1- Le concert

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- Ce que je ne savais pas encore, c'était que ce soir, j'assisterai au concert le plus mémorable de toute ma vie. -

Ce soir, c'est Londres. Il est 17h30, je viens d'arriver dans la file. Il n'y a qu'une soixantaine de personnes devant moi, ce qui m'assure d'être bien placée. Je suis tellement heureuse que le concert ait lieu dans cette petite salle qu'est l'Electric Ballroom, située dans le quartier de Camden que je chéris tant.
Même s'il ne reste que peu de temps avant l'ouverture des portes, l'attente promet d'être longue. D'une part, car nous sommes le 9 décembre et qu'il fait un froid à s'en glacer le sang. De l'autre, car cela fait d'interminables semaines que j'attends de revoir mon groupe favoris : Hybrid.
Inutile de préciser que je passe ce temps en écoutant leurs chansons, en boucle, impatiente de les entendre en live. Ce n'est pas la première fois que j'assiste à l'une de leur tournée mais je ne m'en lasse pas. Les concerts, c'est mon oxygène. C'est ce qui me permet de garder le cap, surtout vu le bordel qu'est ma vie en ce moment.

Après une rupture difficile suite à une relation longue, un job qui m'insupportait, et une famille qui me tirait vers le bas, je n'avais d'autre choix que de repartir à zéro. De quitter la capitale française pour la capitale anglaise. À 25 ans, on mérite bien une seconde chance, non ? Bien entendu, je n'avais pas réussi à laisser mes blessures à la frontière et elles m'ont donc suivie outre-Manche. Ça n'était pas si facile. Se reconstruire, ça prend du temps.

19h30. Les vigils nous laissent enfin pénétrer dans l'enceinte. L'excitation monte alors que j'arrive à atteindre le second rang. J'ai la vue dégagée, je ne vais pas en perdre une miette !

21h. La première partie est terminée. J'attends Hybrid avec une telle impatience que je ne me souviens ni du nom ni des chansons du précédent groupe. Mais vu l'ambiance mitigée, il est aisé d'imaginer que je ne suis pas la seule. Le staff est en train d'installer les instruments. One, two. One, two, check. Tout est en place. Il ne manque plus qu'eux. Je m'impatiente tellement que je tiens difficilement en place. Les lumières s'éteignent, mon pouls s'accélère...

Les projecteurs bleus électriques s'allument enfin. Ils sont là. Et sans attendre, ils entament un premier titre rythmé. Le public est chaud bouillant. Je suis moi-même survoltée et bien décidée à profiter de chaque seconde de cette soirée.
Les chansons s'enchaînent, les pogos fusent et la salle infeste la transpiration. Le groupe est autant en trans que ses fans, la symbiose est impressionnante ! Mon visage affiche un sourire béat, je suis aux anges.

Après toute cette agitation, vient le moment plus creux du concert : les quelques titres acoustiques. Cela permet à tout le monde d'avoir un peu de répit et de recharger les batteries pour la suite du show.
Et alors que Roy, le chanteur, s'installe derrière son piano, une boule se forme dans ma gorge. Je sais ce qu'il va jouer et je le redoute. Les premières notes sortent et c'est déjà douloureux. Les paroles reflètent mon état du moment, cette mauvaise passe que je traverse actuellement.
When you're down on your luck, you're down but that don't mean you're out. No, it don't mean you're out.
Le leader met tout son cœur dans l'interprétation, et je ne peux plus retenir les larmes qui menacent de perler sur mes joues. Je me déteste alors car j'ai peur de passer pour la groupie que je ne suis pas. Mon cœur se serre, ma vision est floutée par mes pleurs. Sa voix me fait vibrer comme jamais. J'essaye de me ressaisir et me frotte les yeux d'un geste rapide, espérant que les personnes qui m'entourent soient bien trop absorbées par cette sublime chanson pour m'avoir remarquée. Je m'en assure rapidement en jetant un coup d'œil aux alentours et mon regard croise alors le sien. Merde... Il doit penser que je suis une putain de groupiasse. Je baisse immédiatement la tête, éhontée. Mais quand je la relève vers la scène quelques instants plus tard, je constate qu'il ne m'a pas quittée des yeux. Merde, double merde... 

Enfin, est-ce bien moi qu'il regarde ?! Après tout, nous sommes à peu près 300 fans au centimètre carré, je ne peux donc pas en être sûre. Je décide finalement de chasser ces pensées pour profiter de la fin de l'événement.

Il n'y a pas à dire, le groupe s'est surpassé du début à la fin. L'ambiance était explosive tant le public était déchaîné. C'était sensationnel ! Je me remets doucement de mes émotions, récupère mes affaires au vestiaire, et quitte la salle. Une fois dehors, je suis les quelques fans qui se dirigent vers la sortie des artistes. Je ressens le besoin de les rencontrer afin de les remercier pour cette heure et demie mémorable. D'autant plus que j'ai du temps à tuer, mon bus étant dans quelques heures. Je vais voyager de nuit direction Manchester, où le groupe se produira demain soir. Car j'ai décidé d'assister à une grande partie de la tournée britannique. C'est un cadeau que je me suis fait avec le peu d'économies qu'il me restait. Ce soir était la première représentation de leur long winter tour. Autant dire que la suite s'annonce prometteuse. J'ai déjà hâte !

Il n'aura fallu que 30 minutes au groupe pour sortir. Nous ne sommes qu'une petite quinzaine, ils devraient donc venir nous voir. Du moins, je l'espère.
Le batteur et le guitariste ne se font pas attendre et s'approchent de notre petit comité. Un couple à côté de moi accepte gentiment de me prendre en photo avec eux. Je remercie timidement les deux musiciens pour cette soirée exceptionnelle et après m'avoir sourit en guise de remerciements, ils passent à la personne dernière moi.
Roy et Robby arrivent à leur tour. Je sens alors la panique m'envahir. Je me souviens des regards échangés avec le chanteur alors que je pleurais et intérieurement, je meurs de honte. J'ai peur de lui faire face et décide donc de me mettre en retrait. Je les observe tout de même de loin échanger avec les autres fans. Ils ont l'air adorables, autant que l'ont été Christopher et Liam juste avant. Et après un dernier au revoir général, alors qu'il s'apprête à rejoindre le tour bus, Roy tourne la tête une dernière fois et pose les yeux sur moi. Dammit. Le rouge me monte immédiatement aux joues. Il m'adresse un rapide sourire puis disparaît dans le véhicule. Wow.

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