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Mon appartement est tout ce qu'il y a de plus modeste. Il est petit, n'a qu'une seule pièce. Mon lit se transforme en canapé le jour venu, ma table basse en table à manger à l'heure des repas. N'est présent que le strict nécessaire à la survie de mon corps.

Une immense bibliothèque recouvre un pan de mur. En réalité, elle est d'une taille plutôt modeste, mais comparée à la taille de cet endroit où je vis, elle devient comme immense.
Des écrits scientifiques, philosophiques, de philosophie des sciences.
Pas de fantaisie.
Quelques biographies d'illustres personnages historiques.
Pas de roman.
Une bibliothèque bien ennuyante pour la plupart des gens.

Aucune décoration. C'est inutile.

Mon appartement pourrait être qualifié de triste. Vide. Sans âme. Mais cela m'importe peu, je n'ai pas besoin de plus.
Du moins c'est ce que je croyais, jusqu'à que cet homme y pénètre. Une telle beauté dans mon pauvre appartement en change tout le relief. Elle lui donne vie. Elle me donne vie.
C'est donc à ça que sert la décoration, les belles choses... Rendre un lieu plus agréable.
Mais comment faire ?
La seule belle chose à mes yeux, c'est cet homme. Le seul moyen de rendre mon logement agréable, c'est cet homme.

« C'est... Vide...
- Um... C'est pratique.
- T'as raison, au moins t'as pas à t'embêter pour le ménage ! »

Il rit avant de prendre place sur le canapé, seule place assise dans la pièce. Je lui sers un vers d'eau, n'ayant rien de mieux à lui proposer.
Je ne sais pas trop comment me comporter. C'est la première fois que quelqu'un vient chez moi. J'aurais dû profiter de vivre encore chez mes parents pour observer comment ma mère recevait les invités. Mais, à cette époque, je préférais m'enfermer dans ma chambre en attendant qu'ils partent. Je réagirais surement de la même façon aujourd'hui encore. Mais là, je suis chez moi. Hoseok est mon invité. Et de toute façon, je n'ai pas de chambre où m'enfermer.

Je l'observe en silence, debout, à côté du canapé. Lui semble à l'aise. Il est confortablement installé, et a déjà sorti son ordinateur ainsi qu'une tablette graphique.

« T'aurais pas dû apporter tout ça... C'est beaucoup trop.
- J'suis plus à l'aise avec ça ! En plus j'ai un logiciel sur mon ordi qu'est beaucoup plus simple que le tien. On ira bien plus vite. »

Je le regarde, abasourdis. Pourquoi s'investir autant pour le projet d'un autre. Qu'est-ce que ça lui apporte ? L'être humain n'est pas comme ça, il n'est pas altruiste.

A quelle espèce appartient-il ?

« Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu m'aides ?
- C'est normal, non ?
- Non. »

Il m'observe en silence, les sourcils froncés. Les secondes semblent s'étirer en heures, alors que je me perds dans la contemplation de son visage. Même avec cet air perplexe, il est magnifique. Il me donne envie d'apprendre toutes les expressions possibles. D'observer tout ce qu'un visage humain est capable de communiquer.
Je suis capable de saisir l'humeur d'un chat rien qu'en observant sa tête. Pourtant, jamais je ne m'étais rendu compte que les humains pouvaient, eux aussi, être tout autant expressif sans échanger un seul mot.
Est-ce réellement ainsi pour tous les Hommes, ou est-ce seulement lui ?

« Alors... Disons que c'est parce que je t'aime bien. »

Sa voix me sort de ma rêverie, mais je ne saisis ce qu'elle me dit. Je le vois baisser la tête, alors que ses pommettes rougissent. Que lui arrive-t-il ? Il fait peut-être trop chaud, je n'ai pas l'air conditionnée. Ses dents rencontrent sa lèvre inférieure, et, au même moment, une étrange sensation parcourt ma peau.

« Hum-hum... Tu... Tu peux me passer le fichier d'hier ? Et reste pas debout comme ça, ça me met mal à l'aise... »



Ses idées fusent en tous sens. Des idées géniales. En quelques heures, le poster est métamorphosé. Il est devenu attrayant, sans pour autant perdre de son contenu. Au contraire, j'ai pu ajouter des schémas et photographies s'intégrant parfaitement à son esthétique, tout en apportant des informations simplement assimilables. Hoseok est un génie. Contrairement à moi, il sait ce qui plait aux autres êtres humains, ce qui les attire, ce qui les retient.
Il en est la personnification même.

