chapitre 1

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                                             CHAPITRE I

     C’était le 1er novembre de l’année 2018, la fête de Toussaint. Ce vendredi-là, aucun orage ne vint perturber le ciel matinal dégagé et ensoleillé au-dessus de la grande ville de Cotonou. Des messes furent organisées par coutume dans les diverses églises catholiques sur toute l’étendue du territoire béninois en mémoire des saints et des défunts. Ce jour étant férié, les cimetières des villes béninoises étaient remplis par les familles des défunts venus honorer leur mémoire et entretenir leur tombe. Pour l’occasion, des membres de la famille DAGBEMANBOU, cette grande famille originaire de Porto-Novo, s’étaient réunis dans le cimetière de la ville de Cotonou où reposaient leurs défunts dont le feu commissaire Juste DAGBEMANBOU.
    Sur la pierre tombale du défunt commissaire, avaient été gravées ces inscriptions : « Juste Yémanlin DAGBEMANBOU, 26 mars 1965 - 13 avril 2015. A notre papa que nous ne cesserons d’aimer au-delà de la raison. Gravé en nous, ton souvenir est et restera à jamais dans nos cœurs. Repose en paix. »
   Des fleurs décoraient sa tombe carrelée. La plupart avait été apportée une heure plutôt par une délégation des collègues policiers du défunt. Ceux-ci se souvenaient d’ailleurs de lui comme un commissaire intègre et un héros national qui, lors des missions périlleuses journalières et nocturnes, risquait quotidiennement sa vie pour défendre résolument la sécurité du peuple béninois.
    Devant sa tombe se tenaient son cousin paternel le douanier Donatien Vignon DAGBEMANBOU et la femme de ce dernier, la brillante avocate Carole Fèmi d’ALMEIDA.
    Donatien. Cet homme avec de l’embonpoint et d’une taille moyenne était tellement élégant dans ses mocassins noirs qui mettaient en valeur son ensemble traditionnel blanc camouflant à peine son ventre arrondi ! On pouvait même se permettre de le comparer à un sage à cause de sa barbe, sa moustache et ses cheveux grisonnants dont la présence lui rappelait que la soixantaine toquerait à sa porte dans cinq ans.
  Une immense peine, qu’il avait visiblement du mal à cacher à sa femme, se lisait dans les yeux bridés de son visage ovale à en faire trembler ses lèvres roses et lippues. Deux larmes finirent par couler sur ses joues rebondies pour se perdre dans sa barbe grise soigneusement taillée.
  - Malheureusement pour moi, Dieu a décidé que je te rejoindrai très bientôt, cousin, réfléchit intérieurement Donatien en s’adressant à la tombe, comme si son défunt cousin pouvait l’entendre réfléchir.
    Sans qu’il puisse s’en empêcher, ces paroles prononcées, quelques jours plus tôt, par le cancérologue lui revinrent à l’esprit : « Vous êtes malheureusement atteint d’un cancer du sang. Cela me désole, car, le souci est que votre maladie ait été détectée à un stade avancé, Donatien. »
   Face à ce diagnostic, après un examen de conscience, Donatien s’était demandé si sa maladie ne résultait-elle pas d’un châtiment divin ? Un châtiment divin causé par sa cupidité qui l’avait poussé à faire de mauvais choix ces six dernières années. De mauvais choix ayant eu des répercussions sur la vie de milliers de personne… 
   Adorant être assortie avec son époux, Carole avait porté sur des talons une robe courte confectionnée avec le même tissu traditionnel dont Donatien était vêtu. Cette robe épousait parfaitement les rondeurs de son corps et s’alliait à son teint légèrement plus clair que celui de son mari. Son chignon lui donnait des airs « de grande dame ». Une grande dame qui ne faisait pas ses quarante-deux ans. Pour la circonstance, la femme de Donatien avait préféré un maquillage discret, avait enfilé au cou son collier qui tapait le moins à l’œil et à ses oreilles des petites boucles.
   Pensant que Donatien pleurait uniquement à cause de son défunt cousin, Carole effleura le dos de son mari pour le réconforter. Donatien regarda avec chagrin sa tendre épouse qui ignorait encore qu’il était malade. Jusque-là, il avait préféré taire son problème de santé parce qu’elle était enceinte.
    Carole reçut sur son téléphone portable, rangé dans son sac à main en cuir, un message provenant du numéro de Flora ; la fille aînée de feu Juste. Carole lut mentalement le message téléphonique avant de partager son contenu avec Donatien.
