Tombent les masques - y o o n m i n

q u a t r e

    Yoongi souffla légèrement dans ses mains rougies par le froid. Celles-ci étaient encore glacées malgré la chaleur ambiante. Il aurait dû prendre des gants, bien sûr. Il n'y avait pas pensé.

    Le jeune homme fixa un instant ses doigts colorés d'un joli rouge. Il sourit doucement. Cette couleur était belle à ses yeux. Il ferma les yeux et repensa à ce rouge qui allait si bien aux cheveux de son idole.

    Il pensait à tout, sauf à son cœur qui battait beaucoup trop vite.

    Park Jimin se trouvait dans le même bâtiment que lui. Peut-être même juste à côté. Et il allait le rencontrer.

    Il n'osait même pas y croire.

    A côté de lui, Namjoon le fixait, un petit sourire amusé aux lèvres. Yoongi le savait, il était impossible de lui cacher quoi que ce soit. Son agent le connaissait par cœur. En un seul coup d'œil, il savait déceler ce qui n'allait pas et trouver les mots pour le réconforter. Il avait cette capacité d'aimer passionnément les gens et d'avoir toujours ces paroles qui sonnent juste. Malgré sa timidité, Namjoon était quelqu'un de très apprécié pour cela. Et aussi pour ses réflexions philosophiques, souvent étonnantes et incroyablement profondes.

     Yoongi le comparait souvent dans sa tête à maître Yoda. En plus jeune et moins vert.

    - Arrête de stresser, Suga, dit doucement le plus jeune. Sois naturel.

     Encore une fois, Namjoon avait su trouver les mots justes. Le pouls du pianiste s'apaisa un peu en entendant ces paroles, retrouvant presque leur rythme normal.

     Encore une fois, Namjoon avait su comprendre son ami, le comprendre et l'épauler. Encore une fois, il avait réussi à calmer son stress, et cette horrible peur qui lui dévorait les entrailles et lui pourrissait la vie.

     Car l'agent était la seule personne au courant de sa sociophobie.

    Pour cela, et pour tout le reste, Yoongi lui était reconnaissant.

    Tout à coup, la porte s'ouvrit. L'organe vital du pianiste eut un bond douloureux, et il releva précipitamment les yeux.

    Ce n'était pas Jimin, mais un jeune homme, qui semblait un peu plus jeune que lui. Le nouvel arrivant les fixa un instant, tandis que le cœur du brun revenait à un rythme normal.

    - C'est vous, Min Yoongi ?

    L'intéressé hocha la tête sans un mot. L'inconnu lui sourit. Yoongi remarqua qu'il avait un joli sourire, qui lui donnait un petit air de lapin adorable.

    - Bonjour ! Je suis Jeon Jungkook, le garde du corps de Jimin. Suivez-moi, s'il vous plaît. Il vous attend.

    L'organe vital de Yoongi s'emballa de nouveau. La gorge sèche, le pianiste se leva tout en passant sa langue sur ses lèvres, non sans mordiller un peu leur peau rose au passage. Il eut aussitôt une grimace imperceptible. Ce gloss n'avait pas un très bon goût. Pourquoi s'était-il maquillé, déjà ?

    Il allait voir Park Jimin. Park Jimin. Est-ce qu'au moins c'était réel ? Et s'il rêvait ? Comment allait être son idole ? Est-ce qu'il... Ah, est-ce qu'il avait bien pensé à fermer la fenêtre en sortant de chez lui ? Et est-ce que son maquillage était bien mis ? Et comment allait-il réagir en le voyant ? Si ça se trouve, il allait même pouvoir le toucher, ou même juste le frôler... Ou même simplement être dans la même pièce que lui et... mon dieu mon dieu mon dieu. Reste calme, Yoongi, reste calme, ne panique pas, tu vas le voir en vrai, donne-lui bonne impression, garde ce visage impassible que tu sais si bien faire, oh mon dieu je vais le voir en vrai j'ai tellement hâte mais j'ai si peur aidez-moi à l'aide je me sens pas bien

    Les pensées se bousculaient confusément dans sa tête, comme chaque fois qu'il était nerveux. Il avait du mal à garder les idées claires. A l'intérieur de son crâne, c'était une tempête de mots, de sensations, d'impressions, qui menaçaient de le submerger. Il se sentait couler, perdu au milieu de vagues hurlantes et effrayantes. Il se sentait si petit face à ses sensations et face à lui-même. Il voulait hurler, trépigner ou se rouler en boule.

    Pourtant, à l'extérieur, aucune émotion ne filtrait de son visage. Ses yeux étaient toujours aussi inexpressifs, et il était pratiquement immobile, à l'exception de ses longs doigts fins qui froissaient et défroissaient la manche de son tee-shirt. Yoongi portait son masque, un masque de pierre, celui qu'il savait si bien endosser lorsque rien n'allait, lorsqu'il était perdu au milieu des autres ou au milieu de lui-même. De nombreuses personnes le prenaient pour quelqu'un d'étrange, de distant, voire même d'effrayant. Mais en réalité, c'était lui qui était terrifié.

    Seul, Namjoon ne s'y trompa pas. Le pianiste sentit une main douce se poser sur son épaule, comme un appui, un point de repère, une corde de sauvetage. Yoongi prit une longue respiration et sourit à son ami. Puis il observa l'endroit où il se trouvait.

    Ils venaient d'arriver dans une pièce spacieuse et bien éclairée, aux murs tapissés de miroirs. Une salle de danse, probablement.

    Et, au centre, se tenait Park Jimin.