des fleurs dans le pré près de chez toi, rigolant de tout et de rien, prenant le goûter chez ma grand-mère, nous échangeant nos collations durant la récré, nous réfugiant dans ta cabane au sommet de l'arbre, ... Mais s'il y a bien un souvenir qui restera graver dans ma mémoire, c'est la fête dansante à l'occasion de la Saint-Valentin. Nous avions dix ans. À cet âge, cette fête ne représentait rien à mes yeux. Pour moi ce n'était pas la journée des amoureux, c'était la tienne Valentin. Pourtant tu avais fortement insisté pour y aller, au lieu de passer notre journée ensemble à la foire comme nous en avions l'habitude. Après de maintes demandes, j'avais fini par accepter de venir avec toi.

Ce soir-là, tu m'avais offert une jolie rose blanche au lieu des marguerites que tu t'amusais à cueillir dans ton jardin. C'était avec ce genre de petites attentions que tu arrivais à faire palpiter mon cœur d'enfant. Et comme chaque année, je t'avais rapporté des muffins -spécialement faits maison- que tu n'avais pas tardés à dévorer.

Nous avions dansé et ri aux éclats toute la soirée, sur cette musique pop qui rythmait nos moindres pas. Tout se passait merveilleusement bien. Tu avais même essayé de m'embrasser, dommage que tes lèvres soient tombées seulement sur le coin des miennes. Je me rappellerai toujours de ta tête qui était tournée au rouge en moins d'une seconde, honteux. Mais ce que tu ne savais pas, c'est que j'avais trouvé le geste particulièrement mignon. Rien ne paraissait pouvoir gâcher la fête jusqu'à ce que je commette cette erreur que je regrette encore aujourd'hui.

Sais-tu pourquoi je t'ai abandonné au beau milieu de la soirée?
Ne pense pas que c'était à cause de ce baiser raté. La vraie raison qui m'avait poussé à partir sans te prévenir c'était cette discussion avec Meera, que je considérais comme une vraie amie. Elle était venue me parler pendant que je me servais un verre de jus de fruits. Et ce qu'elle m'avait dit me revient encore parfois en tête:

"Valentin ne t'aime pas de cette façon... Il veut que vous restiez seulement amis. Il ne te trouve pas assez bien pour lui."

Cette dernière phrase qu'elle avait prononcée, m'avait profondément blessé. Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai préféré la croire, au lieu de venir t'en parler, à toi, mon meilleur ami.

Comme tu pouvais t'en douter, j'avais quitté la salle en pleurant. J'avais besoin de m'isoler. J'étais partie me réfugier un long moment dans un couloir où la lumière était éteinte, avant de me convaincre de retourner à la fête. Mais j'étais loin de m'attendre à te voir danser avec elle. Je pensais que tu aurais au moins essayé de me chercher... C'est à ce moment-là que j'ai décidé de ne plus jamais te parler.

Meera a eu ce qu'elle souhaitait au final. Je sais que je ne devrais pas parler d'elle comme ça. Après tout, elle a quand même eu un rôle primordial dans ta vie: celle de ta première petite amie. J'ai entendu dire qu'elle a récemment cassé avec toi, après t'avoir trompé. Je sais que cette rupture t'a énormément fait souffrir mais peut-être que ça te permettra d'ouvrir les yeux sur le fait qu'elle n'était pas une fille faite pour toi. Sache que je ne lui en veux plus d'avoir gâché ce qu'il aurait pu se passer entre nous. C'est bien elle qui a su te rendre heureux tout le long de ton adolescence.

La fautive dans cette histoire, tout compte fait, c'était moi. Je ne te faisais pas assez confiance pour croire que tu étais capable de dire de telle chose sur moi. Je m'en veux énormément pour ça. Excuse-moi pour toutes ces fois où je t'ai évité à l'école et pour n'avoir jamais ouvert quand tu venais toquer à ma porte. Nous serions probablement encore meilleurs amis si je n'avais pas décidé de couper les ponts.

J'espère que tu trouveras une fille exceptionnelle qui aura confiance en toi et qui ne te blessera pas comme moi j'ai pu le faire. Tu mérites de trouver une personne qui te rende heureux.

Peut-être qu'un jour, nous pourrions nous installer à la table d'un café et nous remémorer tous ces moments passés ensemble.

Merci Valentin d'avoir marqué mon enfance.

-Amalia