  - C’était un texto de Flora. Elle sera bientôt là avec Dylan, Marc-André et Inès. Se sentant beaucoup mieux, Dylan a insisté pour être présent, annonça-t-elle.
  - Je m’en doutais un peu. Connaissant mon cher neveu, pour rien au monde, il ne laisserait sa convalescence l’empêcher de venir rendre hommage à leur défunt père, lui répondit Donatien.    
- C’est vraiment triste que nous et la nation à qui il apportait tant par son travail l’ayons perdu sitôt, murmura Carole, le regard mélancolique et fixé sur la tombe de Juste.
   Carole posa sa tête sur l’épaule de Donatien avant d’appuyer la main sur son autre épaule.
   - Je suis sure que de là-haut, son esprit veille sur toi afin que tu puisses continuer en toute quiétude par prendre soin de ses enfants, trésor, supposa Carole avant d’entremêler ses doigts fines dans ceux de Donatien.
  Carole regarda le père de ses deux filles lui ébaucher un faible sourire.
- Le fait de penser que son assassin puisse peut-être se trouver parmi nos proches me donne des frissons, lui confia Carole tout en observant les autres membres de la famille éparpillés autour d’eux.
    - Stress et grossesse ne font pas bon ménage, ma puce, lui rappela Donatien en posant la main sur son ventre arrondi.
    Ce dernier releva d’abord la tête, soupira, avant de consulter sa montre à quartz analogique ornant son poignet gauche. Son regard se promena autour de lui comme s’il cherchait quelqu’un. Il remarqua enfin ses neveux Flora, Marc-André et Dylan qui pénétraient dans l’enceinte du cimetière bondée de monde. Ceux-ci saluèrent courtoisement les membres de leur famille qu’ils croisèrent au passage. Seul leur oncle Donatien pouvait vraiment percevoir, même de loin, leur souffrance qu’ils dissimulaient tant bien que mal.
      Le temps finit par guérir les blessures, avaient-ils entendu dire. Mais les trois années écoulées depuis l’enterrement de leur père furent loin d’atténuer leur douleur et leur frustration grandissante. Comme pour chacune des fêtes de Toussaint survenues depuis l’enterrement de leur père, Flora, Marc-André et Dylan s’étaient entendus à la maison pour porter tous les trois des vêtements de couleur noire. Ils tenaient à exprimer en ces jours significatifs que leur deuil ne prendrait vraiment fin le jour où ils démasqueraient enfin l’assassin de leur père bien-aimé.
     Une paire de ballerines noires enfilée à ses pieds, Flora Houéfa DAGBEMANBOU pressait le pas devant ses deux petits frères. Les gens qui les rencontrèrent devinaient aussitôt qu’ils descendaient de parents roux à cause de leur tâche de rousseur et leurs cheveux roux. L’abondante chevelure flamboyante crépue de Flora était couverte par un foulard en soie tirant sur une couleur noir et rose. Le foulard, dont elle avait noué les extrémités à son cou, recouvrait ses oreilles dénudées de boucles, mais, laissait voir chaque trait de son visage anguleux qui donnait l’impression qu’elle ne s’alimentait pas correctement.
    La jeune femme âgée de vingt-quatre ans n’avait délibérément pas mis de rouge-aux-lèvres sur ses lèvres minces, roses et fermes. Encore moins de fard sur ses paupières tombantes, de fond de teint sur ses joues aux pommettes saillantes, ou de faux-cils sur ses cils fins. Elle n’avait guère dessiné comme elle savait si bien le faire au crayon de beauté ses larges sourcils roux délicatement épilés et contournant ses yeux marrons clairs bridés.
    Même sans maquillage, la nièce de Donatien conservait une grande beauté au naturel. A son passage, elle imprégnait l’air environnant de l’agréable odeur du parfum qui se dégageait de sa robe à bretelle lui arrivant aux genoux. La couleur noire opaque de son vêtement faisait ressortir le teint assez clair de sa peau douce et hydratée par du lait non éclaircissant. La robe épousait parfaitement les contours de sa forme très svelte. Le buste et le postérieur de la demoiselle n’avaient aucunement de proportions généreuses. À travers l’ensemble qu’elle portait, on distinguait donc à peine ses petits seins et ses fesses pratiquement plates. Sur ce plan, elle trouvait la nature injuste d’avoir donné une belle paire de fesses bombés à tous ses frères. Un sac à main en peau de serpent était accroché à son épaule droite. Son poignet gauche était paré d’une montre analogique en argent. Ses ongles manucurés étaient enduits de vernis rose et brillant.