« Fini ! Pile à l'heure.
- Tu... As rendez-vous ?
- Du tout, mais tu dois aller travailler... »

J'avais complètement oublié. Comment est-ce possible ? Cet homme me fait perdre toute notion du temps. Revenu sur Terre, je me lève d'un bond, attrape mes vêtements de travail dans ma penderie et me dépêche d'enlever ceux que je porte actuellement.

« Oh ! »

Je me retourne vers Hoseok. Ses mains sont positionnées de chaque côté de son visage, formant des œillères. Une forte chaleur s'insinue dans mon corps, jusqu'à enflammer mes joues. Embarrassé, je me précipite dans la petite salle d'eau afin de finir rapidement de m'habiller. Pourquoi ce genre de chose m'arrive-t-il ? Le seul être humain que j'invite chez moi. Le seul dont l'avis m'importe. Et je me fous à poil devant lui.

Décidément, les interactions sociales ne sont vraiment pas faites pour moi.

Lorsque je retourne dans la pièce principale, je trouve Hoseok devant ma bibliothèque. La tête penchée vers la gauche, il semble lire le titre de chaque ouvrage avec attention. Un sourire étrange étirant ses lèvres.

« Tu as une sacrée collection !
- Um...
- Tu vas me prendre pour un idiot si je te dis que je n'en connaissais absolument aucun ?
- Bien sûr que non. »

Un sourire lumineux, nos regards qui se croisent, ses yeux qui rejoignent précipitamment le sol, sa lèvre capturée par ses dents, ses pommettes roses.
Hoseok est captivant.
Magnifique.

« Je... Désolé... Pour tout à l'heure. Je voulais pas regarder... Une voix faible. Différente.
- Non c'est moi, j'ai pas réfléchi. J'ai pas l'habitude qu'il y ait quelqu'un chez moi. Excuse-moi. »

Il sourit timidement en secouant la tête de droite à gauche, ses yeux toujours au sol.

« J'voulais pas te regarder mais... Tu... Il se frotte distraitement la joue. Tu es très beau Yoongi. Un rire gêné.  Tu devrais arrêter de te cacher dans tes sweats trop grands. »

Sa dernière phrase avait été prononcée avec son regard ancré dans le mien. Percutant.
C'est la première fois de ma vie. La première fois qu'on me dit une telle chose.
La première fois qu'on me trouve beau.
La première fois que quelqu'un prend le temps de me regarder.
La première fois que je n'ai pas le désir de m'effacer.

« Allons imprimer le poster ensemble demain ! »

Comme à chaque fois qu'un silence s'installe, Hoseok l'efface naturellement. Sans avoir l'air de s'y forcer. Comment fait-il pour être si naturel ?

« Oh, je peux y aller seul, tu en as déjà beaucoup trop fait pour moi...
- J'insiste ! Je veux le voir en vrai. Et puis, je te rappelle que tu me dois un café !
- Ah... Ah bon ?
- Bah oui, c'était le deal pour que je t'aide ! Par contre... Il m'approche lentement. Fais-moi plaisir...  Attrape le bas de mon sweat de travail. Ne te cache pas demain.
- Je... Une chaleur sur mes joues. D'accord... J'essaierai...»

Hoseok relâche finalement mon vêtement, et se saisit de la poignée de porte, près à sortir.

« Où et quand ?
- Eu... A dix-sept heures trente, devant la gare à côté de la fac ?
- Plutô- Il secoue la tête, les sourcils froncés. Hm ! Parfait pour moi ! A demain, Yoongi. »

Il ouvre la porte, mais se ravise. En l'espace d'une fraction de seconde, il fait demi-tour, dépose un baiser furtif sur ma joue et quitte rapidement mon appartement.
J'étais figé.
Sans que je ne le veuille, mes doigts caressèrent l'endroit où ses lèvres venaient de se poser. Mon cœur bat à tout rompre, créant une vague de chaleur depuis mon bas-ventre jusqu'au sommet de mon crane.

Qu'a-t-il fait de moi ?

Au Lendemain d'HierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant