Je jetai les dernières arrêtes du poisson dans le seau et me levai, totalement rassasié.
Je m'éloignai un peu du campement pour aller m'assoir sur un gros rocher où j'avais l'habitude de m'installer le soir. De là je pouvais voir les toits des maisons. J'observai souvent le toit de la mienne, je guettais la moindre lumière, le moindre mouvement autour. Mais il n'y avait jamais rien, ils croyaient la maison aussi démoniaque que moi.
-Je crois qu'ils commencent à s'habituer à la vallée, me dit Lizéa en s'asseyant près de moi.
-Non ils s'habituent au fait qu'ils ne sortiront pas d'ici avant un moment. Ils ont peur, regarde leur visage.
Elle tourna la tête et observa nos deux protégés. Malgré leur calme apparent, leurs yeux cernés et gonflés trahissaient une grande panique intérieure. Je me surpris à rire d'eux.
-Ils mourront, affirmai-Je à voix basse. Ils mourront parce qu'ils ont peur et qu'ils ne connaissent que leur petit confort bourgeois. Ils ne comprennent rien aux dangers auxquels on fait face tous les jours. Dans un jour, dans un mois, ou dans deux, ils ne feront pas long feu.
-Comment peux-tu en être aussi sûr ? Moi aussi j'étais habituée à mon petit confort et regarde-moi ! Je suis vivante !
-Tu es déjà venue ici, tu connaissais leur engouement pour la religion, tu entendais les cris la nuit. T'es-tu déjà sentie totalement en sécurité auprès de ton oncle ?
Elle hésita un instant puis secoua la tête. Son oncle était un des pire tordus de ce village. Gentil et doux en apparence, c'était en vérité un pervers psychopathe qui - malheureusement - avait été ami avec ma mère avant sa mort. C'était même lui qui avait divulgué les cachettes installés dans la maison par mon père. Toutes sauf une que mon père n'avait montrée qu'à moi. Il m'avait souvent répété que je ne pouvais faire confiance à personne et que tout le monde me trahirait, et il avait raison, en l'espace de quatre heures je m'étais retrouvé seul au monde, avec tout un village lancé à ma recherche.
Non, définitivement Lizéa n'avait jamais été en sécurité au village, pas plus que je l'avais été. Et pas plus que ma famille ne l'avait été.
-On n'a jamais été en sécurité là-bas, dis-je.
-On n'a jamais été en sécurité nulle part, rétorqua-t-elle tristement.
Elle jeta un caillou qui vint cogner un autre qui s'envola et retomba un peu plus loin dans un bruit sourd.
-Avec moi tu es en sécurité, lui assurai-je.
-Comment je peux être en sécurité avec l'homme que tout un village veut tuer ? Toute cette insécurité, tous ces massacres, toute cette folie Sadan, c'est pour toi ! C'est après toi qu'ils en ont ! C'est à cause de toi qu'on en est là !
Je baissai les yeux vers elle et lui jetai un regard noir. D'ordinaire elle ne s'énervait jamais, était toujours sereine et gentille. Et là elle avait explosé, m'avait balancé toutes les horreurs qu'elle pouvait trouver en pleine figure. Et venant d'elle cela faisait très mal. Depuis trois ans c'était bien la seule à ne pas me détester, à m'apprécier pour qui j'étais et pas pour ce qu'on prétendait que j'étais.
Je me levai et m'engageai sur le chemin montant plus haut sur la montagne.
Entre temps Lizéa avait dû se rendre compte de son erreur puisqu'elle m'appela en m'implorant de revenir.
-Tu sais quoi Lizéa ? fulminai-je en me retournant.Démerde-toi ! Vas-y ! Démerde-toi si t'es pas en sécurité avec moi ! Puisque tout est de ma faute sans moi tu devrais pouvoir t'en sortir en vie !
YOU ARE READING
L'antéchrist - La vallée maudite
ParanormalDepuis ma naissance je vis dans un endroit perdu entre deux massifs montagneux. Ici les gens ont toujours été très attachés à la religion, mais cela n'a pas duré très longtemps. Un jour ils sont devenus complétement fous, leur précieuse religion s'e...