I - La Petite Fille

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J'étais allongée dans le noir, sa respiration dans mon dos créant un rythme paisible propice à mon endormissement.
Mais j'ai toujours eu des problèmes de sommeil. Ces dernières années, c'étaient les cauchemars, et avec eux, la peur de s'endormir pour retomber dans ces mondes terrifiants qui me laissaient en sueur. La plupart était constitué de meurtres, dont j'étais la victime ou la perpétrice ; souvent liés à ma famille ou mes amis proches. D'autres rêves étaient des courses-poursuites, certains étaient plus calmes, mais tous trahissaient un désespoir frôlant la terreur. Quasiment toutes les nuits, je me réveillais en sursaut, me rappellais que ce n'était pas réel, et avec le temps je ne vérifiais même plus si j'avais effectivement tué les personnes de mes rêves.
Ainsi, j'étais trop terrifiée pour m'endormir car je savais ce qui m'attendait, et la terreur de mes rêves ne parvenait plus à s'estomper dans la lumière du jour.

Alors tous les soirs, je tournais et me retournais dans mon lit, occupant mes pensées, attendant que la fatigue soit trop grande pour me laisser sombrer.

Si ce n'étaient pas les cauchemars, c'étaient les insomnies. Même lorsque j'étais épuisée, incapable de maintenir mes yeux ouverts, je me redressais soudain en sursaut, ramenée à la réalité par ma conscience incapable de se mettre en pause. Je passais mes nuits à lire ou, plus récemment, à discuter. Dessiner aussi occupait une grande partie de mes nuits. Je dessinais quasiment exclusivement des personnages issus de mon imagination, dont certains ont d'ailleurs finit dans ma tête.

Plus jeune, à tel point que je ne m'en souviens pas, c'était la tachycardie qui me gardait éveillée. Mes parents étaient régulièrement réveillés par mes pleurs. Ces paniques nocturnes sont sans doute à l'origine de mes problèmes de sommeil actuels.

Cette maladie est dûe à un dysfonctionnement du cœur - le sang qui passe dans le mauvais tuyau. Dès lors, pour rétablir la circulation normale, le cœur s'emballe - personnellement, je suis déjà montée jusqu'à 280 battements par minute.
Le plus effrayant pour moi n'est pas le risque de décès - c'est la sensation insupportable d'oppression à la poitrine. Comme si une main vous compressait le cœur et les poumons, et c'est vraiment là que vous réalisez qu'il y a un réel danger. Les crises provoquent des difficultés à respirer, cependant avec l'âge j'ai fini par m'y habituer. Je m'asseois ou m'allonge, et j'attend que ça passe - sauf quelques fois plus graves dont je parlerais plus tard.

Les crises peuvent être déclenchées par un effort trop important - autrement dit, presque tout pour moi - par du stress, ou parfois de façon inexpliquée. Elles m'arrivent depuis mon plus jeune âge, mais ont été difficiles à détecter, et ce sentiment d'incompréhension du reste du monde face à ce que je ressens a toujours perduré depuis cette époque.

Je ne dirais pas que j'ai eu une enfance difficile, mais étant hypersensible, les bonheurs et douleurs de cette époque sont les plus marquants, et resteront sans doute gravés en moi pour toujours. Mon plus vieux souvenir est la grande salle de sieste de maternelle. Floutée par le temps, je me souviens simplement d'une sensation de grande antiphatie à son égard. D'incompréhension, également. Les autres enfants n'avaient pas l'air de se demander pourquoi les adultes décidaient de notre emploi du temps, et pourquoi on nous faisait dormir à cette heure alors que j'aurais préféré dormir plus tard. Mais tout le monde faisait ainsi, et les adultes étaient si intimidants ! Avais-je le choix ?

De toute manière, j'ai toujours mal compris les gens, et si je questionnais ce que les enfants de mon âge considéraient comme une vérité universelle, je ne remettais pas en question certaines limites qu'eux ne respectaient pas. Quand j'étais dans un milieu que je pensais maîtriser, mettons la compréhension de texte, je n'hésitais pas à dire à la professeur qu'elle avait tort - sauf qu'un enfant en désaccord avec un adulte a toujours tort, et je l'ai appris bien tard. Cependant, il était hors de question pour moi de m'aventurer dans les salles réservées aux adultes - car ils avaient un pouvoir de répression quasi-total sur ma liberté. Toutefois, exprimer un désaccord en paroles devait me sembler moins grave qu'un acte - c'est du moins la seule manière dont j'explique mon comportement de l'époque.

Axolot, Doudou et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant