7h. Le coq chante. Je me lève, enfile mes habits de travail et vais dans la cuisine. Je prend un petit-déjeuner rapide et sors. Jean-Michel sort aussi, de la maison d'en face. Il m'adresse un signe de la main, je lui répond d'un hochement de tête. La porte de sa maison s'ouvre. Sa petite fille de 4 ans, Louise, en sort, le rattrape et lui tire la manche, pour lui signaler sa présence. Il se retourne, le sourire aux lèvres, et la prend dans ses bras. Puis , il la repose et lui dit de retourner à l'intérieur. Elle lui obéit. Lui me rejoint sur la route,et nous partons rejoindre Michel, Jacques et les autres pour aller travailler aux champs.
11h45. Nous rentrons tous manger , moi avec la famille de Jean-Michel. Je suis célibataire. Je n'ai pas de famille qui m'attend chez moi, pas de femme. Nous rentrons dans sa maison. Une bonne odeur arrive jusqu'à nous, parraissant sortir d'une pièce à notre gauche. Je suis "Le Jean", comme on l'appelle au travail , qui rentre dans cette pièce. Celle-ci est rectangulaire, assez grande. Elle est peinte d'une couleur simple. Contre le mur face à l'entrée de la pièce, se trouve une cuisinière, une armoire et quelques ustensiles de cuisine. Au centre de la pièce, se trouve une assez grande table en bois, avec 8 chaises autour. Aux fourneaux, une femme aux longs cheveux noirs s'active. Cette femme, c'est Hélène. « La plus belle femme du village», dit Jean-Michel. Et je le crois.
Le chef de la maison s'assied, je l'imite. Le repas est prêt. Hélène sort de la pièce et va sur le porche, je la vois à travers la fenêtre. Elle ouvre une boite posée à côté de l'entrée et en sort une cloche.
12h. Le carillon d'une pendule sonne. Hélène fait sonner sa cloche elle aussi, pendant 30 secondes. 2 à 3 minutes plus tard, une fillette de l'âge de 6 ans arrive et se met devant la femme et paraît attendre quelque chose ou quelqu'un. Quelques secondes après, deux garçons de 8 et 10 ans arrivent , avec à leur suite un jeune homme d'une quinzaine d'année à peu près, portant dans ses bras la petite dernière qui avait retenu son père le matin-même. Ils s'arrêtent à côté de la plus âgée des deux filles et présentent leurs mains à leur mère. Celle-ci vérifie minutieusement s'il n'y a plus de tâche. Après la rigoureuse inspection, tout le monde entre et se met à table . Nous mangeons en bavardant joyeusement, quelques fois interrompus par la petite Louise.
12h45. Les enfants sont sortis de table depuis un moment déjà, surement allant faire la vaisselle. Hélène sort de nouveau sur le porche, nous aussi. Les enfants arrivent. Accompagnés d'Hélène, ils nous lançent leurs aux revoirs habituels. J'entends des « à bientôt papa» adressés à Jean-Michel et des « à bientôt Adrien» qui me réchauffent le cœur. Puis nous partons aux travail.
19h30. Nous rentrons, épuisés, mais heureux du travail accompli. Au milieu du village, chacun retourne chez soi. Je suis Jean-Michel. Je ne vis pratiquement qu'avec lui et sa famille. Je ne sais pas faire à manger, sauf le petit-déjeuner. Alors je mange avec eux à tous les repas. Arrivé devant la porte, j'entre , et m'installe dans la cuisine. Jean-Michel essaie de me rejoindre mais Louise arrive en courant et lui saute dessus. Il l'attrape, la prend dans ses bras et la fait tourner dans les airs. La petite éclate dans rire cristallin. On dirait que le monde rit avec elle. Que c'est beau l'innocence d'un enfant...
Il est l'heure. Hélène sort de la cuisine et va sonner la cloche. Le même rituel qu'à midi se produit. Les enfants arrivent, Louise en moins, et présentent leurs mains. Après la vérification, les enfants rentrent et s'installent. La mère suit la petite troupe. Elle sert le repas, et nous mangeons, nous racontant notre journée mutuelle. Le repas terminé je sors de table, salue tout le monde, et part chez moi. Je rentre et fait ma toilette, puis vais me coucher. Le travail n'étant pas de tout repos, une nuit de sommeil ne se refuse pas. Je m'endors en laissant mes pensées se balader...
5h. Je suis réveillé par des bruits d'avions. Des avions, ici ? Il n'en passe jamais. Puis j'entends un sifflement. Un autre. Puis une explosion. Une autre . Non, ça ne peut pas se passer maintenant, pas si tôt !
Les sifflement continuent, les explosions aussi. Une plus violente fait s'ébranler les fondations de la maison.
20 minutes plus tard, le silence se fait. Je sors de ma maison. Je regarde en face, cherchant la famille de Jean-Michel. Un hoquet de peur m'échappe. Il n'y a même plus de maison ! Mes jambes ne me tiennent plus. Je m'écroule sur le seuil de ma maison. Non, ce n'est pas possible ! Ils n'ont pas pu disparaître comme ça ! Ils doivent bien être quelque part ! Mais je dois me rendre à l'évidence , ils ne peuvent pas se cacher dans le petit cratère qui laisse place à ce qui était avant leur maison ! J'étouffe un sanglot.
Je ne verrais plus le sourire de de Jean-Michel lorsqu'il parle de sa famille qu'il adore.
Je ne verrais plus les enfants montrant leurs mains propres, le sourire aux lèvres, sachant qu'ils vont passer un moment avec leur famille complète.
Je n'entendrais plus les au revoirs de la famille avant de partir au travail.
Plus le merveilleux rire de la petite Louise ! Elle n'avait que 4 ans !!
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Nous sommes en 1939, la guerre est déclarée, et plus jamais la cloche ne sonnera.
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Quand la cloche résonnera une dernière fois
Short StoryUn one-shot que j'ai écris il y deux de cela,à lorsque je ressortais bouleversées du mémorial de Caen, en Normandie . J'espère que vous aller apprécier. Note à propos des événements mentionnés dans le texte ( donc si vous ne voulez pas vous spoilez...