   En ce qui concernait les petits frères jumeaux de Flora dont elle était l’aînée avec un écart de quatre ans, ils la dépassaient étonnamment en taille. Moustachus, ils donnaient même l’impression d’être ses grands frères à cause de leur taille.
   Qu’il en mettait plein la vue, Marc-André, dans sa chemise en lin soigneusement repassé et presque boutonnée laissant entrevoir ses pectoraux épilés. Sur ses pectoraux reposait une médaille dont le médaillon comportait les lettres de son prénom. Les longues manches de sa chemise retroussées jusqu’aux avant-bras lui conférait un charme particulier. Les manches ainsi retroussées laissaient voir de légers poils roux sur ses avant-bras musclés. Son pantalon en soie, également repassé, était retenu autour de ses hanches fermes par une ceinture grise à œillets. Ses chaussures fermées noires Versace foulaient fièrement le sol sablonneux jonché par endroit de cailloux.
   Sa peau ferme, très claire et hydratée par une pommade anti-moustique luisait sous les rayons du soleil. Une montre analogique de marque Rolex, en or massif aux contours incrustés d’une paire de diamants ornait aussi son poignet gauche. Marc-André avait, tout comme Flora et Dylan, à son doigt une mystérieuse bague en argent.
    A sa droite se tenait avec nonchalance son frère jumeau Dylan. Les fossettes au niveau des joues de Dylan rendaient son visage sympathique. Et quand il lui arrivait de sourire, son sourire accentuait ses deux fossettes. André n’en possédait pas aux joues. Mais ce dernier en avait bien une au menton. Hormis ce petit détail et la corpulence, Dylan ressemblait trait pour trait à Marc-André. Il arrivait même à leur entourage de les confondre lorsqu’ils s’habillaient aux rares occasions de la même manière. Généralement, leur style vestimentaire était distinct.
   Dylan portait une chemise en soie à manches courtes sur un jean noir serré et retenu autour de ses hanches par une ceinture blanche en cuir à agrafe.  Sa chaîne en or avec un médaillon en croix autour de son cou témoignait son attachement pour le catholicisme. Souffrant depuis sa naissance d’une sinusite sévère qui le rendait très sensible aux odeurs, le jumeau d’André n’aimait pas parfumer ses vêtements. La senteur des vêtements parfumés de ses frères irritaient d’ailleurs les narines de son nez bien droit. Le grand jeune homme foulait le sol avec la paire de basket Adidas qu’il chaussait. Les cheveux roux de sa tête étaient couverts d’un chapeau blanc aux contours noirs protégeant des coups de soleil son visage clair et un peu dernièrement parsemé d’acné. Une montre numérique en caoutchouc de couleur grise ornait son poignet gauche.
   A tour de rôle, les enfants de Juste saluèrent par une accolade Donatien et Carole. Ce fût avec une immense peine que la progéniture de Juste se recueillit ensuite auprès de sa tombe. Ils observèrent une minute de silence.
    Inès, leur aide-ménagère, s’approcha soudain d’eux tout en balançant ses hanches larges. Elle marchait lentement dans ses escarpins gris assortis à la couleur grise de son sac à main artisanal accroché à son épaule gauche. Dame nature l’avait doté d’une taille moyenne et sa gourmandise avait fini par lui attribuer son embonpoint. Par ailleurs, Inès avait hérité de sa mère sa tête ovale, ses oreilles courtes, un front quasiment bombé, des lèvres charnues en dessous d’un nez épaté et d’yeux noirs enfoncés. Deux boucles pendaient aux extrémités de chacune de ses petites oreilles. Avec une mine fraîche et légèrement maquillée, la jeune servante portait une tenue traditionnelle que son défunt patron lui avait fait coudre de son vivant par un tailleur à l’occasion de la fête de fin d’année en 2014. Son vêtement, qu’elle avait imprégné de déodorant, s’arrêtait aux chevilles de ses jambes arquées. Le mélange de couleurs vives que renfermait sa tenue s’alliait avec la noirceur de sa peau quotidiennement hydratée par un lait non éclaircissant.
   Inès tenait dans sa main droite massive un bouquet de fleurs qu’elle venait d’acheter chez une vieille fleuriste ambulante. Sans plus tarder, la domestique des DAGBEMANBOU déposa affectueusement le bouquet de fleur sur la tombe de Juste, son défunt employeur. La jeune femme de vingt-six ans avait dédié huit années de sa vie au service des DAGBEMANBOU. Celle-ci faisait donc presque partie de la famille. Même après la mort de Juste et l’infirmité de sa femme qui en avait malheureusement découlée, Inès avait préféré rester auprès de leurs enfants pour s’occuper d’eux. Ceci malgré les offres lucratives de travail que les voisins de quartier lui avaient proposées.
