•° Chapitre 1 °•

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-Monsieur, de grâce ! Cessez de jouer avec les tissus et laissez-moi ajuster les manches de votre manteau ! criait l'une des domestiques du domaine, comme on les entendait souvent crier.

Le jeune fils de la comtesse Anne de Selborne avait l'habitude de les rendre folles, c'était son petit jeu quotidien. Il était plongé entre l'enfance et l'âge adulte, n'avait plus la délicatesse et l'innocence pour les enfantillages, mais on ne le respectait pas encore comme un homme d'âge suffisamment mûr pour le traiter comme tel. Il était seul, dans le domaine, n'avait pas de véritable ami, ni de frère, ou de sœur, seulement les courtisans et ses domestiques. Et leur faire vivre l'enfer était l'une de ses occupations favorites.

Le gala organisé par la famille royale excitait énormément le jeune comte, il avait entendu les filles du domaine voisin en parler lors d'un de leur pique-nique dans le parc qui séparait leurs deux bâtisses, elles y avaient invité Harry, évidemment. Elles n'avaient cessé leurs états d'âmes sur la beauté des nobles, ducs, barons et comtes, bien souvent déjà fiancés, et se bataillaient sur les tenues qu'elles devaient porter. Des colliers de perles, ou plutôt d'argent, décorés de rubis ou d'émeraudes, de longues robes en velours, ou plus étoffées dans de la soie légère. Harry avait perdu le fil de leur discussion, il ne pensait qu'à une seule chose, aller au palais royal.

Sa mère l'avait conjuré une bonne vingtaine de fois de ne pas y aller, de ne pas fréquenter la famille royale, qu'ils étaient de ceux dont on doit se méfier, mais comment voulait-elle stopper son fils si sauvage ? Harry voulait y aller. Il irait, coûte que coûte. Il irait là-bas avec une seule voiture, son majordome et un valet, se ferait discret, et mentirait sur son identité. Personne ne le reconnaîtrait là-bas.

Harry n'avait jamais vraiment été obéissant, petit il courrait dans les couloirs du château, regardait dans les failles des portes pour déceler des secrets, cherchait dans chaque mur des passages secrets, volait en cuisine. Mais on ne pouvait pas punir un enfant avec un visage si doux, et sur lequel tombait des boucles soyeuses, on ne lui résistait pas. Désormais, il passait ses journées en présence des filles qu'on lui présentait, ou bien dans les écuries de la famille, dans le bois du domaine, dans des galas nobles, ou à lire dans le bureau qu'il avait fermé à chaque membre du bâtiment. Lui seul portait la clé, cachée quelque part que lui-seul connaissait. Il était plus calme, mais pas moins espiègle, cela se lisait dans le vert vif de ses yeux, qu'il tenait de sa douce mère. Elle ne pouvait jamais le faire obéir, la seule loi que suivait Harry, était la sienne.

Dans sa chambre, les couturières allaient et venaient, il les avait engagées pour avoir le meilleur costume pour le gala donné dans seulement quelques jours. On lui avait fait essayer des dizaines de tissus aux matières et couleurs multiples, mais le comte avait fini par céder pour une tenue moins excentrique qu'il ne l'imaginait, quoique plus noble. Il porterait une veste de velours noir, décorée au col par des fils d'or, et autour des boutons par des feuilles de lauriers brodées avec esthétisme. Ses boutons de manchettes, que sa mère avait exigées aux armoiries de la famille, il les remplaça par deux joyaux noirs, comme les boutons de la veste noire il ne pouvait jamais rester sobre. Il fut décidé qu'il garderait ses cheveux détachés, il n'avait jamais coupé ses boucles depuis l'enfance, à part pour les ordonner, mais il lui confia un ruban d'or pour les nouer si besoin.

-Oh mon chéri, tu vas faire chavirer les cœurs dans cette tenue... Mais n'oublie pas, n'approche pas les membres royaux, reste discrets, pense à mon cœur fragile à l'idée de te savoir loin de moi, entouré de ces vautours. Supplia Anne, en brossant le velours de sa veste du plat de ses deux mains décorées par quelques bagues. Harry les volait, étant petit, et les enfonçait sur ses doigts plus fins à l'époque. Ce jour-là, il pouvait porter ses propres chevalières, mais avait décidé que celle décorée par sa famille resterait dans sa poche le temps du gala, il ne voulait pas peiner sa mère en la laissant chez eux, ni prendre le risque qu'on la reconnaisse.

The Golden Raven • LarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant