Chapitre 3 - Monica Seymour

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 En une série de petits gestes secs, je viens lisser ma robe bleu canard. Je porte rarement une tenue aussi élégante que celle que j'ai revêtue aujourd'hui et je ne suis pas parfaitement à l'aise avec. Et ne parlons même pas du chapeau perché sur mon crâne... Moi, j'ai bien davantage l'habitude de vêtements sobres et fonctionnels.

Mais pour Jane, que ne ferais-je pas ?

C'est avec une immense fierté que j'ai pris place il y a quelques minutes aux premiers rangs de la cathédrale de Westminster, dans la section réservée à la famille de la mariée. Quelques autres anciens employés du bunker sont dispersés dans l'assemblée ; j'ai salué ceux que j'ai croisés en arrivant, et j'espère que j'aurai l'occasion de discuter plus longuement avec eux dans la journée pour avoir de leurs nouvelles. Pour ma part, je suis à la retraite : notre nouvelle reine, Harriet Ière, a décrété qu'après dix-huit années au service continu de ses sœurs et elle, j'avais bien le droit à du repos. J'aurais pourtant continué à travailler pour elles si elles me l'avaient demandé ; mais chacune de mes seize petites vit sa vie de son côté désormais, et c'est sûrement mieux ainsi.

Les souvenirs du jour où Jane m'a appelée pour m'inviter à son mariage me reviennent, et je soupire, tentant de contenir les larmes d'émotion qui me picotent les yeux. A ce rythme, je sens que je vais me laisser submerger avant même l'échange des vœux...

Je m'attendais plus ou moins à être conviée à la cérémonie le jour où mon téléphone a sonné ; mais je croyais que je recevrai un carton officiel, de ceux envoyés en masse. Entendre la voix de Jane a donc été ma première surprise... mais pas la dernière. Je l'avoue, j'ai pleuré lorsqu'elle m'a affirmé que dans son existence atypique, j'avais été ce qui s'était le plus rapproché d'une mère : Alison de Galles, m'a-t-elle dit, elle l'avait si peu vue qu'elle ne comptait pas à ses yeux ; quant à Victoria II, c'est bien plutôt de la haine que de l'affection qu'elle entretenait à son égard. Elle m'a annoncé qu'elle ne voyait pas son mariage sans moi – ni celui-ci, à Westminster, ni celui qui a eu lieu en plus petit comité il y a un mois – et qu'elle tenait vraiment à ce que je sois présente.

Évidemment, je lui ai répondu que je viendrais. Car si Jane me voit comme un substitut de mère, moi, je considère chacune de mes seize petites clones comme mes filles.

Je me redresse et jette un regard attendri à celles d'entre elles qui sont déjà arrivées et se sont installées non loin de moi. Charlotte, qui prépare sa participation aux prochains Jeux Olympiques en équitation. Madeline, qui a lancé sa start-up il y a quelques mois. Caitlin, qui s'apprête à passer les concours pour devenir avocate... Que leurs trajectoires sont différentes désormais ! Quelles belles jeunes femmes elles sont devenues !

Je me souviens comme si c'était hier de ma première rencontre avec elles. A l'époque, je travaillais aux services secrets depuis plusieurs années déjà, et j'étais considérée comme prometteuse. Il était connu de mes supérieurs que ma vie personnelle en dehors de ma carrière se réduisait à peu de choses : mes parents étaient décédés de la reliquarose quand j'étais très jeune, je n'avais pas ni frères, ni sœurs, ni petit ami... Bref, rien qui me rattachait vraiment au monde extérieur.

Un beau jour, mes supérieurs ont commencé à tester ma loyauté. Par des tests en apparence anodins, tout d'abord : allais-je répéter à mes collègues telle ou telle information qu'ils laissaient échapper ? Etais-je capable de mentir de manière convaincante pour protéger un secret ? Ils sont allés de plus en plus loin, allant jusqu'à mettre en scène mon enlèvement par une puissance étrangère. Mais même sous la torture – je n'emploie pas ce mot abusivement, j'ai encore des cicatrices liées à cette période et j'ai bien cru que ma dernière heure était venue – je n'ai rien dit. Absolument rien.

Mariage royal [Bonus à Royales]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant