Ce qui nous reste. {TERMINÉE}

XV

2016

Le froid s'insinue partout. Sous les mailles des gros pulls, c'est comme si leurs membres étaient gelés, comme si respirer n'envoyait que de la buée. Dire qu'on est en plein été. L'Ecosse leur renvoie une image fade, décolorée du pays majestueux qu'il est.

Sam ne fait que râler, Wanda ose à peine rêver, Clint et Scott aiment se bagarrer, Natasha les regarder. Et Steve ne fait que penser.

Il voit roux. Roux le sang qu'il a fait couler, roux les pulsations de son cœur qui lui éclate la poitrine. Il marche un pied au bord du vide.

Il la regarde parfois et il peut presque la voir danser. Tous ses mouvements sont coordonnés. Y a que la grâce qu'on ne lui a pas accordée quand il se dit qu'il pourrait tomber à ses pieds. Bien sûr elle ne l'a pas vu, elle est vissée sur son vécu.

Il se souvient des cartes de Captain America comme d'un délicieux premier pas. Il lui avait balancé son passé, comme s'il voulait qu'il n'y ai aucun secret. Elle avait les yeux ronds d'une enfant, l'envie d'avaler le monde, comme si rien ne lui avait été épargné.

Roux les cheveux qu'il aimerait voir glisser entre ses doigts. Roux la couleur de sa voix contre sa joue, la chaleur de ses pas sur sa route.

- Tu penses à quoi ?

Elle est là, un pas derrière son épaule et déjà les frissons qui courent contre sa peau ne doivent rien au degré qui frôle le zéro.

- Je pensais à Bucky.

Elle hoche la tête, et c'est comme ça, pas besoin de mot entre ces deux-là, y a juste besoin d'éclat. Le monde voudrait s'aligner pour le moment il n'y parvient pas.

- Si tu pouvais remonter le temps, à un endroit précis, ce serait quoi ?

- Un seul choix ?

- Evidemment.

- Tu es dur. Il y en a tellement.

- Fais un effort, Natasha.

Elle sourit doucement. Elle aime ça quand il dit son nom en entier, c'est tout le sérieux que prend la situation, comme si d'un coup, les sourires étaient balayés et qu'il fallait garder tout son aplomb. Nat pour la tendresse, Natasha pour le sérieux, Romanoff pour le reste.

- Je pense que je choisirais le moment où j'ai rencontré Clint.

Barton. Bien sûr.

- Il a changé ma vie, grâce à lui j'ai su que je n'étais pas seulement un assassin bien dressé mais que je pouvais être pleine de liberté.

- Tu le revivrais ? Ce moment...

- Inlassablement.

Elle s'approche de lui. Il n'a pas bougé.

- Toi ? 1940 je suppose... Et Peggy ?

Peggy ? Il y a longtemps qu'il n'y a plus pensé, plus comme autre chose qu'une vieille amie à présent partie. Une page de son passé qui a infiniment compté.

- 1925, dit-il. Ma rencontre avec Bucky. Je me faisais tabasser dans la rue, le gars est sorti de nulle part et il a filé une bonne correction aux types qui s'en prenaient à moi, il n'avait pas peur, ils étaient cinq contre lui. Je donnerais cher pour avoir de nouveau ce sentiment, la gratitude mêlée à de l'admiration.

- J'ai encore du mal à t'imaginer ainsi, frêle et sans défense.

- C'est parce que tu ne m'as pas bien regardé, je suis toujours ce gamin-là.

- C'est faux, Steve, tu es tout sauf ce gamin-là.

Il secoue la tête.

- J'aurais aimé te rencontrer à ce moment-là, sans la bannière étoilée. Je donnerais cher pour savoir l'impression que j'aurais eue, la première fois.

- Les filles comme toi ne s'arrêtaient pas sur les gars comme moi.

- Tu serais étonné, de savoir les gars que j'ai fréquentés. Et sur qui je me suis arrêtée. Alexi mon mari, était un timide dégingandé à l'assurance effacée.

- J'aurais dû m'en douter.

- Que j'aimais les gars comme ça ?

Un frisson qui galope sur sa peau...

- Non, que tu étais beaucoup plus que ça.

- Tu n'as pas encore assez bien regardé.

Un baiser contre soi, la joue en émoi.
Roux la couleur de ses cheveux contre son bras.