Papa, maman, et moi.

Papa

17h08

Tous mes camarades sont rentrés chez eux et maman n'est toujours pas là. Maman sait à quel point je déteste me sentir seule et oubliée, habituellement maman fait toujours en sorte d'arriver avant la sortie des classes, mais aujourd'hui maman n'est pas là, je suis la dernière sur ce maudit banc.

Les minutes passent comme des heures et maman n'est toujours pas là, mais, je sais qu'elle ne m'a pas oublié, maman ne m'oublierais jamais.

La maitresse m'apelle m'informant que quelqu'un est finalement venu me chercher, le sourire aux lèvres j'attrape mon sac et cours en direction de la sortie, je veux sauter dans les bras de maman et qu'elle me fasse tourner encore et encore jusqu'a ce que nos têtes n'en puissent plus.

J'ai tellement hâte de la retrouver, de sentir son doux parfum fruité, de lui raconter ma journée, d'entendre son rire mélodieux, de l'écouter me raconter son enfance, et pleins d'autres choses encore! Tous les moments que je passe avec maman sont merveilleux.

Je m'arrête dans mon élan lorsque je m'aperçois qu'aujourd'hui c'est papa qui est venu me chercher, c'est papa qui se tiens devant le portail de l'école, c'est papa qui est là debout et qui m'attend mon goûter à la main.

« -Elle est où maman?

-Elle est fatiguée, elle t'attend à la maison. »

C'est vrai qu'hier fut une dure soirée pour ma petite maman, d'ailleurs, papa n'y ait pas pour rien. Selon lui, le plat qu'elle avait passé des heures à cuisiner avec amour était trop chaud, papa bouillonnait de colère, il s'est mis a hurler, ses cris résonnaient dans tout l'appartement, j'étais tout aussi apeurée que maman qui restait immobile.

À un moment papa s'est arrêté d'hurler, et dans cet inquiétant silence il attrapa son assiette avant de la verser entièrement sur les cuisses tremblantes de maman pour lui prouver qu'en effet, le plat était trop chaud.
Après ça maman s'est excuser, mais, papa ne l'a pas laisser rejoindre la salle de bain avant d'entendre qu'il avait raison.

« -Mais, je suis là moi, c'est bien non?

-Oui. »

En réalité je ne sais pas si je suis heureuse qu'il soit venu me chercher, j'aurais peut-être même préféré attendre quelques heures de plus sur ce malheureux banc de solitude.

Papa me propose d'aller au parc comme j'en ai l'habitude avec maman. Ai-je réellement le choix? Biensur je pourrais répondre "non", mais j'ai bien trop peur de l'énerver, et je sais qu'en rentrant il le ferait payer à maman, alors, pour maman, j'accepte en espérant que ce soir au moins il l'épargne.

Main dans la main papa et moi avançons vers le square. Mon lacet se défait et je manque de tomber, papa le remarque et s'accroupis instantanément avant de me demander de poser le pied sur son genoux. Ces mêmes mains qui quelques jours plus tôt enlaçaient le faible cou de maman jusque lui couper le souffle sont en ce moment entrain de lacer mes chaussures pour me protéger d'une chute qui pourrait m'être douloureuse. Je regarde papa attentivement, il est souriant et m'explique avec douceur comment attacher mes chaussures.

À cet instant précis mon regard se fige sur la bonne mine de papa. Qui est papa? Qui est vraiment mon papa? Est-ce qu'il est cet homme qui me protège de tout mal qui m'entoure, ou bien, il est cet homme à l'origine de mes pires cauchemars? Peut-il être les deux? J'en doute.

J'ai toujours pensé qu'il existait seulement deux types de personnes, les gentilles et les méchantes, du moins c'est toujours le cas dans les histoires que maman à l'habitude de me raconter. Mais papa, lui, je ne sais pas vraiment qui il est. Une chose est sûre il n'est pas aussi bon que blanche neige, mais, est-il aussi mauvais que la sorcière ?

Je réfléchis et repense à toutes ces rares fois où papa a fait naître un radieux sourire sur le visage de maman. Il lui arrive, parfois, d'offrir des roses rouges à maman, ce sont ses favorites. Mais, à peine ces roses ont elles le temps de faner que papa change d'humeur.
Je me demande pourquoi ces moment de joies et d'amour sont si courts. Pourquoi est-ce que papa est ainsi? Pourquoi il lui faut toujours tout gâcher? N'aime-t-il pas la sérénité?

Et puis, je repense aussi à d'autres moments comme ce jour où papa a blâmé maman pour avoir taché la moquette du sang que lui même avait fait coulé.

Je monte les escaliers à toute vitesse, maman m'a beaucoup trop manqué, je suis impatiente de lui dire tout ce que j'ai appris aujourd'hui!
Je toque, elle m'ouvre la porte immédiatement.

Maman est magnifique, aujourd'hui elle a mis un peu de couleur sur son visage, j'aime la voir avec d'autres couleurs que celles causées par les poings de papa, elle a troqué sa large tunique noir contre un somptueux chemisier rouge qui lui va à ravir, maman est tellement belle..

Contrairement à moi, papa n'aime pas ce qu'il voit, il m'ordonne d'aller dans ma chambre,
je fais mine de ne pas l'entendre mais il réitère, je n'abandonne pas, je ne veut plus qu'il abime le si joli visage de maman, pas aujourd'hui, pas le jour de ses 30 ans. Papa s'énerve, mais je reste, il lève la main, et, je crois bien que, pour une fois, nous serons deux à faire les frais du mécontentement de papa.
Maman s'interpose, elle le supplie de me laisser, papa n'aime pas qu'on rejette ses ordres, je dirais même qu'il déteste ça, il n'y est pas habitué, son regard me glace le sang alors je pose mes yeux sur le doux visage de maman.

Elle m'ordonne de rejoindre ma chambre, c'est maman, je ne peux rien lui refuser, impatient papa m'attrape violemment le bras et m'enferme dans ma chambre.

Je me réfugie aussitôt dans le coin droit du fond de la chambre, j'essaye tant bien que mal de rendre tout ça inaudible mais c'est peine perdu. J'entend tout. Et, je sais que Madame Dumont, la petite vieille de l'étage du dessus elle aussi entend tout. Je sais aussi que le jeune couple de l'appartement d'en face entend tout aussi bien que moi et tout comme moi ils restent passives, à la seule différences que, jamais, eux, ne seront étouffés par de perpétuels regrets.

Papa répète souvent à maman que sans lui elle n'est rien, il lui dis aussi qu'elle devrait se montrer plus reconnaissante envers lui.
Moi, je pense.. non, je sais que papa se trompe et que c'est à lui d'être meilleur avec maman. Sans maman sa vie tout comme la mienne ne rimerait à rien. C'est grâce à maman que nos journées sont aussi agréables, c'est grâce à elle qui, tous les matins se lève deux heures plus tôt que papa et moi avons un super déjeuner et des vêtements lavés et repassés.

Certes, c'est papa qui paye pour cet appartement, cette nourriture, ces vêtements, mais, toutes ces choses ne valent rien face au temps et à l'amour que maman nous donne à foison.

J'essuie mes larmes, je sais que maman n'aimerait pas savoir que j'ai pleuré, quand j'irais la voir une fois que papa sera parti je ne veux pas qu'elle remarque une quelconque trace de mes sanglots.

La porte s'ouvre sur papa, il s'approche de moi plus calme que jamais.

« - Ça va ma chérie?
- Oui.
- Faut pas pleurer tu sais. Maman à fait une bêtise aujourd'hui, tu comprends?
- Oui papa.
- C'est bien ma grande, la prochaine fois quand je te dirais d'aller dans ta chambre ne discute pas, je ne veux pas que tu vois ça, d'accord? »

«La prochaine fois», il y aura donc une prochaine, et cette prochaine fois aura elle même une prochaine fois qui elle même en aura une.. C'est un cauchemar sans fin.