Le cimetière des papillons

Chapitre 2

  Je me souviens encore de cette journée, celle où j'ai rencontré une magnifique chevelure dorée. Je vais vous la raconter…

  Je cours et attrape mon chapeau au vol, celui où il est écrit mon nom dedans, Nao Carlin, unique fille de la maison Carlin. Cette maison est une entreprise très riche, elle équivaut à Dior ou Channel, donc je ne suis pas trop mal logée ou nourri, je n'ai pas à me plaindre de ça. J'habite une grande maison au bord de la mer, elle est énorme, en fait c'est plus un château qu'une maison… Mais le problème c'est que, étant fille unique de parent toujours au travail, on se sent vite seul dans une maison comme celle-ci. Et en plus je n'ai pas le droit de sortir car, à cause d'un virus dont je ne me souviens jamais du nom, je tombe facilement malade. Je ne vais pas à l'école, j'ai des cours à domicile et donc niveau amis, ça se limite à mes innombrables peluches, mais rien de plus. Cette journée est historique pour moi, c'est l'une de mes nombreuses tentatives d'échapper à la surveillance de Mademoiselle Létyan, ma nourrice, sauf qu'il y a une différence avec tous les autres essais, celui-là a réussi ! Pour la première fois je suis dehors, seule ! Je peux faire se que je veux ! Je cours au soleil, comme c'est agréable de sentir ce brin de chaleur nous caresser la peau. Je cours jusqu'à être hors de vue du château et me dirige vers la mer, j'adore ça, l'eau et moi on est les meilleures amies du monde, quand je serais grande j'aimerais bien être une grande nageuse. Je remonte le cours d'eau qui se jette dans la mer toujours en courant, quand soudain je croise un magnifique papillon bleu, je lui cours après et essaye de l'attrapper. Je crois bien que c'est à ce moment là que je me suis perdu… J'ai trébuché et suis tombée, dans une petite rivière, heureusement ce n'était pas profond et je me suis juste écorchée un peu sur les rochers. Je me redresse et sens des gouttes atterrir sur mon visage et mon chapeau, c'est bizarre, pourtant il ne pleut pas… Je relève la tête, je suis juste en dessous d'un pont. Je plisse les yeux, et là je la vois, une petite fille avec une magnifique chevelure dorée, elle pleure, c'était ça les gouttes de pluie. Mais, qu'est-ce qu'elle fait ?! Elle est folle ?! Elle monte et se tient à présent debout au bord du pont. Mon sang ne fait qu'un tour, je monte rapidement en haut du pont, heureusement elle hésite en balançant son pied dans le vide. Je cours, comme je n'ai jamais couru et crie à plein poumon "Hé stop ! Ne fais pas ça !" mais la jeune fille a lâché la rambarde et commence à tomber dans le vide, elle tourne sa tête au dernier moment et là je peux les voir. Je peux voir ses magnifiques yeux bleu embuées de larmes, on dirait un profond océan, je pourrais me noyer dedans… Son visage serait encore plus beau si il n'était pas orné de griffure et d'ecchymoses ainsi qu'un fillet de sang coulant de sa bouche.
Je saute et l'empêche de justesse de basculer de l'autre côté, avec tout l'élan que j'ai pris je l'entraîne avec moi et elle finit par me tomber dessus. Nous sommes dans une drôle de position, l'une sur l'autre. Ses yeux plongent dans les miens et me regardent intensément. Puis je me redresse et la prend contre moi, ce qu'y est d'ailleurs étrange je ne sais pas pourquoi j'ai fais ça. Mais je la regarde et la seule chose que j'arrive à dire c'est :
"Ne fais pas ça, tu est belle, on dirait un papillon… mais ne t'envoles pas tout de suite."
  Maintenant que j'y pense je me sens idiote, mais qu'est-ce qu'il m'a prit de dire ça ? Elle s'est levée d'un coup en me regardant et a haussé le ton.
"Mais pourquoi tu m'as empêché ?! Je voulais sauter moi, j'en avais assez de cette vie ! Tu comprends ?! Hein ? Est-ce que seulement tu comprends ?!"
Sa voie se brise sur les derniers mots. Je la regarde les yeux pleins de compassion, ou de tristesse je ne sais pas, mais je la regarde sans dire un mot. Elle aussi me fixe en se mordillant la lèvre, peu à peu je peux voir les larmes monter dans ses yeux. Puis elle éclate en sanglots et tombe à genoux en s'agrippant à ma robe.
