3 - Manchester

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- Ce que je ne savais pas encore, c'est que j'allais passer un moment dans ses bras. -


Je m'installe à côté de lui, les jambes croisées en tailleur. Je me sens nettement plus à l'aise à ses côtés que quelques heures auparavant, lorsque nous n'étions pas seuls. Sa présence est tellement rassurante.

C'est donc assez naturellement que nous avons discuté un bon bout de temps, presque comme deux amis de longue date. A la différence près que nous avons d'abord appris à faire plus ample connaissance, en échangeant quelques banalités. Il n'a pas pu s'empêcher de demander d'où venait mon accent, cette intonation française qui me trahissait auprès des natifs anglophones, mais que ces derniers semblaient trouver charmante au possible. Et puis, la conversation s'est intensifiée, lorsqu'il m'a finalement demandé :

- Qu'est-ce qui a poussé une petite Frenchie à s'installer ici alors ?

J'ai hésité un court instant mais lui ai tout raconté. Il m'inspirait une telle confiance à cet instant précis, que je ne me voyais pas inventer un quelconque mensonge, ou apporter une réponse superficielle. Il est rare que je me confie mais là, j'en ressentais le besoin.

Une fois au bout de ce chapitre de mon histoire, je me sens soulagée, ayant j'ai toujours gardé cette partie de ma vie enfouie. La partager aujourd'hui a comme allégé le poids du boulet que je traîne à ma cheville depuis un long moment. Un trop long moment. Malgré tout, cette confession a forcément fait remonter quelques émotions négatives à la surface, ce qui n'est pas sans affecter mon moral.

Roy m'observe avec compassion et tendresse. Nous nous fixons un moment comme cela, en silence. J'imagine qu'il ne sait pas trop quoi répondre... Peut-être ne s'attendait-il pas à ce que je me confie autant alors qu'on se connait à peine ? En aurais-je trop dit? Il me tire soudain de ma rêverie :
- Airfield.
Il ne m'a toujours pas quittée du regard. C'était donc pour cela, ce silence. C'était le temps qu'il assimile : nos regards échangés lors du concert, ma sensibilité débordante sur le titre en question : Airfield. Cette chanson qui me colle à la peau, qui me touche, qui me comprend et qui me redonne espoir également.
- Ces paroles me parlent beaucoup, répondé-je en un murmure, fermant les yeux pour essayer de contenir les quelques larmes qui tentent de remonter à la surface de mes iris.

Au même moment, je suis surprise par les bras de Roy qui m'enlacent délicatement. Je garde les paupières closes pour profiter de ce moment. Je ne sais pas s'il le sent mais cette étreinte parvient à me calmer rapidement. Le négatif se tait pour laisser place à la douceur de cet instant, à la chaleur réconfortante de son geste.

Ses mais se posent sur mes hanches et d'un mouvement lent, il me fait légèrement pivoter pour que je puisse caler mon dos contre son torse. Je pose ma tête contre son buste, je me sens tellement bien. C'est comme s'il savait quoi faire et comment s'y prendre pour me mettre en confiance, pour atténuer mes peines et panser mes blessures. Je me sens si paisible que je ne me rends quasiment pas compte de la fatigue qui vient me regagner. Je rejoins les bras de Morphée tout en étant nichée dans ceux de Roy. Et ce dernier ne tarde pas à me rejoindre dans un sommeil serein.

- Roy, pssst, Roy, nous sommes arrivés à Manchester.
Une voix m'extirpe soudainement de mon cocon : celle de Liam, qui est venu nous prévenir que nous étions bien à destination. J'émerge à peine et mon premier constat est que je suis dans la même position dans laquelle je m'étais assoupie, à l'exception près que le bassiste nous observe, l'air dubitatif... J'espère qu'il ne va pas s'imaginer des choses... Par précaution, je me décale, ce qui réveille un peu plus Roy, qui n'avait pas complètement émergé. Il semble fatigué, sa courte nuit se lit sur son visage. C'est en partie ma faute, notre discussion ayant probablement duré plus qu'il ne l'imaginait...

Les membres du groupe et du staff s'affairent à rassembler leurs effets personnels pour les transférer dans l'hôtel où ils passeront la nuit. J'en fais de même et n'ayant rien réservé, je me dirige vers l'accueil pour demander à l'hôtesse s'il reste des chambres disponibles.
- Oui, une. Annulation de dernière minute, vous avez de la chance !, m'indique-t-elle en souriant
- C'est parfait, je vais la prendre, merci beaucoup ! Combien vous dois-je ?
Roy, qui s'avance vers le bureau, ne la laisse pas répondre :
- Mettez-la sur ma note !
Il me regarde et accompagne son sourire en coin d'un rapide clin d'œil, tandis qu'il se dirige vers l'ascenseur.
- Mais...
- Cadeau de la maison ! dit-il en tirant sa valise dans l'élévateur.

Je suis bouche bée, et je reste plantée là tandis que j'observe les portes métalliques se refermer. Je me retourne finalement vers l'hôtesse qui m'indique :
- Voici votre badge. Room 313, au 3ème étage.
Je la remercie et remets mon sac de randonnée sur mes épaules. Je prends à mon tour l'ascenseur pour rejoindre ma chambre.
Je pénètre dans cette dernière et fais le tour du propriétaire. C'est à la fois simple et cosy. La fenêtre offre une jolie vue sur la ville. Et le lit m'a l'air d'un confort in-dé-cent. Je m'empresse de le vérifier en me jetant dessus. Oh my..., je vais dormir comme un bébé. Je m'étale dessus telle une étoile de mer et rêvasse un instant.

Je regrette soudainement de ne pas avoir pris le temps de fermer la porte derrière moi lorsque j'aperçois Roy, qui est entré et se retient de rire :
- Je vois que tu es bien installée !
Gênée, je me me redresse, m'assieds sur le rebord du matelas :
- Tu n'aurais pas dû pour la chambre, j'aurais pu la payer !
- Je n'en doute pas mais ça me fait plaisir. 
Je soupire et le remercie, comprenant qu'il n'y aura encore une fois pas vraiment de négociation possible.

- On va se reposer un peu dans nos chambres respectives avec l'équipe et on rejoindra ensuite la salle pour installer le matériel et répéter un peu. Ça te dirait d'assister au soundcheck ?
Il me propose réellement de les voir en répétitions ou je rêve ? J'ai toujours l'impression d'abuser de sa gentillesse mais en même temps, c'est son initiative, je n'ai rien demandé... Son invitation me fait chaud au cœur autant qu'elle me peine : j'ai peur qu'il se sente obligé de le faire, suite à mes révélations nocturnes. Sans m'en rendre compte, je poursuis mes interrogations à voix haute :
- Est-ce que tu as pitié de moi ? À cause de ce que je t'ai raconté la nuit dernière ?
Sa bouche forme un "o" de surprise :
- M...mais...non, pas du tout !

Il s'approche et s'accroupit à ma hauteur. De son index, il soulève mon menton, pour trouver mon regard :
- Je fais ça car j'en ai envie et parce que j'imaginais que ça te ferait plaisir aussi. On traîne tous des blessures du passé. Moi y compris. Et je suis honoré que tu me fasses suffisamment confiance pour avoir partagé les tiennes. Pour autant, celles-ci ne vont pas changer la façon dont je te vois... Mais je peux pas t'obliger à venir si tu ne le souhaites pas...

À son air déçu, presque abattu, je sens bien que j'ai merdé. Mes paroles ont dépassé mes pensées et je le regrette déjà.
Il se montre absolument adorable avec moi, et il faut que je vienne tout gâcher... Quelle idiote !

Le ConcertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant