Mustang

12.

Samedi 3 Novembre 2018. Trappes. Virage n°8. En troisième position. Pour l'instant

Pendant la plus longue ligne droite du circuit, Max s'était donnée la permission de penser à Hakim, ce à quoi il penserait s'il la voyait, à frôler le cul de la voiture en deuxième position. En attaquant le troisième virage, à la limite de l'épingle, elle se concentra sur ses pieds qui devaient jongler entre la pédale du frein et celle de l'embrayage. Histoire de drifter en une harmonie parfaite avec la courbe.

Et éviter ce connard de concurrent de Samuel Herro. Il lui collait aux basques depuis le départ, mais elle tenait bon, il bouffait encore sa poussière. Tant qu'elle le voyait dans son retro, c'est qu'elle gardait la 3e place.

Il lui restait encore trois longs tours. Pour conserver sa place. Ou au mieux, gratter la seconde. Puis la première. Elle était là pour ça. Elle s'était entrainée dur pour ça. Et avait mis de côté Hakim pour s'en donner la chance.

Il était présent dans son esprit, jour et nuit. Plus encore ce matin-là, quand elle s'est réveillée, nerveuse et angoissée. Elle pouvait le dire avec certitude, s'il avait toujours été son ami, il serait venu, l'aurait détendu à sa manière. En la laissant gagner à Call Of ou Streetfighter. Puis en lui promettant une glace au Jack le tout surmonté d'un énorme tacos au guacamole.

Malheureusement, affreusement seule dans son petit appart, elle avait dû se détendre seule. À l'aide de musique, en se saignant les oreilles sur sa dernière découverte rock garage. De son boulanger qui lui vendit une montagne de croissants au beurre et d'un macchiato supplément chocolat.

Bernard n'en saurait rien, sinon c'est clair qu'il aurait crisé à la folie. Quand il lui demanda ce qu'elle avait pris pour le petit-déjeuner, elle répondit simplement « des pâtes avec des œufs durs, des noix et un thé léger ».

En arrivant sur place, vers dix heures ce matin, pour terminer les préparatifs techniques pour débuter la course sous les meilleurs auspices possibles, elle senti ses boyaux se tordre. En cachette, elle alla vomir. Et piqua le sandwich offert à Bernard par les organisateurs de la compétition. Requinquée, elle s'était élancée sur la piste pendant les trois tours de chauffe avec enthousiasme et niaque. Elle devait absolument gagner. Son père la regardait depuis là-haut, il criait sans doute après elle pour qu'elle passe le virage 4 comme dans du beurre.

Elle connaissait par cœur le tracé du circuit, elle les avait passés et repassés jusqu'à en rêver la nuit.

Ça laissait peu de place à Hakim dans ses pensées. Mais dans cette ligne droite, avant d'attaquer la courbe infernale, celle qui dirait si oui ou non elle peut espérer remporter la course, en la passant ou en la loupant, elle avait laissé le kabyle prendre place dans son cerveau.

Focus pourtant sur le bitume, et ce micro nid de poule à droite en rentrant dans le virage, elle pensa à lui, à ce regard profond qu'il avait lorsqu'il lui avait ouvert son cœur. C'était comme ça qu'elle le voyait. Hakim n'était pas venu simplement s'excuser. Il avait aussi avoué ses sentiments pour la jeune pilote fougeuse qui...

Putain, il est passé crème ce virage, elle venait même de passer deuxième !! Pardon, je m'emporte, je me prends pour un speaker.

Donc, on se reprend. Le « nous deux » revenait sans cesse en tête chez Max. Fallait qu'elle arrête de se voiler la face. Hakim était devenu plus qu'un simple ami. Ça compliquerait sans doute tout. Mais elle le voulait auprès d'elle. Pour tous les jours. Parce qu'elle en avait besoin. Et qu'il avait besoin d'elle, c'en était certain. Il l'avait reconnu quand il était à l'autre bout du monde, loin d'elle. Et ce n'est certainement pas ce one-shot cette nuit-là avec cette costa-ricaine qui allait le faire changer d'avis. Il voulait savoir ce que ça ferait de partager plus qu'une simple partie de PS avec Max. Sentir son petit corps sous le sien, le laisser l'envelopper autour de ses membres musclés. Panser les plaies de la jeune fille par sa présence, des baisers brûlants ou des étreintes charnelles puissantes.