   Lorsqu’Inès salua Donatien et Carole, Dylan perçu dans son regard une certaine complicité avec Donatien.
- Il y a chaque fois ce petit regard discret qu’ils se jettent. Si je ne connaissais pas si bien Inès, je penserai qu’elle entretient secrètement une liaison avec l’oncle Donatien. J’ai peut-être raison, car après tout, l’être humain est tellement plein de surprise, pensa intérieurement Dylan.
   Inès balaya de côté quelques mèches de ses cheveux tressés gênant son visage potelé. Marc-André s’accroupit avant de poser sa main sur la tombe de son feu père.
  - Ah papa, ton âme a-t-il vraiment pu trouver le repos comme ont voulu nous faire croire les messes organisées depuis ta mort ?, s’enquit-il d’une voix rauque.
   Des larmes embrumèrent ses yeux marron clair et bridés. Par la suite, il émit un profond soupir tout en levant vers les cieux son regard en proie au chagrin. Son attitude peina davantage ses proches.
  - Malencontreusement, chaque fois que l’on vient te voir, c’est toujours avec le cœur rongé par cette incertitude planant autour de ton meurtre. Cela me peine énormément de l’admettre, mais, j’ai failli à cette promesse que je t’ai faite de retrouver celui qui t’a fait ça, finit par dire avec une grande tristesse Marc-André en réajustant sur sa tête le chapeau de couleur noire qui complétait sa tenue.
  - Te torturer psychologiquement n’arrangera rien, Marc. Arrête donc de t’infliger ça, lui recommanda Flora, les larmes aux yeux.
   - Je me sens tellement impuissant face à cette profonde frustration que nous endurons depuis trois ans, avoua André en serrant les poings et en retenant ses larmes.
   Debout à sa gauche, Dylan s’était mis à pleurer silencieusement. La main de Carole se posa sur son épaule et celle de Flora. Carole s’accroupit pour consoler également Marc-André.
  - Dans ces moments-là, j’aimerais tellement trouver les mots justes pour vous épargner cette horrible souffrance, les enfants, leur assura-t-elle.
  Donatien pensait encore à sa maladie. Dylan se demandait pourquoi n’était-il pas encore intervenu tout comme Carole afin de leur remonter le moral comme il en avait l’habitude ? Il se rendit compte que quelque chose inquiétait leur oncle.
  - Ne perdez pas la foi, les enfants. Dieu finira par entendre nos prières. J’ai la foi que ce jour viendra où son meurtrier répondra de son acte, s’exprima Inès.
  - Ces prières n’ont servi et ne serviront strictement à rien ! Pas plus que les fétiches consultés par nos proches ! D’ailleurs, je me débarrasse de cette prétendue bague de protection censée éloigner le mauvais œil de nous !, reprit André en ôtant de son doigt la bague en argent qu’il mit dans sa poche.
   Flora et Dylan avaient aussi une bague similaire enfilée à leur doigt. Les proches de Marc-André lui lancèrent un regard appuyé. Sauf Dylan qui n’était pas surpris par la réaction de son jumeau devenu presque athée depuis la mort de leur père.
  - Quoi, pensiez-vous vraiment ce morceau de fer à votre doigt vous sauvera d’un quelconque danger ?! Si oui, vous êtes vraiment stupides, mes frères ! Rappelez-vous en, des gris-gris, papa en avait plein. Mais est-ce que cela l’a finalement sauvé de ce funeste destin ?!, s’enquit Marc-André en pointant du doigt la tombe de leur père.
   Dylan avait tellement l’habitude d’être insulté par Marc-André qu’avoir été traité par lui de stupide ne le vexa quasiment pas. Flora, par contre, voulut répliquer et remettre son petit frère à sa place…
- ça suffit, André !, s’exprima enfin Donatien.
  Marc-André avala aussitôt les prochaines phrases frustrantes qui s’apprêtaient à sortir de sa bouche. Flora laissa son oncle prendre sa défense et celle de Dylan.
  - Tu n’as pas le droit, même sous la frustration, de traiter ta grande sœur et ton frère jumeau de stupides ! Ils souffrent tous autant que toi de cette tragique perte, Marc. Chacun essaye de la gérer à sa manière, intervint encore Donatien.
   Tandis que Flora et Dylan le dévisageaient avec reproche, Marc-André baissa le regard.
  - Je m’excuse, murmura Marc-André en se relevant.
