2 - Le tour bus

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- Ce que je ne savais pas encore, c'était que cette nuit, je n'allais pas prendre le car que j'avais réservé pour me rendre à Manchester. -

Le tour bus s'éloigne et les fans repartent chacun dans leur direction, le sourire aux lèvres, la tête pleine de bons souvenirs. Quant à moi, je reste plantée là, complètement déboussolée.

Ça voulait dire quoi au juste, ce sourire ? Est-ce qu'il m'avait reconnue ? Est-ce qu'il se moquait de moi suite au concert ? Ou est-ce qu'il s'est juste dit que je devais être une fan timide et m'a donc sourit par politesse ? Bordel, Magdalena, ressaisis-toi ! Tu te prends la tête pour rien... Si ça se trouve, son sourire ne t'était même pas destiné !

De fins cristaux glacés effleurent mon visage et me ramènent à la réalité : il neige ! Il est temps de me mettre en route car j'ai un peu plus d'une heure de marche pour rejoindre la gare routière. Hors de question de prendre l'underground, il me reste encore suffisamment de temps pour m'y rendre à pieds et le fait d'économiser le prix d'un trajet de métro m'arrange bien. En revanche, les flocons commencent à tomber à vive allure et je prie pour qu'ils ne ralentissent pas trop mon voyage nocturne.

À mi-chemin, crispée par le froid et la vue gênée par cette neige incessante, j'ai du mal à poursuivre ma route. J'entends au loin un véhicule ralentir à mon approche. Je commence à angoisser, ce genre de situation n'étant jamais très rassurant, surtout en pleine nuit. J'accélère donc le pas malgré mon manque de force. Mais le bus arrive sans peine à ma hauteur. Le bus?! J'arrête ma course un instant, à la fois surprise et partiellement rassurée. La porte avant s'ouvre.... J'y découvre un Roy au regard inquiet.

Comment est-ce possible ? La température négative aurait-elle finit par me griller les neurones ?

Comme pour me confirmer qu'il ne s'agit pas d'une hallucination, il interrompt mes pensées en entamant la conversation : « Hey, tout va bien ? Il n'est pas très safe de marcher seule la nuit ici, surtout par ce temps... » dit-il en regardant le trottoir recouvert de blanc.

M'a-t-il reconnue ? Ou ce serait-il arrêté quelle que soit la personne ? Je dois partir du principe qu'il ne sait pas qui je suis et que je ne suis pas forcément censée le connaître non plus.

- Merci mais je n'en ai plus pour longtemps, ça va aller.
- Où vas-tu exactement ?
- À Victoria coach station.
Il me fait remarquer qu'il me reste encore une bonne trentaine de minutes de marche et me propose alors de m'y déposer. Me voyant hésiter, il ajoute : « À vrai dire ce n'est pas vraiment une question. Je ne peux pas me résoudre à te laisser là, il fait bien trop froid. Allez, monte ! »
Il m'adresse un sourire rassurant et se décale pour me laisser monter à bord. Je le remercie timidement, sans même oser le regarder, et me glisse dans le véhicule. Je salue le chauffeur au passage et grimpe les quelques marches pour arriver à l'étage supérieur.
Roy me fait signe de continuer tout droit. Je passe devant les nombreuses couchettes, dont certains rideaux sont déjà fermés, et arrive au large canapé qui meuble l'arrière du bus. Je reconnais immédiatement Liam, le bassiste, ainsi que Jason, un de leur techniciens.
- Guys, je vous présente...
- M...Magdalena, murmuré-je de façon à peine audible.   
- C'est une de nos fans. Vu le temps dehors, j'ai proposé de l'accompagner jusqu'à Victoria.

Merde, triple merde, il m'a donc reconnue ! Du concert ou de la rencontre post-show ? Les deux ? Comme si je n'étais pas déjà suffisamment gênée d'être là !

Les deux membres me saluent et Roy m'invite à m'assoir au coin du sofa. Il m'offre ensuite à boire, ce que je ne peux accepter, ayant l'impression que j'abuse déjà bien trop de leur générosité.
Alors que Liam et Jason reprennent leur conversation de leur côté, Roy s'approche et s'accroupit devant moi afin d'être à hauteur de mes yeux et de m'obliger à lui faire face.

- Tu sais, tu ne nous déranges pas, c'est avec grand plaisir qu'on t'accueille ici, me dit-il à voix basse. On ne devrait pas tarder à arriver à la gare.

- Merci beaucoup.

- Tu dois prendre le bus pour rentrer chez toi ?

- Non, je vais à Manchester...

Son visage s'illumine lorsqu'il comprend :

- Tu reviens nous voir ce soir ? me demande-t-il enjoué.

Je lui retourne un timide sourire et hoche la tête, les joues légèrement rosées. Il réfléchit un instant et poursuis :

- Comme tu dois t'en douter, nous y allons également. Donc, tu pourrais rester là si tu veux, nous avons suffisamment de place pour tout le monde. Et ce serait plus confortable pour toi que le trajet en autocar, tu pourrais te reposer pour être en forme pour le concert !

Il accompagne sa proposition d'un clin d'œil pour essayer de détendre l'atmosphère. Bien essayé mais...

 - Je ne veux pas m'imposer plus longtemps...

Il ne me laisse pas finir et me répète que s'il me le propose, c'est que ça ne les gêne pas. Après une courte négociation - plutôt unilatérale - je me résous à accepter. Le chanteur affiche alors une mine victorieuse et me fait signe de le suivre pour me montrer les couchettes libres. J'en choisis une au hasard et il m'indique où se trouve la sienne pour le solliciter en cas de besoin. Je le remercie une énième fois et alors qu'il repart vers le canapé, je me faufile sous la couette sans plus attendre, épuisée par toutes ces émotions.

3h du matin, j'ouvre les yeux. Fichue envie pressante !
Je m'extirpe discrètement de la petite cabine et allume le flash de mon téléphone pour essayer de me repérer dans cet environnement que je ne connais guère. Tout le monde semble dormir, ou presque. Le lit de Roy est encore vide. Je descends les marches pour rejoindre l'étage inférieur. Heureusement, les toilettes sont juste à l'entrée ! Une fois ressortie, je suis attirée par la lumière encore allumée à l'arrière du bus. Je m'avance et y découvre Roy seul, assis sur un autre sofa, une bière à la main.
M'ayant entendue arriver, il me demande :
- Est-ce que tout va bien ? Tu as besoin de quelque chose ?
- Non, merci, ça va. Tu ne dors pas ?
- Je n'arrive pas à trouver le sommeil... soupire-t-il. Tu veux bien rester un peu avec moi ?

Il me pose cette question la tête légèrement inclinée, tel un enfant cherchant à attendrir son interlocuteur. Comment refuser une telle invitation ?

Le ConcertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant