Le Destinée du Ponant avançait lentement cent cinquante pieds au-dessus de la surface de l'eau, poussé seulement par ses voiles latérales. L'océan était calme, le ciel bleu délavé d'un lendemain de pluie voyait errer quelques nuages gris blancs. Il faisait frais dans cette partie de l'Empire, au nord des iles Couchant, pas loin de la frontière avec les terres glacées et barbares de Nilferein-brath.
Le navire survola lentement le charnier avant de descendre au milieu d'un vol d'oiseaux piaillant de rage qu'on les dérange. Sur le pont le professeur Parnacel ne perdait pas une miette du spectacle. Il n'avait jamais vu cela et n'avait trouvé trace d'une telle chose dans aucun des livres, même les plus anciens de la bibliothèque de Digosy. C'est la première fois qu'autant de cadavres de Typhon étaient réunis.
Il faisait partie des rares personnes à savoir que quelques dépouilles avaient déjà été découvertes au fil des siècles. L'Empire en avait profité largement. Mais elles étaient rares, souvent des Typhons morts de vieillesse, au corps décharné et mangé par les requins. Rien de semblable à ce qu'il avait devant les yeux.
Plus de dix Typhon émergeaient de l'eau. Ils étaient plus ou moins regroupés, certains étaient mutilés et plusieurs morceaux flottaient, dispersés de ci de là. C'était à la fois morbide et fascinant. Plusieurs cadavres étaient regroupés en un amas noir où venait se poser les mouettes, d'autres erraient en à gauche et à droite de cette ile de chaires mortes.
« Alors, vous en pensez quoi Professeur ? »
Le capitaine Bornarde fixait le charnier avec un semblant de détachement. Il l'avait découvert lors d'une patrouille cinq jours plus tôt. Il avait immédiatement fait un rapport à sa hiérarchie et les choses étaient allées très vite. Le lendemain il revenait sur place avec un zoologiste impérial présent en permanence à Flanteros, puis il avait transporté une barge et une équipe de spécialistes. Et aujourd'hui, il convoyait un professeur venu tout droit de la capitale. Bien sûr, il connaissait le devoir de réserve et, en bon officier de l'empire, savait obéir sans poser de questions mais il voulait savoir. Les rumeurs les plus folles couraient parmi l'équipage et il avait besoin de réponses pour pouvoir les faire taire.
Parnicel connaissait l'importance de la découverte et il était au courant du discours officiel mit en place par les services de l'Académie Impériale dont il était le plus éminent représentant.
« J'en pense que ce sont des baleines noires, capitaine.
-Mais les baleines noires vivent plus au sud, plus loin que les iles Septentrions.
-Tout à fait. Elles ont dû s'égarer et venir mourir de froid ici, répondit Parnicel. Quelle tragédie, ajouta-t-il sur un ton à peine trop monocorde ».
Il ne s'étonna pas que Bornarde et ses hommes ne reconnaissent pas les animaux qui flottaient dans l'eau. Rare était les azurins à avoir vu un Typhon et à être encore en vie pour le raconter. Ses monstres étaient plus que des mythes. Avec le temps, ils étaient devenus des porteurs de malédictions. En fait, peu d'azurin osaient aller affronter une tempête. De tout temps des légendes couraient sur des monstres vivants dans les orages. Des contes pour enfants, des histoires de marins perdus dans un ouragan. Une mythologie qui venait de la nuit des temps. Mais la découverte des Faiseurs de Champs avait tout changé. Des azurins intrépides voulurent savoir. Des hommes d'affaires, riches et bien informés montèrent aussi des expéditions. Il y eu une course à la capture du monstre des nuées. Mais, malgré le courage, malgré les sommes astronomiques investies dans des bâtiment puissamment armés et caparaçonnés, aucun animal ne fut rapporté. Pire, aucune expédition ne revint jamais après être entrée dans une tempête. En quelques années, plus de deux cent cinquante bâtiments furent portés disparut. Puis un décret impérial interdit à tout navire de pénétrer dans un orage. L'Académie Impériale ayant le monopole des Faiseurs de Champs, le moindre soupçon déclenchait immédiatement le retrait de la technologie de vol du bord. Ce qui n'empêchait pas quelques azurins avides d'argent de tenter encore l'aventure en toute illégalité. Malgré tout, l'animal restait mythique. La majeure partie de la population ne croyait pas en son existence et le fait que jamais personne n'ai pu en ramener un vivant ou mort confirmait la chose.
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La Mère des Tempêtes
FantasyEt si au coeur des tempêtes vivait un monstre ? Et si ce monstre devenat fou ?