  Dylan constatait à quel point ses trois années de deuil avaient rendu son jumeau grincheux. Carole serra affectueusement André contre lui. Ce geste affectif réconforta énormément le fils de Juste qui enlaça la femme de son oncle à son tour.
  - Arrête donc de t’en vouloir, André. Durant ces trois années, tu as fait ce qui était humainement possible pour retrouver l’assassin de votre père. De nous tous, tu t’es d’ailleurs le plus investi, ajouta Carole.
    Flora, André, Dylan, Inès, Donatien et Carole quittèrent un peu de temps après la tombe de Juste. Donatien et Carole s’arrêtèrent à quelques mètres pour saluer une connaissance croisée. Les enfants de Juste rejoignirent les autres membres de la famille DAGBEMANBOU qui s’étaient recueilli devant la tombe d’un autre membre de la famille.
     Depuis les arbres environnants aux feuillages verdoyants, on pouvait entendre chanter un corbeau ! Ce fut comme si cet oiseau de mauvais augure prévenait de la présence importune du baron de la drogue connu sous le nom de Raymond Oluwatobi OBAFEMI. Le crâne rasé de ce quadragénaire, vêtu d’un tee-shirt noir à manches courtes sur un jean noir, luisait sous la lueur intense du soleil dont les rayons brûlaient sa peau claire. Il se détacha de la foule. Tout en fumant une cigarette, Raymond avança sournoisement jusqu’à la tombe de Juste. A travers sa lunette fumée dissimulant ses grands yeux, Raymond regarda rapidement autour de lui comme s’il voulait s’assurer que personne ne l’observait. Celui-ci réalisa à sa grande satisfaction que presque tout le monde avait l’esprit absorbé et ailleurs. Raymond ne s’imaginait pas une seule seconde que Carole l’apercevrait dès qu’il tournerait son regard vers la tombe de Juste.
   - Je me demande bien qui est ce monsieur arrêté devant la tombe de Juste, réagit Carole.
  Donatien porta son regard curieux vers le monsieur que sa femme lui désigna d’un signe de tête.
   - Lui ?! Mais, que diable fait-il ici ?, s’enquit Donatien sur un ton plein de surprise et de mécontentement.
   - Tu as l’air de ne pas apprécier la présence de cette personne que tu sembles connaitre, pourquoi donc, chéri ?, voulut savoir Carole.
   - C’est une affaire un peu personnelle. Reste ici, mon ange. Je vais rapidement m’entretenir avec lui, lui répondit Donatien sur le point de rejoindre Raymond.
   Carole appréhenda que l’emportement de son mari ne précède une dispute voire entre sa connaissance et lui.
  - Si ma famille me voit me disputer avec lui, cela soulèvera beaucoup de questions. Je vais donc m’éloigner discrètement avec Raymond pour clairement lui interdire de s’approcher à nouveau de la tombe de Juste, projeta de faire Donatien en se dirigeant vers Raymond.
   Tout en se raclant la gorge, Raymond fixa à travers sa lunette fumée le nom de Juste inscrit sur la tombe. Un peu plus loin, devant la tombe de son grand-père paternel, Marc-André vit à son désarroi Raymond cracher avec désinvolture et mépris sur la tombe de son défunt père.
  - Comme ça fait du bien, j’en rêvais depuis longtemps, murmura de son côté Raymond en regardant sa salive dégouliner sur la tombe.
   Face à cet acte si abject, Carole et Donatien tiquèrent de stupeur.
  - Là, il a dépassé vraiment les limites. Ça tombe bien que ses gardes du corps ne soient pas là avec lui, une fois que je l’aurai attiré au dehors, je pourrais l’attendre facilement avec mes coups de poing. Peu importe si le frapper m’attira de sérieux ennuis, grinça Donatien en colère.
  - Vous venez de profaner la tombe de mon père ! Fils de pute, attendez un peu que je vous fasse voir de quel bois je me chauffe !, s’écria Marc-André en toisant et en pointant du doigt Raymond.
  - C’est apparemment l’un des fils de Juste, réalisa mentalement Raymond en observant Marc-André.
   L’attitude de Marc-André pétrifia Donatien qui jusque-là pensait que seuls Carol et lui venaient de voir Raymond souiller la tombe de Juste. Il savait que la situation était dorénavant hors de son contrôle. Son neveu allait s’hasarder à s’en prendre physiquement à un baron de la drogue. Ce qui provoquerait des réactions hostiles de la part de Raymond qui par la suite pourrait envoyer ses hommes de main le faire tabasser discrètement dans une ruelle sombre et non pratiquée…

La double déception de Marc-AndréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant