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Évidemment, ça ne s’était pas passé comme prévue. On était pas dans un film…

Pierre et Myriam avait du beaucoup rire en recevant leurs lettres. Ils étaient revenu des larmes de joie aux coins des yeux, un sourire franc sur les lèvres mais crispé. « Ils se retenaient de rire » en avait déduit Jay.

Jay vécut leur évidente hilarité comme une trahison et de renferma dans sa bulle hermétique. Il se connaissait bien, il savait que cet état n'était que de passage et qu'au fond, il n'en voulait pas vraiment à ses deux amis. Alors il attendit.

Et il attendit longtemps. Très longtemps.

Mais ça finissait toujours par partir alors il reprit son crayon à papier et il gribouilla deux silhouettes sur une page de roman préféré.

Il avait fait attention aux proportions, aux ombres, aux formes mais... ça ressemblait pas vraiment à ce qu'il s'était imaginé.

Pas grave. Il avait du temps à prendre de toute façon. Autant de temps qu'il faudrait pour que cette douleur dans son coeur s'en aille.

Alors il recommença. Encore et encore.

Pierre lui proposa bien des feuilles blanches un jour, mais c'est comme s'il y avait un voile qui s'oppacifiait entre l'enfant et lui, coupant toute relation. Il voyait le garçon le nez rivé sur ce livre a longueur de journée. Et c'était comme si à chaque nouveau trait noir, un barreau en fer venant renforcé la bulle dans laquelle Jay restait bloqué.

Pierre désespéré par la situation, se détournait de la scène qui paraissait si calme à première vue et rejoins des collègues pour une réunion d'urgence.

Pendant ce temps, Jay rajoutant des détails. Du mouvement aux cheveux, des lèvres plus fines... un Scrabble...

Il se sentait dépendant de sa réussite à reproduire ce qu'il avait vu. Sa vie dépendait de ça.

Il se souvint d'une manière de rire, d'un toc quand elles posaient les lettres sur le plateau... Tout lui revenait et il fallait qu'il n'oublie pas. Jamais.

Parce qu'elles l'attendaient et qu'il ne devait pas les recevoir.

Les pensées s'enchaînaient dans sa tête a mesure qu'il assemblaitdes souvenirs sur le papier.

Sa respiration était saccadée.

Il entendit des bips stridents insupportables.

Et tous ses souvenirs, tous ses mots sur le plateau, et dans son livre, et ses traits, tracés d'un coup de poignet rageur.
Et Pierre.
Et Myriam.

Et Papa ? Et Maman ?

Où sont-elles passées ?

Son hyperventilation ne cessait de s'aggraver. Il pensa mourir à ce moment précis.  Et il se dit que ce n'était pas plus mal au final. Vivre dans une bulle c'était toujours très chouette.

En tournant la tête sur le côté dans un spasme pour chercher un peu d'air, il vit Pierre rentrait en courant et s'approchait de son cocon.

En revanche, ce que Jay ne vit pas c'est la faille dans une paroi de sa prison transparente... une petite ouverture vers l'extérieur...

Si petite.

Mais pourtant mortelle.

Fin.

JayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant