16. Chaton, New York et Changement de voie

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Nous sommes interrompus par le bruit de jouet laser que fait la porte. Un client vient d'entrer, il n'est plus temps pour nous de nous emporter, et mon ami me jette un coup d'œil qui semble silencieusement me remercier d'être là, d'être venu lui dire que je voulais l'aider. Il vaudrait peut-être mieux que je le laisse finir de bosser et que l'on reparle de son problème au calme, lorsqu'il se sentira prêt à se confier. Je réponds à son regard par un sourire, et il en force un en retour, un peu crispé, mais qui me rassure.

- Tu m'appelles quand tu veux m'en parler, hein ? Je suis là, tu le sais.

- Je sais, mais il y a certaines merdes que je peux pas te coller au cul, je dois m'en sortir seul et assumer...

Je hausse les épaules.

- Peu importe Alex, torche-toi avec ou sans mon aide, mais n'hésite jamais à la demander, mon aide, je plaisante en m'éloignant à peine de son comptoir.

Il ricane enfin sincèrement, pour une blague de caca, oui, et j'avoue être content de moi. Je continue de m'éloigner, à demi tourné vers le reste de la boutique de jeux-vidéos et produits dérivés. Espérant peut-être qu'il me retienne pour changer de sujet et reprendre une conversation plus légère, ou qu'il me lance quand-même, malgré le fait que j'ai précisé ne pas en vouloir, des excuses ou un merci tout simple, ou un sourire détendu, j'en sais rien, un signe quoi.

- On verra, me répond-t-il en se penchant en avant au-dessus de son magazine, faisant semblant de le lire.

- Tu réussiras pas à fuir, de toute manière, alors prépare-toi à tout me dire, je le taquine avec un sourire en coin.

- Et toi alors... Tu crois que tu vas pas me raconter tes après-m' au parc ? Prépare-toi aussi.

Il garde le regard baissé mais arbore un sourire vicieux.

- P'tit con, je souffle en me retournant enfin pour sortir.

Quand je lui tourne le dos, je n'empêche plus mon sourire de s'étirer, content d'avoir finalement reçu son signe. Je suis heureux qu'on ait enfin pu discuter, Alexandre m'inquiète toujours autant mais je suis rasséréné en me disant qu'il sait qu'il peut compter sur moi. J'espère intimement qu'il viendra vers moi dès qu'il en aura besoin, et qu'il ne s'est pas trop foutu dans la merde. J'espère aussi qu'il sera moins sur les nerfs et que, maintenant, il m'épargnera ses crises de violence. Je ne l'avais jamais vu comme ça. J'ai vraiment peur pour lui.

Je n'ai aucun souvenir de cette Matilda, mais il est sûr et certain qu'elle est liée à son coquard, d'une manière ou d'une autre. Est-ce qu'il la couvre devant moi ? Est-ce qu'il l'aime ? Ou alors je me trompe totalement, peut-être qu'il voulait juste détourner mon attention pour changer subtilement de sujet. Il n'a pas avoué sortir avec cette fille, mais il l'a recontactée, il la fréquente certainement. Cela ferait-il de moi un mauvais ami si j'espionnais Alexandre ? Je n'aurais qu'à guetter si cette fille vient le retrouver à la boutique... Non, je dois lui faire confiance. Il sait qu'il peut compter sur moi, mais il a dit vouloir se débrouiller et assumer ses conneries. Quel genre de connerie ça peut être ?

Quoi qu'il en soit, j'ai le sentiment de ne pas l'avoir beaucoup aidé mais nous avons déjà fait un pas dans cette direction. Il faudra que je pense à rassurer sa mère, la pauvre est aussi inquiète que moi. Pour la première étape de la résolution de mes problèmes, je me suis bien débrouillé, dans l'ensemble. Du moins, Alexandre n'avait plus l'air de m'en vouloir, il est prêt à se confier.

Le lendemain midi, j'emmène ma mère dans un restaurant chinois pour le déjeuner. Elle semble ravie, mais timide. Moi, je suis content mais maladroit, comme si un malaise nous entourait sans vouloir nous lâcher la grappe. Je ne sais plus qui j'ai en face de moi, avant qu'elle ne rentre à la maison, j'avais de ma mère l'image d'une femme qui tente d'être une bonne mère sans pour autant y parvenir, pourtant nous étions assez complices, on pouvait parler de tout, et depuis qu'elle est là... Je ne sais pas qui j'espère avoir à ma table ce midi, je pense que je pencherais plutôt pour un mélange entre la femme paumée et la mère à distance, mais bon...

Juste un SourireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant