Le vent d'été vient rafraîchir mon front luisant de sueur. L'astre solaire nous écrase de la chaleur accablante de ses rayons ardents. Postée sur une corniche, je m'arrête une énième fois et jette un coup d'œil en arrière. Mon compagnon escalade la paroi de pierres hostiles avec une grâce que je lui envie. Pourtant, la fatigue se lit sur ses traits tirés, avec ses doigts tremblotants sur leurs maigres prises. Soufflant bruyamment, je lorgne une roche presque plate un peu plus loin ; mes jambes lourdes souhaitent se reposer.
Ma peau me brûle à de multiples endroits, exposée sans protection à la morsure de la perle de jour, qui étincelle de mille feux dans son océan bleu dénué de nuages.
Je cherche un peu d'ombre des yeux, mais je ne me heurte qu'à la construction de pierre que nous escaladons. La haute colonne s'élance à l'assaut du ciel face à moi. D'imposants pavés de pierre éburnée s'empilent soigneusement et aucun ne se déchausse. Les marques du temps sont visibles dans les fissures qui lézardent la structure et quelques plantes se hasardent courageusement entre les pierres nacrées. La couleur claire de la tour réfléchit les rayons du soleil qui m'agressent les rétines. La structure semble avoir des siècles d'existence et je sais que ce n'est pas qu'une impression. Un bref vertige s'empare de moi, comme devant chaque spectacle de la nature que nous pensons inédit. Or, cette construction était là bien avant la naissance de notre espèce et elle sera là bien après notre disparition, surplombant les prochaines civilisations.
Levant les yeux, j'aperçois le sommet de la colonne. Il n'est pas loin ; nous y sommes presque. Je déglutis et me remets en marche. Mes muscles, crispés par ces nombreuses semaines de marche, se rappellent à moi douloureusement à chaque pas.
Cela fait des jours que mon compagnon et moi nous usons sur des chemins escarpés avec l'espoir d'atteindre notre objectif. Des jours que des rencontres souvent improbables nous émerveillent ou nous terrorisent. Des jours que nous guettons chaque bruit suspect, préparés à nous défendre face aux pires créatures de ce monde qui rivalisent de dangerosité pour nous empêcher de mener à bien notre quête.
Mais la persévérance finit toujours par payer. Notre pénible voyage prend fin.
Avec effort, je gravis les ultimes marches me menant au sceau de Chronos. Je porte une attention particulière à l'escalier dont la pierre s'effrite sous mes pas et roule derrière moi dans de bruyants claquements. Il s'agit là de la première étape d'un long périple, afin de délivrer le dragon du Temps de sa malédiction.
Lorsque j'atteins enfin le dernier palier, mon regard accroche de suite la petite cavité dans la pierre. Des lueurs sont visibles derrière les filets de poussière et le lierre qui la cachent partiellement. La cavité possède sa propre lumière ; des éclats bleutés se dessinent sur les pierres du fond.
Nous sommes enfin arrivés. Mon cœur s'électrise de toute la force qui lui reste. Je me sens submergée d'une nouvelle énergie à la vue de l'objet de notre convoitise. Mes épaules se détendent et je comprends que j'étais crispée jusque-là. Les maintes parois rocheuses que nous avons escaladées m'ont écorché les doigts et ont raidi mes muscles. Pourtant, je trouve la force de me précipiter sur la cachette et d'en dégager l'ouverture.
Dans l'ombre de ma silhouette, une pierre ardoise est posée sur son socle de roche naturelle. Elle ne semble pas soumise aux règles du temps ; elle scintille, propre de toute poussière. De fines nervures bleutées la parcourent, luisant de magie et de pouvoir. Le liquide mucilagineux serpente lentement et jette des reflets bleus sur les pierres nacrées du fond. Je réfrène l'envie de m'emparer de la relique mystique et attends mon compagnon. Des picotements dans mes doigts m'incitent toutefois à tendre la main.
Le Sceau de Chronos a l'apparence d'une simple pierre, mais elle irradie de puissance et de prestige.
Des bruits de pas me font jeter un regard en arrière. Je croise le regard fatigué de mon compagnon de voyage ; il m'observe un instant avant de baisser ses prunelles sur le Sceau. Ses traits tirés sont éclairés par les veines bleutées de la Pierre alors qu'il s'approche. Il retrousse ses manches sales et à moitié déchirées avant de relever les yeux vers moi, attendant mes directives. Je suis heureuse de l'avoir à mes côtés aujourd'hui, lui qui a toujours été présent pour moi. Chaque jour fut une véritable épreuve pour en arriver là.
Une note chuchote soudain dans la cavité. Je tends l'oreille et me redresse. Mon compagnon fronce les sourcils, visiblement confus. La note reprend, lente et envoutante. Comme une chanson connue de moi seule, elle résonne dans mon âme. Tirée par un fils invisible, je détourne le regard de mon compagnon et le fixe sur la Pierre. Sa couleur s'accentue et semble battre avec cette musique entêtante. Je déglutis. Je ferme le poing et étends les doigts alors qu'un fourmillement désagréable parcourt ma main. Comme mue par une volonté propre, celle-ci s'élève et s'approche de la Pierre.
Mon regard reste fixé sur la relique, les iris dévorés par l'envie. Je tends la main pour m'emparer de notre récompense tant méritée. Une étrange chaleur enveloppe le Sceau. La chanson continue de résonner en moi et m'encourage à m'approcher encore. J'en oublie les mesures de sécurité, absorbée par ces notes, et effleure la Pierre.
Mes doigts se figent violemment. Une atroce chaleur s'empare de mon corps. Mon souffle se coupe, mon cœur paraît s'arrêter un instant. Une douleur fulgurante me traverse le bras et me fait frissonner devant son intensité. Un courant électrique parcourt mon corps et brûle dans mes veines. Mes muscles se tétanisent. J'aimerais crier ma souffrance, s'il m'était encore possible de commander à mes cordes vocales.
Un épais brouillard de douleur envahit mon esprit et gèle mes pensées. Je suffoque, mes jambes tremblent. Ma vue se brouille et bientôt se noircit complètement. Je n'ai plus conscience de ce qui se passe autour de moi. Un bourdonnement résonne dans mes oreilles et brouille les sons. Pendant un dernier instant de lucidité, je tente de me retirer. Ma paume reste collée à la Pierre, rendant mon supplice interminable.
Enfin, ma main se détache, comme si le fragment ne voulait plus me faire souffrir, ou comme si c'était la fin. Je m'écroule, mes jambes ne me portant plus.
Une ultime pensée traverse mon esprit : ce n'est pas moi, la R'due. Je ne suis rien d'autre qu'un essai loupé.
Alors que je me sens sombrer dans les eaux sombres du sommeil éternel, je formule mon dernier souhait.
Aider le véritable héros.
~⚔~
Voilà le retour de nos chers amis de Dragomai !
J'espère que ce prologue vous a plu. Qu'en pensez-vous ? Je prends tout du moment où c'est construit ! Ne lésinez pas sur les commentaires et pointez du doigts mes fautes.
Merci d'avance et bonne lecture !
VOUS LISEZ
Draxana : Les Guerres Dragonniques
FantasyArchipel de Dragomai, sous le règne de la Grande Prêtresse Manha. Draxana est en danger. Des hordes de créatures maléfiques ravagent la capitale et terrorisent ses habitants. Leila, une jeune étudiante, est prise dans cette effervescence. Ses migrai...