John passa une nuit normale, sans troubles spéciaux. Il se leva, déjeuna en silence, sa femme étant déjà partie à son travail. Elle était infirmière, du moins l'était-elle la dernière fois qu'il lui avait demandé. Il crut se rappeler quelque chose à propos de la soirée de la veille, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Il préféra oublier, finit son café et parti.
De même qu'à sa maison, tout se passa comme d'habitude. Il vit son supérieur, « Big Boss », qui ne se priva pas pour l'humilier devant ses autres collègues. La routine quoi. Le midi il mangea avec des amis du travail à la cafeteria de leur entreprise. Il se remit à son poste en début d'après midi, termina sa tâche, qui consistait à reprogrammer la prochaine génération de télévision, et rentra chez lui.
Une fois affalé dans son canapé, il se contenta de fixer son cher écran noir. En vain. Celui-ci refusa tout simplement de se mettre en route. John en resta bouche bée. Il avait comme une impression de déjà vu. À peine la remarqua-t-il que la panique l'envahit. Les grosses goutes de sueurs firent leur apparition pendant qu'aucune image n'apparaissait. Nom de Dieu, se dit-il, que devait-il faire ? Il attendait, les yeux bêtement braqués sur l'écran, essayant tant bien que mal de la démarrer. Pour ça, il fallait qu'il pense à ce qu'il souhaitait regarder. Mais que voulait-il réellement ? Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas choisi de programme audiovisuel. Il réfléchit, ce qui se révéla un effort bien plus important qu'il imaginait. Avant d'obtenir ces nouveaux types de poste, il prenait plaisir à voir les jeux télévisés, du moins lui semblait-il.
Aussi se concentra-t-il pour que son écran le comprenne et qu'il affiche un tel programme. Il entendit alors le grésillement habituel signifiant que sa télévision s'enclencher. Et bien voilà, se dit-il, ce n'était pas compliqué, il suffisait d'un peu de réflexion et l'on savait quoi regarder.
Toutefois, une nouvelle surprise apparut à John. Alors qu'il s'attendait à tomber devant un jeu télévisé avec son animateur chauve et la bimbo siliconée, son poste préféra se mettre en route et lui montrer les dernières informations sportives. Il ne comprit pas ce qu'il se passait. Sa télévision était-elle en panne ? Pourtant, elle affichait un programme, mais pas du tout celui qu'il souhaitait contempler.
Il tenta alors de chercher la télécommande quelque part. Mais il se rappela que ces postes nouvelle génération n'étaient pas dotés d'un tel dispositif. John se souvenait très bien le slogan qu'il avait vu et revu : « La télécommande est votre cerveau, plus besoin de se rappeler où on l'a laissé trainer ! ». Foutue connerie. John devait agir. Il allait essayer de demander l'avis de sa femme.
Il se leva de son canapé, enleva son manteau. Pourquoi le portait-il toujours d'ailleurs ? John se dirigea vers la table du salon où se trouvait son épouse, les yeux rivés sur son poste. Elle ne le regarda même pas lorsqu'il fut tout à côté d'elle. Il posa sa main sur son épaule et la secoua un peu pour attirer son attention.
— Chérie, tu pourrais m'accorder quelques secondes, dit-il. J'aurais quelque chose à te demander.
Aucune réaction. Betty resta fixée sur sa petite télévision, sans éprouver la moindre émotion face à sa série à l'eau de rose. Elle se contentait de regardait son écran.
John la malmena un peu plus rudement, pour vraiment se faire remarquer.
— Mon amour, tu m'entends ? Je te parle là.
Toujours rien. Il avait haussé le ton, mais cela eu autant d'effet que s'il ne l'avait pas touché.
— Betty ! cria-t-il. Tu m'entends oui ou merde ?
Apparemment non puisqu'elle préféra continuer son émission. John fulminait. L'ignorance de son épouse commençait sérieusement à le rendre dingue. Puis une idée lui vint, il se demanda même pourquoi il n'y avait pas pensé avant. Il éteignit la petite télévision de sa femme.