"Désolé ! Boouu… Je suis désolée…J'en avais assez…"
Je l'entoure de mes bras et la laisse pleurer sans rien dire.
  Sur le vieux pont on entend désormais plus que les sanglots de la jeune fille mêlés au doux bruit de l'eau qui ruisselle entre les rochers. Elle est encore collée contre moi, je peux sentir ses doux cheveux dorées, ils ont une bonne odeur de cannelle. Quand elle a fini de pleurer elle ne bouge pas. On reste un moment comme ça et je finis par me lever et la prendre par la main.
"Bon, suis moi, on va arranger tout ça."
Elle ne bronche pas et se laisse emmener tranquillement en fixant le sol comme un zombie. Je l'emmène jusqu'en bas du pont et m'arrête devant la rivière. Là je prend de l'eau et essuie doucement ses blessures.
"Il faut laver tout ça."
Elle ne bouge toujours pas et me regarde faire. J'essuie sa dernière petite larmichette et lui souris.
"Tu est quand même mieux comme ça ;  je réfléchis ; Il faudrait de la glace pour tes bleus, tu ne sais pas où il y en a ?"
Elles ne me répond pas plus qu'avant et regarde mes habits.
"D-désole, j'ai sali ta robe…"
Je regarde, il y a des larmes et deux ou trois petites tâches de sang dessus. Je vais me faire sévèrement disputer… mais je ne peux quand même pas laisser cette fille toute seule, elle pourrait très bien recommencer.
"T'inquiètes pas, ça ce lave et puis j'en ai d'autres ; dis-je en souriant."
Elle me regarde et me dévisage, je sens que c'est une fille très timide…
"Pourquoi tu voulais te jeter d'un pont ?"
Oups, j'ai peut être été trop cash… Elle détourne la tête et reprend son air triste.
"Non, non, oublie ce que je viens de dire ! Eu… ; j'essaye de détourner la conversation ; comment tu t'appelles ?"
Elle me regarde à nouveau et dit timidement
"Alice… je m'appelle Alice…
-Oooh ! Trop bien, comme dans Alice au Pays des Merveilles ? C'est mon compte préféré !"
   Je ne vous l'ai pas encore dit mais si il y a bien un truc que J'A.D.O.R.E, c'est les comptes et les histoires, j'en lis aussi souvent que possible, mais celui du lapin blanc et d'Alice reste le plus abîmé de tous, à force de le lire encore et encore.
La jeune fille a l'air étonnée de ma question.
"Eu…oui ; répond-t-elle en baissant les yeux, je la regarde.
-Tu sais je vais pas te manger hein; je lui souris; quoique… " Je fais mine de venir pour la dévorer et, après quelques secondes d'hésitation, elle sourit enfin et se met à courir. Et elle ne fait pas que sourire, elle rigole aussi, son rire est beau, il est cristallin et ferait fondre n'importe quelle cœur de glace.
"Il faudrait déjà que tu arrives à m'attraper; dit-elle en rigolant."
Elle a l'air de connaître cet endroit comme sa poche. Elle est rapide et légère, c'est dur de la suivre, surtout pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude d'être dehors. J'ai au moins réussi à lui redonner le sourire. Mince, je me suis égarée quelques instant dans mes pensées et voilà que je ne la vois déjà plus, elle a disparue à l'entrée de la plage, là où la forêt laisse place au sable fin. Elle ne doit pas être loin. Je sort de la forêt quand soudain une grande masse dorée surgit de derrière un arbre et hurle "Boouu !", j'ai un mouvement de recul et un petit crie s'échappe de ma bouche. Je regarde vivement devant moi avant de comprendre que c'était elle, Alice. J'ai dû faire une tête bizarre car d'un coup elle recule en se protégeant la tête et me dit d'une voie tremblante :
"D-désolé, j'aurais pas dû te faire ça, désolé, me tape pas s'il te plaît !"
Je suis éberluée. Comment elle peut croire ça ?
"Mais je n'allais pas te taper ! Je vais pas faire ça juste parce que tu as réussi à me surprendre un peu."
Elle relève la tête et me regarde intriguée.
"A-a bon ? Vraiment ?
-Oui, tu peux me faire confiance, je ne te frapperais jamais. Croix de bois croix de fer, si je ments je vais en enfer."
Je crache par terre et lui tends la main.
"C'est promis."
Elle hésite un peu puis sert ma main et en souriant..
"Je te crois alors."
Et c'est ainsi que commence notre belle amitiée, du moins, c'est ce que je croyais…