Le magasin

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Le lendemain, je me réveillai sous les secousses frénétiques de mon meilleur ami qui ne cessait de répéter mon prénom jusqu'à ce que j'ouvre les paupières. Je lui demandai l'heure avec la magnifique voix cassée et amorphe du matin. J'avais l'impression de ne même pas avoir dormi. Il m'annonça avec un grand sourire qu'il était "déjà huit heure"... déjà. Lorsque nous avions douze ans, je pouvais concevoir que huit heure était tard pour nous mais à seize ans, je n'avais plus l'habitude ! Je m'obligeai tout de même à sortir de mon duvet si confortable, de toute façon je savais que Gon ne pouvait me lâcher si je ne me levais pas et puis, je n'allais pas faire une grasse matinée alors que j'étais enfin avec mon meilleur ami ! Mon meilleur ami... je restituai rapidement les souvenirs de la soirée dernière... Est-ce que ce qu'il s'était passé était normal pour des meilleurs amis ? Ce à quoi j'avais pensé ? Ce que j'avais ressenti ? Je ne savais pas. À vrai dire, j'avais tout sauf envie de repenser à cela à ce moment. Je rejetai bientôt ces pensées qui me préoccupaient et descendis avec Gon prendre le petit déjeuner. Il était déjà préparé et attendait juste à être mangé. Je m'assis à table et commençai à siroter un délicieux chocolat chaud. Gon me regardait manger car, évidemment, lui avait déjà pris son petit déjeuner depuis plus d'une heure. Après ce bon repas qui entamait une bonne journée, nous sortîmes de la maison et Gon me demanda de le suivre sans me donner plus d'explications. Je fis donc ce qu'il m'avait demandé et après une bonne demie heure de marche, nous arrivions au cœur du seul espace urbain de l'île. Les rues étaient pavées et une série de maison s'étendaient aux côtés de celles-ci. Parfois, je pouvais reconnaître quelques commerces comme une boulangerie, une épicerie, un bric à brac avec pleins d'objets de toute sorte et même un café, ce qui m'étonna, moi qui croyais qu'il n'y avait vraiment rien sur cette île. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi Gon m'avait amené ici, lui qui préférait sans aucun doute la nature à la ville. Bien que ça n'était pas vraiment le mot approprié pour catégoriser ce seul espace "civilisé". Finalement, j'osai briser le silence qui s'était installé depuis que nous étions sortis de la maison, trop curieux pour attendre que Gon se décide à m'expliquer :

- Tu comptes aller où comme ça ? C'est pas vraiment ton style  d'aller dans la ville.

- Tu verras ! me répondit-il sur un ton qui se voulait mystérieux.

Ça m'avançait bien cette réponse... Ce n'était pas non plus le genre de Gon, d'ailleurs, de cacher des choses. D'habitude il n'arrivait jamais à garder le mystère et ça se voyait très bien à son ton mystérieux complètement raté.

Il s'arrêta finalement devant une petite échoppe à la devanture miteuse donnant l'impression d'un endroit abandonné depuis déjà bien longtemps, rien de bien accueillant.

- C'est quoi ça ? Demandai-je avec une once de dégoût dans la voix, montrant dédaigneusement cette bicoque du doigt. 

- Arrête de poser des questions et entre !

Il me poussa alors dans le dos et j'entrai brusquement dans le magasin, en ouvrant violemment la porte pour ne pas me la prendre en pleine figure. Un petit carillon sonna, signe de notre entrée dans ce magasin. Il ne devait pas sonner très souvent, ce carillon. Dès la porte passée, une violente odeur de moisi m'agressa les narines et la poussière, présente en très grande quantité, me fit éternuer à plusieurs reprises et me picota les yeux. 

- Gon c'est quoi cet endroit ? L'agressai-je, légèrement agacé. 

Gon m'intima de me taire et me montra des yeux le fond de la pièce. Je suivis son regard et me rendis alors compte qu'il y avait la vendeuse de cette échoppe et qu'elle me fixait maintenant avec des yeux réprobateur et méfiant comme si elle me voyait comme un insolent -ce que j'étais peut-être- mais aussi un délinquant qui s'apprêtait à voler quelque chose. Je baissai la tête, gêné d'avoir parlé aussi fort. D'ordinaire, cela ne m'aurait rien fait et j'aurais même trouvé la situation humoristique mais à ce moment, avec cette ambiance pesante installée par ce lieu, j'étais juste extrêmement mal à l'aise. Il faisait sombre dans tout le magasin, les rideaux étaient fermés, qui savait pourquoi, et la seule lumière présente provenait d'une petite ampoule sans abats-jour diffusant une lueur blafarde qui n'éclairait même pas l'entièreté du magasin. Gon salua tout de même la vendeuse qui s'avérait être une femme d'un grand âge avec des rides dans chaque recoin de sa peau. Elle était courbée et portait une vieille robe jaunâtre rafistolée de toute part, tâchée et froissée. Pourtant, elle dégageait une grande fierté qui forçait instinctivement le respect. Contre une vieille, j'avais l'impression d'être en position de faiblesse et je n'aimais pas ça du tout.

Happy New Year [KilluGon]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant