I. A l'aube des vagues

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Sur un rocher sur lequel je demeure debout, je contemple intérieurement une âme sensible et fragile qu'est la mienne. Moi, musicien illustre, écrivain de renom, dramaturge réputé, j'allonge mes quarante années sur une mer calme et froide qui me regarde fixement. Elle s'enroule puis s'échoue, et puis laisse sa petite sœur la suivre pas à pas, le temps d'une vie. Une vie robuste et dur, un vie froide et sensible, une vie.  Mes yeux sont toujours fermés, sur la côte d'Italie, mon endroit favori. Cette belle Italie que j'ai tant de fois contemplé, que j'ai tant de fois admiré reviens vers moi chaque jour comme un enchantement.  Le bruit de la nature autour de moi me fait l'effet d'un isolement profond et limpide. Je suis le seul homme de cette Terre. Ces vagues italiennes me font rêver et me transporte dans mes souvenirs les plus marquants. Mon enfance, mes premiers amours, mes rêves, ma vie. Tout commence, mais rien ne continue. Dans ma vie, j'ai vécu, peut-être trop vécu. Mais je n'ai pas assez vécu pour ne plus avoir cette effrayante peur de la mort qui viendrait m'engloutir dans ma vieillesse. Je ne veux pas mourir tout de suite. J'ai trop de choses a faire, à poursuivre, ma vie n'est que trop courte.

J'ai trop de questions dans ma tête, chaque jour il faut apprendre. On n'arrête jamais d'exister, mais on arrête de vivre. La solitude ne me fait plus peur, je suis peut être un homme maintenant. Mon père est-il fier de moi ? De l'homme que je suis devenu ? Ma mère, elle, est-elle fière aussi ?    Je ne sais point. Il ont arrêté de vivre, mais dans ma tête, ils sont encore là, présent, je les entends à travers le bruit des vagues déferlant sur les rochers. Mais je ne sais point ce qu'ils me disent. Peut-être qu'il faudrait songer à trouver quelqu'un à aimer, sans doute. Mais je n'aime point. Je n'ai jamais eu une grande vision de l'amour, je n'ai eu que très peu de relations, peut-être suis-je comme ça et c'est tout. C'est fortement possible. Mais je me souviens que mes parents n'appréciaient point cette manière de vivre. Mes parents, mes beaux parents.

Pour moi, le comble du bonheur n'est pas d'être aimer, mais de savoir aimer. Aimer son prochain, c'est aimer vivre, aimer rire, aimer chanter. Mes pensées mes bercent ainsi dans mes lointains souvenirs de jeunesse douce et regrettée peut-être. La nostalgie a été toujours mon plus grand défaut et comme lorsqu'on s'endort dans une nuit d'hiver, mes sentiments et mes souvenirs reviennent plus fort que jamais. La solitude. J'ai toujours aimé ça. Je suis seul dans mes pensées et mon corps et personne ne vient me priver de cela. Je suis depuis mes 12 ans quelqu'un d'introverti et peut-être que c'est mieux comme ça. Les gens n'ont pas forcément à savoir mes pensées, je les expriment à travers mes livres, mes poèmes, mes musiques. Je ne partage qu'avec ce qui me plait. Je ne sais pas m'exprimer, je n'ai jamais appris. Mon enfance a été enveloppé de ce caractère et aujourd'hui encore je suis seul sur les rochers italiens, les yeux fermés, les cheveux dans un vent doux et paisible. Je vais rester là un long moment.

Le temps s'écoule, j'entends des voix dans ma tête, je songe, je pense, je regrette, je suis heureux, triste, joyeux, tout un homme en une nuit. J'ai toujours eu cet aspect de méditation soudaine qui me venait en cas de grande isolation. Beaucoup de gens me comprendront, beaucoup ne comprendront pas et ça m'est égal de toute manière. Je vais m'endormir là, les yeux fermés, fièrement postés sur un rocher, je suis debout face à une immense terre bleue et je ne la regarde pas. Je l'écoute, je la sens...elle me bercent.

Misère, déjà l'aube qui se lève au loin

  

Hier dans l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant