Chapitre 2 bis

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Lou

Voyant la tournure de mes pensées, j'augmente le volume de la radio et me mets à chanter à tue-tête avec ma sœur. Je ne veux plus y songer. C'est fini. Son souvenir ne viendra pas gâcher cette journée.

— Ah ! Délivrance ! m'exclamé-je quand je peux enfin poser un pied au sol.

Je sors de la voiture en me massant les fesses.

— On est en avance, constate Salomé en s'appuyant contre la carrosserie.

— Oh, oui, étonnant, me moqué-je. Tu nous as tellement pressées que je n'ai pas pu me sécher les cheveux avant de partir. Regarde, je suis sûre qu'ils frisottent de partout.

— On s'en fout, grogne-t-elle avec une moue boudeuse. On n'est pas là pour draguer ! On va établir le futur plan de mon chalet !

J'acquiesce religieusement avant de la rejoindre. Je dois lui prouver que mes chaussures sont propres pour avoir le droit d'appuyer mon talon sur la portière. Insupportable.

— Tiens, dis-moi ce que tu en penses.

J'attrape le magazine qu'elle me tend et hausse un sourcil étonné.

— Tu t'es abonnée à ce genre de revue ?

— Non, il était dans la salle d'attente de mon dentiste. Je l'ai... emprunté.

— Mouais. Tu comptes le leur rendre ?

— Non.

— Volé, donc.

Salomé me tire la langue et m'enjoint à le feuilleter. Je passe les dix minutes suivantes à m'extasier sur les constructions proposées par l'entreprise qu'elle a choisie. Je ne me force pas. Tout est splendide. Le bois apporte vraiment une ambiance chaleureuse et conviviale. Le côté parfois un peu rustique a du charme. On se voit bien siroter un verre de vin, confortablement pelotonnées sur le canapé près d'une cheminée.

Sauf qu'avant de le lui dire, je m'empresse de la taquiner. Je lui montre la photo prise du gérant de BâtiBois, René Trocoin. Un homme d'une soixantaine d'années, les cheveux blancs et le sourire avenant.

— Si c'est lui qui dessine les plans, tu vas te retrouver avec un chalet de mamie.

— Pfff, c'est un gage d'expérience. De toute façon, c'est son associé qui traite mon dossier. À sa voix, je dirais qu'il est bien plus jeune que son patron !

Je glousse tout en retournant à ma contemplation. Je sens qu'elle perd patience.

— Tu aimes ? craque-t-elle.

— Oui. Vraiment. Je trouvais l'idée d'un chalet un peu étrange au départ, sans la neige et les montagnes. Finalement, j'ai hâte de venir en week-end chez toi !

— Tu crois que je devrais faire valider les plans par Maman ? lâche-t-elle d'un ton inquiet.

— À mon avis, c'est Papa qui serait le mieux plac... OK, oublie.

Son regard noir jette un froid. Elle lui en veut d'avoir divorcé il y a quelques années. Elle a même été jusqu'à utiliser le nom de jeune fille de notre mère. Il s'est permis d'insinuer que son ex-femme avait une mauvaise influence sur sa vie, sur ses décisions. Qu'elle n'était plus une gamine incapable de choisir ses propres chemins. Ça n'a pas du tout plu à Salomé. D'autant plus qu'il était assez absent pendant notre enfance, travaillant tard et même le week-end pour subvenir à nos besoins. Arlette, elle, était caissière à mi-temps, mais dépensait la quasi-totalité de son salaire en tissu et accessoires pour les concours de beauté. Notre père ne protestait pas, il suivait, fatigué, certainement las des caprices de son épouse. Du coup, c'est vrai que ma sœur a mal réagi quand il lui a dit qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Elle a méchamment ri, lui signifiant qu'il était trop tard pour reculer, que si ça ne lui plaisait pas, il avait dix ans de retard pour se manifester.

Together - again ? [sous contrat d'édition avec Butterfly]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant