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   Les mains de Yoongi dansaient doucement sur les touches noires et blanches du vieux piano.

    Ses longs doigts fins les effleuraient, virevoltaient, s'envolaient et s'y posaient, lentement, très lentement, avec une tendresse indicible.

    Dans la pièce, tout était silencieux. Seules les notes tendres et douces résonnaient, emplissant l'espace, presque matériellement.

    Le jeune pianiste avait fermé les yeux pour mieux se concentrer sur les sons, avait banni de son esprit toutes les pensées parasites pour devenir sa musique. Il ressentait un grand calme. Un léger sourire flottait sur ses lèvres, et son visage ainsi détendu paraissait beaucoup plus jeune. Ses traits adoucis semblaient ceux d'un adolescent.

    Yoongi ne bougeait presque pas. On aurait dit une statue à la peau de marbre et à la beauté pure. Seuls, ses doigts, ses doigts gracieux, ses doigts légers, ses doigts envoûtants dansaient sur le piano, comme animés d'une vie propre.

    Les notes coulaient, lentement, un flot calme et apaisé. Elles s'envolaient comme des bulles, légères et douces, rondes et parfaites, tendres et justes. Et Yoongi devenait l'une d'elles, elles résonnaient dans son esprit et le transportaient ailleurs, dans un autre monde, où il n'était plus vraiment lui, où il était un dieu régnant sur sa musique, un démiurge, un créateur tout-puissant.

    Il se sentait si... bien.

    Il déposa finalement les derniers accords, dans un souffle, comme s'il avait retenu sa respiration pendant très, très longtemps. Ceux-ci restèrent en suspens un long moment dans l'air. Tout était immobile, en transe.

    Le pianiste sembla finalement se réveiller. Ouvrant ses yeux noirs, il redressa lentement la tête sans quitter des yeux son piano.

    Un tonnerre d'applaudissements éclata alors, comme s'il n'avait attendu que ce signal pour se manifester. Le jeune homme se tourna vers son public, clignant des yeux. Il avait l'impression de s'éveiller d'un rêve. Il eut un léger sourire et se leva, puis salua, encore un peu ailleurs.

    - Et c'est un triomphe pour notre jeune compositeur - interprète prodige, Min Yoongi !

    L'intéressé fixait la foule qui s'était levée pour l'applaudir à tout rompre. Il la salua encore une fois en souriant, un peu mal à l'aise. Savoir que tous ces gens venaient pour lui, lui et sa musique, le remplissait de fierté. Mais... cela l'inquiétait aussi. Il ne pouvait s'empêcher de se demander si ce n'était pas un rêve, un mirage qui s'évanouirait bientôt. Plusieurs fois, il s'était demandé ce qu'il ferait si le succès l'abandonnait. Et il n'avait pas encore de réponse.

    Le jeune artiste retourna lentement dans sa loge, perdu dans ses pensées. Il se sentait un peu ailleurs, comme chaque fois qu'il donnait un concert. Il écouta à moitié ses proches le féliciter, souriants et enthousiastes.

    Tout à coup, Namjoon arriva en courant dans la salle.

    - Yoongi ! Un appel pour toi !

    Le pianiste fixa son agent d'un air ennuyé. Il ne se sentait pas d'humeur à répondre au téléphone.

    - C'est qui ?

    - Tu ne devineras jamais !

    Un peu intrigué, le brun se redressa en fronçant les sourcils. Malicieux, Namjoon attendit quelques instants avant de lâcher sa bombe.

    - Le manager de Park Jimin !

Tombent les masques - y o o n m i nOù les histoires vivent. Découvrez maintenant