LE 01 OCTOBRE 2035

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Cher papa,

     Je t'écris cette lettre que tu ne liras jamais d'où tu es. Mais certaines choses me pèsent et doivent être écrites à défaut de ne pouvoir t'être dites.
Cela fait maintenant seize ans et quelques mois que tu nous a quittés. Je m'en rappelle comme si c'était hier. Il y avait grève de bus ce jour-là, tu m'avais donc déposé à la fac. Tu avais l'air fatigué et je n'étais pas rassuré que tu prenne la route. La veille maman et toi, vous vous étiez disputés à propos de ta famille qui insistait toujours pour qu'on se voit. Tu t'étais certainement couché contrarié puisque moi-même qui étais habituellement le dernier à m'endormir, quand j'avais éteint la lumière, la tienne brillait encore dans la pénombre. Je n'avais pas cherché plus loin et avais fini par m'endormir. Et pourtant...

     Le lendemain après que tu m'aies déposé en cours, tu avais trouvé le sommeil que tu n'étais pas parvenu à atteindre la veille. Mais ce sommeil ne te quitta plus jamais. Et encore aujourd'hui, tant d'années après tu dors toujours et ne t'es jamais réveillé.

Maman ne s'est jamais remise de tout ça et a sombré dans une dépression si profonde que je crains bien que jamais elle ne remontera à la surface. J'ai dû l'emmener je ne sais combien de fois à l'hôpital pour cause d'ingurgitation trop élevée de médicaments à prendre en petite dose.

Je n'ai jamais aussi bien joué le rôle de grand frère avec Tristan que depuis ce fameux jour où tout a basculé. Tristan est un garçon très sûr de lui et camoufle sa peine derrière un orgueil digne d'un vrai Dombet. Il est rentré à l'université en septembre dernier, il n'en parle pas beaucoup. Je ne sais pas si tout s'y passe bien, il est tellement secret. Il me rappelle ce garçon mystérieux que j'étais autrefois. C'était il y a si longtemps maintenant. Mais ne t'en fais pas, je veille sur lui. Sur lui et sur maman... Il y a des fois où je me demande qui veillera sur moi alors que je veille sur tout le monde, et puis je me rappelle de ma douce femme et ces sentiments s'estompent un peu... Oui tu as bien lu, j'ai une femme. Je me suis marié le 11 février 2026. Ce jour-là, j'ai vu maman sourire et rire aux éclats comme jamais auparavant, elle revivait. Je crois que tout le monde revivait un peu. C'était une bouffée d'air frais pour tout le monde. Mais les effets se sont vite estompés. J'ose espérer qu'avec l'arrivée du bébé cet oxygène refera surface. Ma femme, Gaïa est enceinte de 6 mois. C'est une petite fille. Gaïa et moi avons décidé de l'appeler Maëlle, Maëlle Gaïa Sebby Dombet. Sebby en hommage à son grand-père que tout le monde surnommait Seb, ou Sebas.

     Tu me manques...
Ton fils Mathieu.

Lettres à un disparuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant