7h32

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                  Je viens de finir ma journée de travail,du moins j'ai été de garde toute la nuit et je suis dans un état lamentable de fatigue, vidée de toute motivation. Mes pieds ont du mal à me traîner jusqu'à mon quai habituel, ce chemin je le connais par cœur. La seule différence c'est qu'aujourd'hui je ne cours pas, aujourd'hui je ne retourne pas tout mon monde pour impérativement arrivée à 7h32 sur le quai pour avoir ce foutu 3508, non aujourd'hui je ne vais pas faire ce que je fais depuis presque un an, juste pour avoir la chance de la croiser et d'avoir mes 18 mn de métro près d'elle. J'ai presque envie de ralentir encore un peu plus pour être certaine de ne pas la croiser ! Je ne dois plus la voir. 

Oh hier c'était tout autre chose, hier je suis misérablement arrivée prés d'elle essoufflé comme un Lama ayant tenté une course de lévriers. Elle m'a regardé étonnée puis a souri, son sourire qui est devenu mon soleil depuis onze mois. Ses yeux étaient eux aussi rieur, il a fallu que j'invente encore une belle excuse pour justifier le fait qu'il ne fallait tout simplement pas que je rate ce wagon.

Je serais incapable de vous dire ce que j'ai pu sortir à ce moment-là, j'étais de toute évidence déjà totalement charmée et sous hypnose perdu dans ses yeux vert, même ses cheveux flottant par les mouvements du métro me font rougir, pour vous dire. Sa voix est mélodieuse et toujours posée, jamais dans l'extravagance ou un genre de déchaînement à l'inverse de moi qui ai plutôt du mal à me canaliser.

Et puis, le bruit strident est arrivé, entre le sifflement et le cri de douleur, j'ai pensé que le métro avait déraillé, j'aurai sans doute préféré ça !J'aurais su quoi faire et intervenir avec mes années de médecine derrière moi. Non il n'a pas déraillé, non ce hurlement venait de mon cœur, je ne sais pas si j'ai réussi à totalement cacher la dissection et ces coups de scalpel qui me tranchaient à l'endroit même de ce maudit organe, je ne sais pas si elle a vu ce qu'il se passait en moi, mais je n'ai pas manqué une seule étoile dans ses yeux quand elle m'a parlé de Costia et qu'elle allait enfin faire sa demande en mariage le soir même. Elle semblait si heureuse, j'avoue ne pas avoir tout entendu, du moins mon attention c'est évaporé pour simplement ne pas mourir sur place et tenir la tête haute.

Je n'avais jamais entendu parler de cette femme qui a priori est sa compagne depuis...Depuis quand je n'écoute pas les gens quand il me raconte leur vie, depuis quand je n'ai pas fais attention a ce foutu détail qui réellement pouvait tout changer...pourquoi ? La vraie question ce n'est pas pourquoi je n'ai pas fait attention c'est comment j'ai pu être si aveugle...Alors aujourd'hui clairement je ne veux pas de ses nouvelles, je ne veux pas la voir, ni même l'apercevoir, je veux simplement être dans le déni.

« On ne sait jamais pourquoi on tombe amoureux de quelqu'un, c'est même à cela qu'on reconnait que l'on aime » Cette phrase vient me réconforter dans toutes mes interrogations. Francis de Croisset s'est-il lui-même posé cette question ?

Je ne suis donc pas la seule, d'autres avant moi on connut cette lancinante question.

Mais quelqu'un a-t-il trouvé la réponse ?

Le tout maintenant est de trouver la solution, il ne me reste que deux choix, l'accepter et vivre avec ou bien faire en sorte que cet organe qui détient tous mes sentiments puisse les effacer, les faire disparaitre afin qu'ils ne viennent plus jamais perturber mon équilibre.

Ça reste délicat, un reboot intégral ne risquerait-il pas de me faire devenir une autre personne ?

Est ce qu'il est possible d'effacer une personne comme ci elle n'avait jamais existé ? Est-il également possible de vivre en aimant une personne qui ne vous aimera jamais ? Il y a, a un certain moment je suppose une perte de soi-même, mais alors la vraie question c'est « pourquoi aimer ? »

7h32Où les histoires vivent. Découvrez maintenant