Tu t'es endormi. Ce n'est rien, personne ne vient jamais ici. Tu devais être trop fatigué, reprendre la route dans cet état aurait été imprudent. L'aurore se lève à tes côtés. Observe ces couleurs si pures, n'est-ce pas merveilleux ? Le lever du soleil m'a toujours donné l'impression que tous nos pêchés étaient lavés au petit matin par l'éclat des rayons.
Lève toi, rejoins ta voiture, je ne veux pas te raconter la suite ici. Je veux que tu sois dans un endroit neutre. Il n'y aura pas de meurtre ni de nouveau lieu. Il y aura une partie de mon histoire. Un passé douloureux que je voulais taire à jamais. Je joue avec toi, mais pour jouer il faut que tu saches à qui tu as à faire. Il faut que le jeu devienne intéressant pour nous deux.
Tu y es. A moi de te dévoiler ce que le psychiatre m'a révélé il y a trente deux ans. Après le meurtre, j'avais compris les sentiments qu'on peut rencontrer lorsqu'on ôte la vie. Ce mélange de haine, de peur, d'angoisse, de satisfaction. J'étais très énervé lorsque je suis rentré chez moi. Mes parents m'ont mis une pression supplémentaire lorsqu'ils m'ont parlé de mon rendez-vous chez le psychiatre que j'avais oublié. J'y suis allé évidemment.
Lorsque je suis arrivé, il m'attendait. Il était nerveux, je voyais qu'il n'était pas comme d'habitude. Il devait m'annoncer quelque chose, c'est du moins ce que m'avaient répété mes parents. Je me suis assis, très calme face à lui. Chaque geste, chaque regard, je les analysais afin de comprendre ce qui n'allait pas. Il a commencé par me parler de mon haut potentiel, ainsi que des conséquences que cela pouvait avoir sur la psychologie d'un individu. Je commençais à comprendre où il voulait en arriver. J'ai serré mon poing très fort dans ma main, au point que chaque phalange s'est brisée l'une après l'autre. Il a ensuite pris une grande bouffée d'air et m'a soufflé ces mots "d'après nos séances ensemble, je pense que tu es atteint de schizophrénie, mais ne t'inquiète pas ! Cela se soigne très bien, c'est une maladie avec laquelle tu pourras vivre. Cependant, tu devras prendre un traitement si tu ne veux pas que la maladie gagne du terrain."
Je le savais déjà. Tu pensais que cela m'avait choqué ? Non, bien-sûr. J'avais deviné bien plus tôt que je n'étais pas comme le commun des mortels. Faut-il pour autant être comme tout le monde ? N'est-ce pas une chance d'être né différent ? Avec des capacités que vous tous vous n'atteindrez jamais ? Je l'écoutais en préparant ma manipulation à venir. Je n'aimais pas le ton sur lequel il me parlait et je sentais cette colère qui poussait l'intérieur de ma cage thoracique. Mon être entier devenait brulant. Je rêvais de planter un couteau dans son coeur comme je l'avais fait quelques heures plus tôt. Je devais néanmoins contrôler cette rage qui régnait en mon sein. Chaque seconde passée à l'écouter me parler comme à un enfant m'enfonçait un peu plus dans cette agressivité que je peinais désormais à maitriser.
Lorsqu'il m'a demandé si tout allait bien, j'ai compris que j'étais démasqué. Ma colère se voyait désormais sur mon visage. Et sur le sang qui coulait le long de mes doigts fins. J'avais enfoncé si fort mes ongles dans ma peau, que la sève vermeil gouttait désormais de manière régulière. C'est à cet instant que je me suis apaisé. J'ai songé au couteau dans la plaie, et à cette même sensation de chaleur sur ma main. J'ai alors inspiré profondément, afin de faire fuir toute ma rancoeur. J'ai regardé le médecin et lui ai dit sans trembler : "Je comprends, si je suis malade je dois me soigner. Je ne veux pas être différent. Je veux simplement être un garçon normal docteur". Il a alors souri comme jamais auparavant. Je venais de duper ce vieillard. Il n'avait rien compris. Décidément, être "comme les autres" c'est être trop facilement manipulé. Je ne voulais pas être si faible.
Je suis rentré chez moi, j'ai donné l'ordonnance à mes parents. Ils ne comprenaient pas, ils pensaient que j'allais mourir parce que j'étais malade. Je leur ai expliqué qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter, qu'on pouvait vivre toute sa vie avec cette maladie sans soucis. Je devais simplement prendre les médicaments prescrits par le psychiatre. Ils ont eu l'air soulagé. J'étais rassuré quant au fait qu'ils n'aient pas peur. Ils faisaient leur maximum pour moi, cela ne servait à rien de les inquiéter.
Je suis alors monté dans ma chambre. Elle était ornée de poster d'astres en tous genres. Les planètes, le système solaire, la lune, tout cela me passionnait. Je me suis allongé dans ce lit et j'ai observé les étoiles que j'avais peintes partout pour reproduire l'illusion d'une voie lactée. J'ai alors senti mon oreiller s'humidifier légèrement. Je me suis retourné, cela provenait de moi. Pour la première fois depuis des années, une larme frôlait ma joue aussi délicatement qu'une étoile filante ne brise le ciel sombre d'une nuit glacée. Il faudrait que j'apprenne à vivre avec les meurtres, vivre avec ma maladie, vivre tout simplement. Cela me paraissait désormais impossible de vivre alors que j'inondais le lit de mes larmes abondantes. Je pleurais comme un enfant au milieu d'une fausse nuit, de faux astres, d'une vie tronquée par la maladie.
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Mistero / Thriller" Si vous lisez ce livre, vous serez probablement le prochain à commettre l'irréparable. "