Maman, Élise, Eloé,
Ma dépression, en fidèle amie, me tient la main. Elle ne la lâchera que lorsque mon sang aura repeint le lit de la falaise.
Je ne veux pas imaginer mes os brisés, ni mon corps écrasé. C'est un spectacle que je laisse, comme l'empreinte d'une vie torturée, à celui ou à celle qui aura la malchance de me trouver. Une pensée pernicieuse que j'assume totalement, parce que je me fiche des dégâts que la vue de mon corps broyé pourrait causer à celui qui croisera ma mort. Au mieux, il s'en sortira avec une dizaine de séances chez le psy et sa vie continuera de couler comme la rivière glisse ses eaux tranquilles. Au pire, il ne s'en remettra jamais vraiment et prendra alors peut-être conscience que, même sa propre existence se moque de lui, en lui jouant ses pas sur le chemin pathétique d'un non moins sarcastique : au mauvais endroit, au mauvais moment.
Mais peut-être aussi que jamais personne ne me trouvera. C'est une possibilité qui ne m'effraie pas. J'ai toujours fait partie de ces oubliés qu'on croise, mais qu'on ne regarde pas. Pourquoi ma mort serait-elle différente ?
Je rêve les champs de marguerites de mon village natal. Je rêve leurs pétales comme un dernier linceul.
J'ai beaucoup de mal à écrire ces mots du haut de cet à-pic. Le vent s'amuse à déchirer ma feuille de ses bourrasques soudaines et je dois la froisser entre mes mains si je ne veux pas qu'elle s'envole déjà dans la gueule profonde de la mer déchaînée. Bien que ce soit là sa destinée. Parce que ces mots, personne ne les lira, je ne les écrits que pour moi-même. Je ressens ce besoin d'écrire parce que toute ma vie, j'ai écrit. J'ai écrit mes souffrances, mes peurs, mes solitudes. J'ai écrit mes joies et mes sourires, parce que la vie, c'est ça aussi, quelques bouts de bonheur qu'on rencontre de temps en temps. Hier encore ma chambre , dégueulait de mes textes et de mes mille poésies qu'il me plaisait de coucher sur le papier à mes heures perdues. Hier encore, parce que ce matin, dans le terrain vague en face de chez-moi, j'ai jeté mes centaines de cahiers dans un vieux tonneau en ferraille avant de les brûler comme se brûlaient, jadis, les morts pour délivrer leurs âmes. Je ne veux pas laisser d'empreintes dans un monde étriqué et indifférent aux autres, je veux juste m'en aller seul, comme je l'ai toujours été.
J'ai les deux pieds dans le vide. Devant moi s'étend l'océan dans toute son immensité. Il semble en colère. Il rugit ses vagues qu'il écrase contre les rochers avec une rage qu'on ne connaît que chez ces hommes qui jouent de la violence comme on nourrit sa faim. Je l'écoute me crier sa fureur et j'ai soudain si froid de ce que j'entends que je me bouche les oreilles pour m'assourdir de cette algarade tempétueuse. Je n'ai pas besoin de ça pour aller mal. Ne suis-je pas déjà au bord du précipice ?
Ces mots ne sont en réalité qu'une farce. Un truc pour ralentir le temps et pour m'obliger à réfléchir à tout ça. Peut-être aussi à me trouver une excuse pour ne pas sauter… Ou pour sauter plus vite. Qu'est-ce que c'est con !
J'aimerais être un oiseau pour m'envoler haut, très haut dans le ciel et jouer à saute-mouton avec les nuages. J'aimerais lire le soleil et planer sur le mot « liberté ». Putain que j'aimerais déféquer sur le monde avant de m'arracher les plumes et d'écrire le mot fin avec l'encre de mon sang.
Le froid me pique les yeux. A moins que ce ne soit ces foutues larmes qui m'agressent à nouveau. Je croyais pourtant les avoir vaincues le jour où j'ai compris que rien ne changerait. Je les pensais taries, dévorées par les sécheresses de mon cœur. Mais elles sont là les garces, à charmer mon regard pour faire couler ma désolation sur mes lèvres gercées. Elles sont là et je ne peux plus rien contre elles.
J'ai les deux pieds dans le vide et la mer, elle s'en fout comme moi, je m'en fous d'elle d'ailleurs. Je ne l'ai choisi que pour m'oublier plus facilement au tragique de ses limbes. Je ne dis pas que je ne l'aime pas. Je la trouve tout simplement triste. Malgré cela, je ne peux m'empêcher de la trouver belle. Elle capture nos âmes dans le bleu de ses eaux et, tel un chant de sirène, nous glisse sur la peau l'émotion fragile en perles de sel. Chaque jour, elle nous offre un spectacle délicieux dans l'ondule de ses courbes gracieuses qu'elle dépose harmonieusement sur les plages de sable. Elle joue sa beauté dans l'œil du peintre ou dans celui du photographe et se fige chaque jour un peu plus dans son éternité… Mortelle. Mais tout ça n'est qu'un leurre. La mer ? Ce n'est que des milliards de larmes pleurées sur une terre qui s'étouffe sous nos pas. La mer, elle est seule. Désespérément seule. C'est sans doute pour ça qu'elle ravale aussitôt ses vagues, qui n'ont que le temps de nous frôler les pieds avant de disparaître à nouveau dans sa gueule. Peut-être aussi pour ça, qu'elle emprisonne l'âme de nos marins et qu'elle recrache leurs corps sur les rivages, parce qu'un corps finalement, ça ne sert à rien.
Son silence me fait peur. Bien plus que la mort en fait. Quelle connerie ! Mort, je n'aurais plus à me soucier de l'absence de ces bruits qui savaient occuper mes solitudes. Mort, je serais mort. Point.
Putain que je suis grotesque ! Même ma déprime se moque de moi.
Ça y est ! Il commence à pleuvoir. Quelques larmes de plus sur mon âme ravagée. Ça me fait chier quand même de mourir sous la pluie. J'aurais tellement souhaité un clin d'œil du soleil. Juste un. Pour me sentir vivant. Rien qu'une fois.
Je ne suis pas ce rayon de soleil que tu as tant souhaité, je ne suis qu'une femme naufragée aux souffrances de tes mots.Je suis celui qui se souviendra de toi… à jamais.
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Cette lettre avais été écrite avec cette énergie pathétique mais si touchante, proche du désespoir.
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¦ Fuite ¦
Fiksi UmumPartir de l'autre côté, tous laissé, le monde, mes rêves, mon avenir, ma famille, Marius... Est-ce la meilleur solution ? Ce mal être me ronge de l'intérieur j'essaye de garder le sourire mais l'intérieur de mon cœur pourri de minutes en minutes, je...