Hurts so good

Chapitre 4

Marek

Mon métier exige que je sacrifie quelques soirées pour entretenir mon réseau. Ce soir, je suis convié à un vernissage dans le centre-ville. Je traîne des pieds pour y aller parce que je sais déjà̀ ce qui m'attend. Les invités vont venir s'extasier sur des croûtes surestimées à débattre de la puissance des œuvres et du sens de l'Art. De la branlette intellectuelle en somme, sans grand intérêt. Je ne suis pas un esthète, si ce n'est quand il s'agit d'apprécier des corps suintants et débauchés. Mais je dois bien admettre que le galeriste a mis les petits plats dans les grands en invitant tout le gratin. Professionnellement parlant, je me tire une balle dans le pied si je ne me montre pas à ce genre d'évènements. J'ai beau être mon propre patron, je ne peux pas déroger à certains impératifs. J'enfile une chemise de couturier fraîchement repassée et mon pantalon de costard gris anthracite pour coller au décor. Je me vaporise de parfum et pare mon poignet d'une montre de luxe. Je fignole les derniers détails, replace quelques mèches rebelles pour parfaire mon allure, enfile une veste et c'est parti.

J'ai volontairement pris mon temps et ça fait déjà̀ deux bonnes heures que le vernissage a commencé́. En franchissant l'entrée, je ne suis pas surpris de reconnaître une partie des culs serrés venus se montrer. Ils aiment tellement évoluer en cercle fermé, c'est d'un navrant. Je parcours la salle brièvement du regard et me dirige vers quelques connaissances pour les saluer. Les discussions fusent, un brouhaha couvre la musique électronique qu'un pseudo Dj mixe dans le coin de la galerie. Je sers des mains, souris machinalement et pars à la pêche aux infos, rien de tel pour rester dans la course. Je me poste devant une des toiles exposées et échange des banalités avec les personnes qui m'alpaguent. Ce n'est pas faute d'essayer mais je ne comprends décidément jamais rien à ces putains d'artistes, beaucoup trop perchés pour moi. Alors que je me résous à profiter des festivités, je tombe nez à nez avec une jolie brune. Malgré́ ses talons aiguilles, elle est de taille plutôt moyenne. Ses seins généreux sont prisonniers d'un haut blanc noué au cou, ses jambes fuselées sont mises en valeur par un legging noir qui la moule comme une seconde peau. Tout à fait mon style, si tant est que j'en ai un... La jeune femme se place à mes côtés pour observer la peinture qui nous fait face.

— Je ne vous ai jamais vu fréquenter cette galerie, c'est la première fois que vous venez ici je me trompe ? me demande-t-elle en me lorgnant du coin de l'œil.

Je n'ai pas spécialement envie de lui raconter ma vie et opte pour une réponse des plus banale. Ça aura au moins le mérite d'en venir au fait. En l'occurrence, je ne crois pas que la jeune femme ait été attirée par mes connaissances en art mais davantage par ma chevelure brune et mes yeux verts qui entretiennent le côté mystérieux que les femmes affectionnent tant.

— J'ai été́ invité par un ami.

— Vous aimez ? m'interroge-elle en désignant la toile de ses doigts fins.

— Ce n'est pas trop ma came tous ces trucs. Les gens aiment se faire mousser pour pas grand-chose je dois dire.

— Ça a le mérite d'être honnête, ricane-t-elle en m'invitant à poursuivre.

— Regardez-moi ce machin, on dirait qu'il a juste voulu vider ses fonds de tube.

La brune éclate d'un rire sonore sans se soucier de la jungle qui nous entoure. Elle s'arrête finalement quand elle voit ma mine déconcertée face à sa réaction démesurée.

— Je suis Anouck Aillaud...une des peintres qui expose.

— Vous m'en voyez désolé pour vous, répliqué-je sans avoir peur de la vexer.

— Et bien vous n'avez pas votre langue dans votre poche c'est le moins qu'on puisse dire !

Elle se rapproche de moi avant de poser sa main sur mon épaule. Ses lèvres sont proches de mon oreille, je sens son souffle sur ma peau et me réjouis de cette soudaine intimité entre nous.