"Cher" John

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John,

Je n'ai pas le courage de commencer cette lettre par « Cher John ». Cela fait longtemps que je ne suis plus légitime pour ce genre de familiarité. Je ne l'ai jamais vraiment été, je n'étais et ne suis pas très démonstratif. Sache que tu as pris une place importante dans ma vie dès notre première rencontre. Je pourrais te réciter notre première joute verbale dans les moindres détails avec une précision qui t'effraierait surement. J'aurais dû prendre une photo de ton visage effaré devant un personnage aussi « excentrique » que moi ! Enfin bref, je m'égare. Toutes les personnes qui m'ont connu avec et sans toi diront que je n'étais pas la même personne. Je veux dire par là, que tu m'as changé. Considérablement. Tu es le seul à m'avoir supporté aussi longtemps ! Sans rire, tu es une exception si on considère que Mycroft est un peu obligé par son rôle de grand frère. Alors que toi, tu es resté de ton plein gré, enfin je crois ou plutôt j'espère ! Je reconnais que j'ai été bien trop souvent exécrable avec toi et pourtant tu n'as cessé d'être mon ami, de me supporter au quotidien.

D'ailleurs ce quotidien, tu l'as rendu plus léger et agréable. Nous résolvions des meurtres, certes, mais dans ce qu'on pourrait appeler : « la joie et la bonne humeur ». (C'est la seule expression que j'ai trouvé, même si je ne peux m'empêcher de la trouver particulièrement enfantine, pour ne pas dire idiote.) Nous formions un drôle de duo et pourtant je n'aurais changé de coéquipier pour rien au monde ! Mener une enquête m'a toujours parut être un travail solitaire – si on oublie les membres du Scotland Yard incompétents, les suspects qui se croient plus malins que vous et la victime impassiblement muette, (ce qui est logique puisqu'elle est morte !) – et encore une fois tu m'as prouvé le contraire. Tu avais un autre regard que moi, un peu moins scientifique et analytique que moi. De nombreux détails t'échappaient alors qu'ils me sautaient aux yeux et d'autres se révélaient être une évidence pour toi pendant qu'ils demeuraient invisibles pour mon esprit.

J'ai toujours été attiré par la science, préférant les faits aux humains. Me considérer comme une machine me permettait d'oublier mes sentiments. Mon intelligence supérieure ne m'aide pas beaucoup dans les relations humaines et ça depuis ma plus tendre enfance. Mais avec toi, je réussi peu à peu à laisser tomber mon masque de mépris et d'indifférence. J'ai enfin compris que les sentiments peuvent être parfois bénéfiques – ou pas d'ailleurs, la tristesse, la peur ne sont pas des sensations que j'affectionne particulièrement – et qu'ils ne riment pas forcément avec faiblesse.

Enfin bref, tout ça pour dire que je n'ai pas envie que notre amitié se finisse. Tout ce que j'ai pu dire pendant note dispute n'était que mensonges. Je regrette sincèrement d'avoir été si secret et surtout de ne pas t'avoir informé de mes plans concernant Moriarty. Cette simulation de décès ne doit pas gâché ces années d'amitié.

Baker Street est bien triste sans toi, reviens.

SH

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