Par victim-of-life
Mêlant coup de blues et mélancolie, je m'arrête et réfléchis. Je me souviens de tout, comme si c'était hier. Malheureusement, ça ne l'est pas.
Je suis née fille, dans un monde patriarcal où le genre définissait l'être humain lui même. Les garçons nageaient, les filles dansaient, et celà était perpétuellement enseigné par nos aînés. Jamais une fille n'a eut le droit de mettre un pied dans l'eau et jamais un garçon ne put enfiler une tenue de danse, ce n'était pas négociable.
Voilà dix-huit ans que je dansais comme toutes mes camarades. Néanmoins, contrairement à elles, j'étais fascinée par l'eau, par l'océan, par les vagues, par cette immensité bleutée sans égal et infinie.
Le jour de mon anniversaire, j'allais après tant de privation, de désirs, me libérer de ce que j'avais en tête et sur le cœur depuis tant d'années ; j'allais annoncer à mes parents que moi aussi, je voulais nager. Ce matin là, dès mon réveil, encore à moitié endormie, je courus jusqu'à la chambre de mes parents pour leur dire ce que je voulais vraiment faire. Le choc me réveilla complètement, une claque m'avait était infligée avec une violence inouïe qui n'emporta pas que mon visage, mais aussi mon plus grand rêve, avec elle. Mon père, la main toujours dans les airs, me j'était un regard noir alors que ma mère, elle, semblait déçue. Voyant que je n'était et ne serait jamais comprise, je quitta la maison, pour aller sur la plage, réfléchir.
- Que fiches-tu ici ? Lança une grosse voix.
- Je vous emmerde ! Repliquais-je.
Avant de réaliser que j'aurais mieux fait de me taire car les bruits de pas se rapprochaient avec vigueur. Je m'extirpa de là avant qu'il ne me rattrape, pour aller un peu plus loin sur le sable. C'est alors qu'une idée m'est venue, une idée des plus belles et intenses. Je quittais alors les lieux.Le soir, après l'extinction des feux, muni d'une lampe torche, je revint sur mes pas jusqu'à la plage. Ne pouvant m'attarder sur les rivages, je montais sur une petite barque et commençais à ramer, ramer jusque là où le vent m'amène,sans m'arrêter. Là où personne ne m'empêcherai d'expériencer, de réaliser mes rêves, de vivre.
Après des heures éprouvantes à ramer sans cessation, je me retrouvais seule, perdue au milieu de l'océan. La lune projetait un éclat étincelant sur la surface de l'eau miroitante, et l'eau était calme, paisible, sans vagues. C'est alors que je m'arrêtait net. L'océan était là, enfin, elle m'appartenait. Je n'avais jamais été aussi prêt du but et rien que d'y penser me donnait la chair de poule et me faisait frissoner . C'est donc après une grande inspiration et sans y réfléchir à deux fois, que je me j'étais à l'heure.
Cette sensation était intense, quasiment, indescriptible. Sentir l'eau autour de moi me donnait une telle jouissance, jamais je n'aurais cru pouvoir éprouver une telle chose, quelque chose d'aussi unique et magique. Je me souviens encore de l'effet que ça m'a fait. Perdre la notion de ce qu'est la gravité, se sentir flotter et être aussi légère qu'une plume, c'etait juste un émerveillement, l'émerveillement d'une fille qui avait réalisé son plus grand rêve et qui a vécu quelque chose de fabuleux, fantasmagorique.
Ce plaisir n'était que de courte durée, je n'allais pas tarder à découvrir une sensation encore plus intense et extrême. N'ayant aucune idée de comment nager, comment utiliser son corps pour flotter, comment agir dans une telle situation, je me débatti pour rester à la surface mais ce n'eut que l'effet inverse. Je fus submerger d'eau en un rien de temps, je coulais. Sentant l'eau pénétrer mon organisme, je m'agitais encore plus, à ma grande infortune. Voilà ce qu'était cette sensation des plus extrême ; l'agonie.
Je me souviens encore, asphyxiée et agonisante, des dernières images et pensée que j'eus à ce moment. Le bleu nocturne qui m'entourait dans une pénombre effrayante me calmait. Mon dernier geste fut de lever les yeux vers le haut, là où se trouvait la surface pour y voir un point blanc. Ce point blanc, j'allais bientôt le rejoindre, cette lune, aussi immense que l'océan. Je me disais que c'était une belle façon de mourir, mourir entourée de ce qu'on aime, il n'y avait rien de mieux. Après tout, j'avais bien vécu dans ce monde, malgré le fait que j'avais mal commencée depuis le départ ; j'aurais dû naître petit garçon. Mais bon, sans regrets.
Mêlant coup de blues et mélancolie, je m'arrête et réfléchis. Je me souviens de tout, comme si c'était hier. Malheureusement, ça ne l'est pas, ça remonte à longtemps, très longtemps. C'était en même temps ma plus folle aventure, ma plus belle expérience comme ma plus terrifiante, et si c'était à refaire, je le referai. Oh, le bon vieux temps.
- Voilà pour l'histoire de ta pauvre grand-mère, Lucie. Je ne te souhaite pas de retracer mon parcours, mais si l'envie t'en dit, petite canaille.
- T'es vraiment trop forte mamie! Et, quand tu étais dans l'eau, il n'y avait pas de requins, de créatures monstrueuses ?
- Je me souviens avoir vu avant de perdre connaissance, une ombre massive et un cri strident, très proche de moi. Mais c'était possiblement une hallucination, Lucie.
- Wow, si ça se trouve t'as vue un kraken ou un megalodon !
- Si c'était le cas, je m'en serais souvenue. Je pense plutôt qu'il devait s'agir d'un orque ou d'une baleine quelconque. Mais bon, c'est l'heure de dormir maintenant. Bonne nuit petite fripouille.
- Bonne nuit mamie.
- Mamie ?
- Oui mon ange ?
- Et comment as-tu fait pour revenir saine et sauve à la surface, ayant perdue connaissance ?
- Ça, s'est un secret. Lui dis-je avec un clin d'oeil et un grand sourire, avant de quitter la pièce et de refermer la porte.
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