Texte n°3

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Par EtoiledEspoir

Le soleil brillait encore en ce soir d'été, malgré l'heure tardive. Les journées étaient longues et chaudes, et les nuits, courtes et fraiches. Le chaleur pesait sur mes épaules tandis que je roulais sur mon vélo, dans les rues de Londres, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Le temps était lourd et humide. Il allait pleuvoir bientôt. Mon débardeur noir flottait au gré du courant d'air créé par la vitesse. Le son de mon pédalier fendait le silence de certaines petites rues. Je me rendais à la station de métro la plus proche, pour ensuite aller jusqu'au Marks & Spencer. Je voyais maintenant l'enseigne annonçant "Underground" au bout de la rue. Le pavé filant sous mes pieds me faisait vibrer. Une petite goutte de pluie tomba dans ma nuque, bientôt suivie de dizaines d'autres. Je savourai la sensation de fraîcheur qu'elles me procuraient durant quelques instants, avant de pénétrer dans la station. Je sorti mon antivol et attachai ma bicyclette sur une barrière de métal, puis je descendis les marches des escaliers toujours plus profonds. Je les prenais quasiment deux à deux. Je voulais être vite rentrée chez moi. Je n'aimais pas rester dans le métro après le dîner...
Une fois en bas, je sortis ma carte et la fis scanner, puis je me mis au bord de la voix ferrée, guettant le bon numéro. Il arriva quelques minutes après et je m'engouffrai à l'intérieur. Le wagon était presque vide. Seuls une femme et ses deux enfants étaient assis sur des sièges en face de moi. L'un des deux, qui avait maximum un an, pleurait. Ses pleurs résonnaient dans ma tête, malgré la musique que j'écoutais. Je poussai un soupir de soulagement lorsque la petite famille descendit à l'arrêt suivant. J'attendis encore presque cinq minutes avant de descendre à mon tour. Le Marks & Spencer était juste en face de la station. Je sortis et couru m'abriter dans le magasin. Je n'étais presque jamais venue dans ce magasin-ci. Je cherchai alors le rayon qu'il me fallait. "Ah ! Trouvé !" dis-je pour moi-même. J'attrapai un des sachets de sel qui me paraissait bien. Je continuais de chercher les produits qu'il me fallait lorsque j'entendis soudain des hausses de voix. Bientôt, une alarme retentit. Une voix féminine résonna dans le microphone tandis que les cris continuaient. "Veuillez évacuer le magasin dans le calme", disait-elle. Autour de moi, je voyais quelques personnes affolées. Certains couraient vers la sortie, et d'autres paraissaient plus perdus qu'autre chose. La voix répétait en boucle cette phrase. "Comme si on n'avait pas compris..." pensais-je. Je m'efforçai de suivre les autres vers la sortie. Mon coeur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait exploser à tout moment. J'entendais mon propre sang passer régulièrement, au niveau de mes tempes. Au dessus de ma tête, le néon clignota. Il me fit sursauter. 
"Que personne ne bouge !" 
Je me retournai d'un coup en entendant cet ordre dans mon dos. Un homme en noir était là. Il tenait un revolver en ses mains et nous le pointait dessus d'un air menaçant. 
La peur me submergea. J'étais si terrifiée que je n'arrivais plus à faire le moindre mouvement. C'était comme si j'étais absente. J'entendais les autres courir, crier, se rendre. J'entendais la sirène de police arriver, se rapprocher, pour finalement s'arrêter. J'entendais les forces de l'ordre rentrer dans le magasin, donner des ordres, crier sur les agresseurs. J'étais là, j'attendais que ça se passe. Je semblais calme, mais dans mon esprit, mes pensées étaient si mélangées que moi-même je ne les comprenais plus. Quelqu'un me poussa violemment contre le rayon proche. C'était un policier. Des coups de feu résonnèrent. Je n'y comprenais rien. Vraiment rien. Je fermai les yeux, espérant que tout cela n'était qu'un cauchemar. Je les rouvris, j'étais encore dans le magasin. Je repris conscience d'un coup. Je me relevais, n'ayant que faire de la douleur qui parcourut mon hanche gauche, et je courus. Je tournai brusquement la tête en voyant le corps de l'homme en noir, au sol, entouré d'une flaque rouge. Je venais de me rendre compte de la situation. Les rayons défilaient des deux côtés de mon champ de vision. J'arrivai devant la caisse et je vis un autre homme en noir, habillé de la même manière que celui de tout à l'heure, qui hurlait des menaces au caissier, lui pointant son arme sous le nez. "Donne moi l'argent ! Tout de suite !" criait-il. Je détournai le regard lorsqu'une balle fut projetée d'un revolver policier. L'ombre de l'agresseur s'évanouit au sol. Je relevai les yeux vers le tireur. "Pa...pa ?" dis-je d'une petite voix. Des sanglots me secouèrent. Mon père venait de tuer quelqu'un, pour nous protéger, moi et les autres victimes. Mais il l'avait tué. Moi, je subissais. Pourquoi fallait-il que ces visions arrivent jusqu'à mon cerveau ? Pourquoi ? Je savais qu'elles seraient indélébiles. Jamais elles ne sortiraient de mon esprit. Jamais... Je m'élançai vers mon père. Il était bouleversé. Au moment où j'allais le prendre dans mes bras, un autre coup de feu résonna, dirigé vers moi. Ça y est. C'est la fin. Le temps parut ralentir tandis que la balle avançait à travers les airs, se dirigeant vers ma poitrine. Je fermai les yeux, me préparant au choc. Des larmes coulèrent sur mes joues. Je ne voulais pas mourir. Au dernier moment, je me sentis projetée sur le côté. Je m'effondrai sur le sol. Je... n'avais pas pris la balle ? J'entendis le son sourd d'une masse tombant par terre. "PAPA !" hurlais-je, tandis que le dernier agresseur se faisait tuer par un autre policier. Je me jetai sur lui. Il vivait encore. Le soupir de soulagement que je poussai alors fut si bruyant que n'importe qui dans le magasin avait dû l'entendre. "Reste avec nous... murmurais-je. Tout va bien se passer..."

*

J'allumais distraitement la télévision du salon. Je ne pouvais détacher mes pensées des visions que j'avais eues. Tout cela était si... improbable... La journaliste qui présentait l'actualité annonça d'une voix lasse: "Cette nuit, au magasin de Marks & Spencer du centre ville, un braquage armé a eu lieu. Il a viré sur une fusillade. Il y a un bilan de trois blessés, dont un grave. Les trois agresseurs ont étés abat-.." Ce dernier mot mouru dans le poste de télé que je venais d'éteindre.

Le Livre des DéfisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant