— Et Susan ? Elle est bien arrivée ?
— Sans problème. Son avion s'est posé parfaitement à l'heure. Notre ambassadeur au Mexique voyageait avec elle et sera donc ponctuel lui aussi. Tout va bien de ce côté, Harriet.
Je hoche la tête, soulagée. Agnes et moi sommes en train de faire un bilan de la situation à quelques heures du mariage de Jane, et pour l'instant, aucun écueil est à signaler. Je ne suis pourtant pas sereine : un nombre impressionnant d'obstacles peuvent encore survenir, d'un incident diplomatique lors du placement des invités à une averse acide imprévue en passant par un sujet mécontent décidant de jouer les trouble-fêtes...
Depuis trois ans, je vis en permanence avec ce genre de soucis : ils accompagnent fatalement la couronne. Parfois, je me demande bien quelle mouche m'a piquée lorsque je me suis portée volontaire auprès de mes sœurs pour prendre la succession de Victoria II. Mais la plupart du temps, je me rassérène en me disant que l'un dans l'autre, je ne m'en sors pas trop mal.
Par bonheur, je ne suis pas seule pour supporter le poids du pouvoir. Je ne sais pas comment je parviendrai à rester debout sans l'aide de celle de mes sœurs qui m'est devenue indispensable : Agnes. Elle est ma plus proche conseillère depuis mon accession au trône, et nous formons un fantastique binôme toutes les deux. Du temps du bunker, sa spécialité était la géopolitique, et chaque jour, elle démontre que ce n'était pas pour rien qu'on l'avait choisie pour maîtriser ce domaine épineux : elle a un vrai instinct pour comprendre les tenants et aboutissants d'une situation et l'appréhender dans sa globalité, et ses exposés sont toujours d'une clarté étonnante. En revanche, elle préfère l'ombre à la lumière, et il lui manque ce charisme, cette vision brûlante qui sont si nécessaires pour se faire aimer d'un peuple. Ces qualités, c'est moi qui les possède, à ce qu'il paraît : j'ai encore du mal à admettre que la petite Harriet, la défigurée, le vilain petit canard parmi les clones, est devenue Sa Majesté Harriet Ière, et que tant de gens me voient comme une figure de proue, une porteuse d'espoir. Bien sûr, lorsque j'ai proposé ma candidature auprès de mes sœurs pour devenir reine, une flamme au fond de moi m'y poussait, mais je n'imaginais qu'à grand-peine qu'elle serait capable de réchauffer un pays entier.
Heureusement pour moi, je me sous-estimais.
Je suis fière de ce que j'ai accompli au cours des trois années qui se sont écoulées. Paradoxalement, mon plus gros chantier en tant que reine, c'est de tout mettre en œuvre pour que la Grande-Bretagne n'ait plus besoin de moi à terme. Agnes et moi tentons de rendre progressivement au peuple le pouvoir que Victoria II lui a confisqué suite aux troubles qui ont coûté la vie à son époux, pour que ce pays redevienne la démocratie qu'il était autrefois. Nous augmentons progressivement les compétences des élus, qui avaient été réduits au statut de marionnettes du temps de notre grand-mère. Mais la transition ne peut qu'être lente : l'équilibre de la nation est fragile, et des changements trop rapides pourraient le briser sans espoir de retour.
En attendant, ma priorité, c'est d'améliorer les conditions de vie de la population dans sa globalité. Et je compte déjà plusieurs victoires : ma plus grande fierté récemment a été de pouvoir déclarer lors de mon discours à l'occasion du dernier Nouvel An qu'aucun décès lié aux pluies acides n'avait été recensé dans le pays au cours des douze mois qui venaient de s'écouler, grâce aux mesures de prévention et de renforcement des infrastructures qui ont été mises en œuvre depuis le début de mon règne. Grâce à de telles avancées, je suis populaire – pour le moment. Je sais bien que le peuple peut être ingrat, et ce n'est pas parce que j'ai connu quelques succès que je peux me permettre de me relâcher. De toute façon, j'ai juré il y a trois ans lors de mon couronnement que je servirai mes sujets jusqu'à ma mort.
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Mariage royal [Bonus à Royales]
Short StoryTrois ans après la fin de Royales, que sont devenues May et ses sœurs ? Les voici réunies à l'occasion d'un mariage pour faire un dernier bout de chemin avec vous, lecteurs... Ce bonus ne peut être lu indépendamment de Royales, livre publié aux édit...