La réaction de cette dernière fut assez longue à arriver. Comme lui la veille, elle ne comprit d'abord pas pourquoi son programme s'était arrêté en plein milieu. Elle attendit, fixant son poste en espérant qu'il redémarre de lui-même. Au bout de quelques minutes, Betty finit par remarquer de son mari.
— Tu ne regardes pas ta télé mon amour ? lui demanda-t-elle candidement.
Cela ne fit qu'augmenter l'agacement que John ressentait déjà.
— Justement, dit-il sur un ton sec, viens avec moi et tu vas me raconter ce que tu en penses.
Il prit son épouse par le bras et la tira jusque devant la grande télévision de leur salon. Elle attendit un petit moment, observant les derniers résultats sportifs, et se retourna vers son mari.
— Et bien que se passe-t-il ? Ton équipe favorite a perdu ?
— Mais non ! Tu vois le programme qui passe ? Ce n'est pas du tout ça que j'ai choisi maintenant, je veux un jeu télévisé !
Betty eut un léger rire et caressa le bras de son homme.
— Johnny, tu vois que non. Si tu souhaitais vraiment autre chose, la télé le comprendrait. Allez arrête tout ce tintouin et remet toi dans ton canapé.
Alors qu'elle retournait vers la table du salon, John la rattrapa et la regarda droit dans les yeux.
— Je te dis que ce n'est pas ça que je veux !
— Tu me fais peur, lâche-moi.
Betty commençait à s'inquiéter du comportement étrange de son mari. Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état. Pourtant tous les jours à cette heure-ci il lui semblait qu'il mettait bien cette émission d'information sportive. Elle se demanda s'il n'était pas devenu fou.
John consentit à enlever la prise sur son bras. Il tournait comme un lion en cage devant son divan. Il ne savait pas quoi faire. Sa femme, quant à elle, l'observait marcher tel un aliéné.
Puis soudain, la télévision changea de chaine et la bimbo apparut à l'écran. Betty poussa un soupir de soulagement.
— Et bien la voilà ton émission. Elle n'avait pas dû commencer auparavant.
— Mais bien sûr, il y a toujours au moins un jeu à la télé. Alors pourquoi diable est-ce que je n'ai pas pu le regarder à la place de ce sport débile ?
— Ne t'énerve pas chérie. Maintenant tu l'as, moi je retourne devant mon poste.
Betty repartit s'assoir et se transforma en zombie, mangeant les images pour se nourrir. John s'étendit sur son canapé, se demandant ce qu'il avait pu se passer. Les questions fusaient dans son esprit. Son écran télévisé ne comprit pas toute ces informations que lui envoyait le cerveau de son propriétaire. Elle se mit à changer de chaine, les faisant défiler les unes après les autres. Au bout de quelques secondes, il ne resta qu'un simple grésillement.
Au moment où John allait réagir, quatre hommes firent irruption dans leur maison. Ils étaient tous habillés de la même façon. Un costume trois-pièces gris avec un chapeau assorti. Ils avaient l'air un peu essoufflés comme s'ils venaient de courir. L'un d'eux, un personnage aux cheveux grisonnant, pointa son doigt vers John. Les trois autres se ruèrent sur lui et le soulevèrent. Malgré tout ses efforts, ils ne connurent aucun mal à l'immobiliser et à le porter.
Ils passèrent par la porte et le mirent dans le coffre d'une grande berline, également grise. L'homme qui paraissait être le chef fit un signe de tête à Betty, qui semblait n'avoir rien remarqué, et sorti rejoindre les kidnappeurs. Lorsque les pneus de la voiture crissèrent, la femme de John fut seulement étonnée de voir que son héros préféré allait peut-être bientôt mourir. Mais ça, elle le saurait au prochain épisode.
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Liber Video [TERMINÉE]
Science FictionNouvelle dans une inspiration à la Black Mirror. Dans un futur pas si lointain, une nouvelle technologie fait fureur et permet de ne plus avoir à choisir ce que vous regardez à la télévision, celle-ci le fait pour vous. Voici peut-être le divertiss...