s e p t

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    Yoongi ne sut pas quoi dire. A vrai dire, il ne savait même plus comment penser. Il se contenta de fixer Jimin, se demandant s'il avait mal compris ce que le chanteur voulait dire.

    Jimin... gros ?

    Ces deux mots n'allaient pas du tout ensemble. Jimin était tout, sauf en surpoids. Il était mince. Presque trop, même.

    Yoongi se remémora rapidement les derniers jours passés avec lui, et dut se rendre à l'évidence : depuis un petit moment, il avait beaucoup perdu de poids. Le pianiste ne s'en était pas aperçu, ce n'était pas le genre de choses qu'il remarquait facilement, mais maintenant qu'il le constatait, cela le frappa de plein fouet.

    Jimin se trouve gros... et il a beaucoup maigri.

    Bon sang, quelle connerie est-il en train de faire ?

     Un sentiment d'urgence l'envahit.

     Jimin était peut-être en train de commettre une erreur. Une erreur dangereuse, voire même irréparable. D'un seul coup, Yoongi eut peur. Une peur horrible, pernicieuse, qui lui glaçait la peau. Son idole était peut-être en train de se faire du mal volontairement, s'affamer, mutiler indirectement son corps, peut-être même était-ce déjà trop tard. Il sentit son cœur s'affoler, cogner douloureusement dans sa poitrine, à lui en faire mal.

     Et dire qu'il n'avait rien remarqué...

     Dire que Jimin se sentait si mal, et que lui, qui le côtoyait tous les jours, n'avait rien remarqué...

    Il avait mal, tellement mal pour lui. Cela lui déchirait le cœur. Savoir que celui qu'il aimait ne se sentait pas bien au point de vouloir perdre encore du poids, cela lui retournait le ventre entier, comme si tout en lui se retrouvait brutalement à l'envers.

    - Qui t'a mis ça dans la tête ?

    Jimin ne le regardait toujours pas. Il avait même complètement tourné la tête, pour que son visage ne soit pas visible.

     - P-Personne...

    Sa voix était complètement hachée, comme si sa respiration était saccadée. Comme s'il se retenait de pleurer.

    Le cœur de Yoongi eut un sursaut d'inquiétude en l'entendant.

    - Qui ça ? insista-t-il.

    Le danseur ne répondit pas, et le silence qui plana fut un supplice pour le musicien. N'y tenant plus, il se leva d'un bond et s'approcha de lui.

    - Jimin !!!

    Sans réfléchir, le brun entoura de ses bras les épaules du chanteur et le serra contre lui.

     Yoongi eut un frisson en sentant le corps du chanteur contre le sien, la douce chaleur sur sa peau glacée. Il fut alors envahi d'un grand calme, comme si d'un seul coup, tout s'était tu, et qu'il ne régnait dans le monde et dans son esprit qu'un silence délicat et reposant.

     Il ferma les yeux et posa sa tête sur l'épaule de Jimin, comme pour imbriquer encore plus leurs deux corps ensemble. Il sentait les muscles du chanteur se détendre progressivement, s'abandonner doucement à l'étreinte de son aîné. Lorsque le plus jeune bougea légèrement la tête, gêné, ses cheveux lui chatouillèrent les lèvres, et Yoongi eut envie de mordiller ces petites mèches.

     Un pétale de cerisier. Il voyait, sous ses paupières closes, un pétale rose, d'un rose de lever de soleil, d'un rose tout doux, tout tendre, plein de fraîcheur, de sensualité, d'innocence.

     - Yoongi ?

     La voix de Jimin n'était qu'un murmure, et, encore une fois, le musicien frissonna en entendant ce son.

     Il se rappelait, la première fois, quand il avait rencontré Jimin. Il se rappelait de son étonnement. Il n'imaginait pas sa voix aussi aigue, aussi douce, aussi pure. Bien sûr, il en avait eu un aperçu auparavant dans ses chansons, mais... ce n'était pas pareil. Rien ne pouvait restituer la beauté, la puissance de sa voix. C'était une pure merveille.

     Souvent, Yoongi s'imaginait la cueillir, délicatement, et la garder bien à l'abri, au fond d'une boîte à secrets, comme un bijou précieux, comme une perle rare...

     - Yoongi ? Qu'est-ce que tu fais ?

     Le pianiste ne répondit pas. Il se sentait si bien... ailleurs. Il aurait voulu rester pour toujours ainsi, collé contre Jimin. Il aurait voulu sentir longtemps sa chaleur réchauffer ses mains glacées.

     Mais d'un coup, il eut peur. Un froid soudain chassa la douce présence du chanteur et l'envahit tout entier, balayant son esprit avec la force d'un tsunami.

     Et si, bientôt, Jimin n'était plus là ?

     Et s'il commettait une bêtise irréparable ?

     Yoongi s'écarta soudain, le cœur battant, les yeux écarquillés. Si cela arrivait... ce serait de sa faute, entièrement de sa faute. Jimin lui avait envoyé un message de détresse, lui avait fait part de son mal-être. Il espérait sûrement que le pianiste le soutienne.

     Il devait faire quelque chose... trouver les mots... les gestes... le rassurer...

     - Ji-Jimin...

     Yoongi se mit à bafouiller. Il s'embrouillait dans ses pensées, dans ses phrases, dans ses idées. Il le savait, il fallait qu'il aide Jimin, qu'il le réconforte, qu'il le rassure sur son poids, mais il ne savait pas comment faire, pas comment réagir, il ne savait pas ce qui aidait les autres, il ne savait pas leur donner du courage, de l'amour, ou même simplement un sourire, ces autres qui pour lui étaient un mystère, des portes closes, des fenêtres fermées, ces autres qu'il ne savait pas comprendre, ces autres qui lui faisaient peur, il ne savait pas, pas leur parler, pas leur sourire, pas être comme eux, il ne savait pas comment être aimé de tous, il savait juste être seul, avec sa musique, son piano, c'était tellement plus simple que les mots, des notes, des touches noires et blanches, être compris, enfin, être libre, être libéré.

     Yoongi se sentit sombrer, couler à pic dans une eau froide et sombre qui l'enserrait, le collait, le prenait à la gorge, et autour de lui des rires, des visages grimaçants, et dans sa tête des voix, de plus en plus rapides, la panique, plus fort, plus fort...

     Il recula, un pas, un autre, fixa Jimin qui le fixait en retour, les yeux ouverts, surpris, peut-être déçu, évidemment, il ne comprenait pas, personne ne pourrait comprendre, s'enfuir, fuir ces démons, ces peurs et ces trous noirs...

     Alors il se retourna et courut aussi vite qu'il le pouvait.

Tombent les masques - y o o n m i nOù les histoires vivent. Découvrez maintenant