Papa Maman

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Pour faire plaisir à @Stacyjura et Lisonic1

Papa Maman


Je suis dans cette chambre que je ne connais que trop bien.

Ses reflets brillants sur ce papier-peint bleu, représentant un lac et ses cygnes, les objets n'ayant pas bougé dans ce décor enfantin. Je sais où je me trouve. Un premier frisson me traverse. Ce genre de frisson qui vous donne l'impression d'être malade, un froid perçant qui traverse votre corps intégralement.

Puis, je suis dans le salon avec Maman, devant la télé...Falcor le chien, aboie comme si il avait vu quelque chose, hésitante je regarde tout de même. Je le vois...Cet homme qui m'effraie...Cet homme qui a toujours hanté mes nuits. Je ne sais pas qui il est, grand, cheveux très bien coiffé, entre le châtain clair et un blond foncé, très belle tenue, très grande veste d'un homme d'affaire, une écharpe en laine d'un gris foncé...son aspect simple mais angoissant... Son regard est effrayant, son regard parlant parce qu'il vient chercher quelque chose. Il est là pour quelque chose.

Falcor aboie encore et encore, j'essaie de le calmer. Mais je sais qu'il voit la même chose que moi. Cet homme d'un air paisible qui vient chercher quelque chose. Mais maman ne le voit pas...Alors toujours, toujours paraître normale...Toujours garder le silence.

Je me réveille dans cette chambre que je ne connais que trop bien, les reflets, les objets n'ayant pas bougé...Pourtant un deuxième frisson me traverse. Je suis éveillée, j'ouvre les yeux plus qu'il n'est possible. Je regarde toujours et encore, les objets...Ce pierrot en plâtre, cet archange doré, ce petit chien en poterie de son vernis brillant, la petite collection des livres de poche, ils n'ont pas bougé. Tout semble si normal...Comme si j'y était encore. Troisième frisson, je le sais, je sais que je suis coincée...

Je me retourne dans ce lit qui semble si petit...Mais de l'autre coté de la pièce, ce n'est pas ma chambre, c'est un mur de briques blanche et grise qui se dessinent devant moi...vide de décoration, vide de vie. Un décor en noir et blanc, comme si j'étais dans un mauvais film angoissant des années 40...Vide comme ce sentiment qui me traverse, au fond, je veux me battre mais mon corps ne répond pas.

Je suis attachée, je suis attachée par mon propre corps qui ne répond à aucune de mes demandes, je ne peux pas bouger, je suis figée...Comme un animal dans une cage qui ne trouve plus sa liberté...Sa respiration.

Quatrième frisson, j'ai ouvert les yeux, je sais que je n'aurais pas dû, je vois cette ombre de main qui se penche sur moi, cette ombre noir comme si elle n'existait pas mais elle est bien là et ses gestes sont si réels...comme une encre noir vivante qui se ballade dans l'air. Elle essaie de me fermer les yeux...Je ne suis pas d'accord, je dois voir...Mais elle gagne ! Elle appuie si fort.

J'essaie de lutter comme je peux, j'ouvre de nouveau les yeux, cette ombre de main revient, comme un vulgaire filtre de selfie qui pourrait faire rire mais je ne ris pas. Cette fois elle vient pincer mon nez comme pour m'empêcher de respirer, je l'entend rire de me voir me battre parce que oui je veux vivre. Puis cette main passe comme à travers ma boite crânienne, il sert, il sert si fort mon cerveau...Je veux hurler, ni le son ni mes larmes ne fonctionne. Je suis consciente de ce que je vis mais je n'arrive absolument pas à communiquer et encore moins me débattre. Laisse moi...Laisse moi...

Même si j'ai pu dire le contraire, écoute-moi, entend moi je veux vivre...J'essaie de hurler mais rien ne sort...J'essaie de dire que je veux vivre mais rien. Je n'ai plus de voix, mon propre corps me trahis...Les frissons tombent comme la pluie de mars...Je souffre, je hurle silencieusement car rien ne sort de cette gorge et de ma bouche comme paralysée, je veux fuir. Mais rien ne sort, je suis coincé, dans un étouffement silencieux.

7h32Où les histoires vivent. Découvrez maintenant