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Victor


L'homme s'assit sur son canapé et alluma une cigarette en silence, se mettant à regarder dans le vide, bercé par la musique lente qui résonnait avec force dans la pièce. Il n'avait rien de mieux à faire pour le moment. Il n'avait plus aucune occupation. Plus rien n'avait d'importance de toutes façons.

Sa vie se délitait lentement.

Plus rien n'avait de sens. Plus rien n'avait de goût. Il avait l'impression d'avoir perdu tout l'intérêt des choses et toute la force de vie qui avait toujours été siens jusqu'à ce moment. C'était un peu comme si son soleil intérieur s'était soudainement éteint d'un seul coup, quelques mois auparavant seulement.

Quand elle était partie....

Elle avait tout emporté avec elle.

Avec ce qu'il lui avait dit, il avait pensé qu'elle serait heureuse, pour la première fois depuis des années. Mais ça n'avait pas été le cas. Elle avait tellement mal réagi. Elle s'était enfui. Et il ne l'avait jamais revu depuis. Elle avait simplement disparu sans laisser de traces sur ce qu'elle était devenue et où elle était allée.

Avec son cœur...

Elle lui en avait voulu de ce qu'il lui avait dit. Comment aurait-il pu le savoir? La voir courir comme cela pour lui échapper lui avait déchiré les entrailles. Voir ses longs cheveux marrons, au reflets dorés, s'éloigner de lui lui avait fait l'effet d'un coup de poing en plein visage. Il aurait tellement voulu pouvoir la retenir près de lui, mais il n'en avait pas été capable. Il avait simplement failli.

Et il se sentait trahi.

Elle était la seule personne dont il s'était senti proche, la seule dont il avait eu le sentiment de pouvoir lui faire confiance, la seule qu'il avait eu envie de découvrir... Mais elle avait trahi cette confiance. Elle l'avait détruite. Sa souffrance avait été tellement puissante qu'elle avait tout soufflé sur son passage, comme un ouragan qui détruisait tout un paysage. Et lui, ça l'avait mis à terre aussi...

Il n'avait plus confiance.

Il n'acceptait plus personne.

Il ne voulait plus être proche de qui que ce soit. S'attacher à quelqu'un se résumait à se couper les mains: ça ne faisait que laisser des plaies béantes qui le vidait de son sang plus vite qu'il ne le voulait.

Une blessure suffisait largement.

Victor entendit du bruit provenant de l'entrée du salon. Il tourna la tête et la vit appuyée dans l'entrebâillement de la porte, habillée seulement de ses sous-vêtements, ses longs cheveux blonds et mouillés collés contre sa poitrine généreuse et sur ses épaules, comme si elle n'avait pas pris le temps de se coiffer.

Elle le regardait avec impatience et envie, semblant se demander ce qu'il était en train de faire tout seul dans ce salon. Ses yeux noirs étaient interrogatifs, semblait se demander dans quel était d'esprit il se trouvait. Elle avait l'air légèrement soucieuse. Ses sourcils étaient légèrement froncés et ses lèvres si fines étaient pincées. Malgré tout cela, elle restait belle. Sa peau blanche ressemblait à de la nacre qui scintillait de mille feux sous le soleil. Ariane avait des qualités physiques que personne n'avait le droit de nier.

Et elle avait profité de l'absence du père de l'homme pour venir passer la nuit avec lui. À dix-sept ans, avoir un père routier qui partait en déplacement pendant des jours, voire même une semaine entière, avait certains avantages. Et avoir une mère qui les avait abandonné le jour de ses sept ans avait un sacré désavantage: il n'arrivait pas à avoir confiance en les femmes. Et ce qu'il avait vécu avec elle quelques mois plus tôt seulement ne faisait que confirmer cette méfiance qu'il avait au fond de lui.

À chaque fois que son père partait, Ariane venait le voir. Ils ne se voyaient que la nuit. Et ils ne partageaient que des liens charnels. Victor n'avait pas besoin de plus. Il ne voulait rien de plus. Il se sentait bien incapable de s'attacher de nouveau à une personne maintenant qu'il avait l'impression d'avoir été trahi par une personne comme il l'avait été par elle. Il était incapable de faire confiance à une femme.

Les sentiments n'étaient pas faits pour lui.

Il préférait les relations sans attache.

_Alors, tu vas rester seul sur ce canapé à broyer du noir ou tu vas venir t'amuser avec moi, Vic, s'exclama la jeune femme avec amusement en s'avançant d'un pas seulement dans la direction de l'homme?

_On pourrait faire un peu des deux, s'amusa Victor d'une voix lourde tout en écrasant sa cigarette dans un cendrier. Tu peux venir t'amuser avec moi sur le canapé... La jeune femme se mit à rire en silence, puis essuya son nez avec une grande force, reniflant d'une manière qui l'exaspérait toujours autant. Elle prenait soin d'effacer les dernières traces de cocaïne de son visage avant devenir le rejoindre.

Il aimait les drogues. Il aimait leurs effets... Mais il n'aimait pas du tout en voir les traces sur les visages.

Ariane le savait.

Elle s'avança rapidement en direction de l'homme et vint s'asseoir sur ses genoux à califourchon tout en lui faisant face. Il glissa rapidement ses doigts le long de ses hanches, puis serra fortement la taille de la jeune femme entre ses bras aux muscles de plus en plus développés par le sport.

Et il l'embrassa à pleine bouche.

Peu importait ce qu'il ressentait, il voulait juste exulter. Il voulait juste oublier le monde pendant quelques instants.

Il n'avait plus de cœur.

Il n'avait plus d'espoir.

Il la détestait de toute son âme pour ce qu'elle lui avait fait subir, tout au long de ces derniers mois. Il la haïssait comme il n'avait jamais détesté une personne auparavant, même encore plus que sa mère.

Pourtant, elle lui manquait plus que tout au monde.


 Santana lui manquait de plus en plus...

Ne me laisse pas... (Les coeurs déchirés)Where stories live. Discover now