Mustang

4.

Vendredi 17 Août 2018. 43 rue Cambronne. 15e

La pluie tombait sans s'arrêter depuis qu'elle avait ouvert les yeux. Les journées s'enchainaient et se ressemblaient. Bernard était passé pour de la paperasse à remplir pour l'assurance et la fédé. Ses potes étaient venus le mardi avec pizza et bibine. Ils n'arrêtaient pas de jacasser sur ce qui les attendaient ce samedi à Soisy, ce qui eut le don de l'énerver, la fatiguer et lui donner la force suffisante pour les foutre à la porte sur les coups de vingt-trois heures, avec la force de sa jambe valide.

Elle avait trouvé ça sympa de leur part de s'inquiéter enfin de sa santé et de son estomac et/ou foie en se pointant chez elle pour une soirée pizza-Gran Turismo-Heineken. Mais elle n'avait pas la foi de les entendre dire qu'ils y seraient, eux. Et pas elle.

La vérité, et je ne vous apprendrais rien, était que la présence, même mutique de ce Hakim lui aurait plu un peu. Lui aurait fait du bien. Mais ce con s'était barré après lui avoir ramené la graille, et depuis plus rien. Pour tenter de trouver une explication rationnelle à tout ça, elle se dit qu'il devait être aussi sûrement un patient de l'hôpital qui tuait son temps en squattant dans les chambres de ses semblables. Donc il était encore bloqué là-bas et ne pouvait pas lui donner des nouvelles.

Pas bête, non ?

C'était le premier à l'écouter se plaindre, râler, et ne pas la juger parce qu'elle jurait entre chaque phrase. Et surtout, c'était le premier qui ne s'était pas enfuit en découvrant le côté mec rebelle de Max.

Si vous l'imaginez comme ça, c'est que vous n'avez pas complètement tort. Max était de ces filles qui crachaient sur Vogue, le shopping et le peigne. Max n'avait dans son armoire que des jeans, des sweats, des baskets et des bombers Carhartt qu'elle ramenait d'Allemagne quand elle s'offrait un trip à Nürburg. Et encore, c'était ses fringues du soir et du weekend. La semaine, elle était encore moins apprêtée que ça. Elle se coupait elle-même les cheveux et ne mettait de la crème de jour que lorsque sa peau craquelait l'hiver avec la fumée des pots d'échappement. Elle n'avait jamais regardé Coup de Foudre à Notting Hill et avait du mal à reconnaitre le principe d'utilisation d'un recourbe-cils.

Elle s'extirpa du lit en huit minutes. Ce qui constituait un réel record, comparé aux autres jours. Elle claudiqua jusqu'à la petite salle d'eau jouxtant sa piaule. Elle marchait sur le plâtre, ce qui lui fendait à moitié la plante de son pied. Elle grinça des dents avant de boire une longue gorgée à même le robinet. Avant de la recracher grassement.

Arrivée à la cuisine, essoufflée presque, elle zieuta le calendrier de la fédé sur son frigo. Elle pensa avec amertume au lendemain. Grr, elle se mit à jurer dans sa mini kitchenette en envoyant valser la cafetière qui ne démarra pas. A son grand dam. A la cafetière, parce qu'elle valsa contre la vitre du four. Sans ménagement.

Condamnée à commencer la journée sans sa caféine fétiche, elle allait s'échouer sur le canapé. Sa hanche nue frotta ce qui semblait être du papier glacé. Le Vogue de l'autre zouave. Elle se remit à jurer, gratuitement. Il ne le méritait pas, il avait fait ce qu'il avait pu pour l'aider à affronter ses quatre longs jours dans cette piaule froide et dénuée de style. En le dégageant du canapé, elle vit un papier voler et s'écraser sur le sol, à l'autre bout de la pièce. Elle se releva, en poussant un cri, pour atteindre ce bout de papier. Elle se dit qu'il devait sans doute s'agir d'une réclame pour un abonnement qu'on trouve toujours dans les magazines. Mais il était question d'un ticket de parking, daté de juillet, pour un montant de 18€. Elle ne savait pas trop ce que pouvait foutre un ticket pareil dans ce magazine, mais elle fut attirée par l'encre noire semblables à des pâtés de mouches au dos.